Des malvoyants testent des lunettes révolutionnaires

(Le Nouvelliste)

Séduits par le dispositif numérique testé lors d’une pièce de théâtre, les utilisateurs attendent une prise en charge par l’assurance invalidité, jugeant prohibitif le prix de 10 000 francs.


Quatre malvoyants ont testé les lunettes électroniques révolutionnaires, dimanche soir au Théâtre Alambic. GABRI

 

PAR ROMAIN.CARRUPT

Les lunettes électroniques eSight pourraient changer la vie de nombreux malvoyants. Et ce n’est pas seulement leur concepteur qui le prétend. Dimanche soir au Théâtre Alambic à Martigny, quatre handicapés de la vue ont testé cette technologie canadienne commercialisée en Suisse depuis le début de l’année.

Présent dans la salle, Denis Maret n’a presque raté aucun détail de la pièce «Le mariage nuit gravement à la santé». Le Montheysan ne voit pourtant que d’un oeil, et ce avec une acuité visuelle de seulement 3%. «C’est bien plus agréable que l’audio-description», confie-t-il, ébahi. Zoomer jusqu’à 24 fois Télécommande en main et masque vissé sur la tête, le malvoyant a figé les scènes qui présentaient trop d’éléments flous pour sa vision amoindrie. Il a ensuite zoomé – jusqu’à 24 fois – sur ces zones imprécises. «Les agrandissements fonctionnent à merveille et le jeu avec les contrastes est très efficace.» Autre spectateur, Michel Chambovey se montre également enthousiaste. Avec une acuité visuelle supérieure à celle de son voisin de siège – 10% à l’oeil gauche et 30% à l’oeil droit – le Martignerain n’abaissait les lunettes électroniques sur ses propres verres que lorsqu’un petit détail lui échappait. «Le support est léger et facilement maniable, alors ce n’est pas un problème.»

Pas que pour le théâtre

Les lunettes eSight ne conviennent de loin pas qu’aux pièces de théâtre. Denis Maret se verrait bien s’en servir pour repérer les obstacles d’une ruelle, avant de s’y enfoncer – plus confiant – avec sa canne blanche. Ou sur le siège passager d’un véhicule, tant il redoute aujourd’hui les tours en voiture. «J’aurais sans doute moins la trouille si je voyais le trafic. Et je pourrais même apprécier le paysage, qui sait?» se met-il à imaginer. De son côté, Michel Chambovey a déjà essayé ces lunettes pour la lecture: «On peut se balader dans le texte d’un simple mouvement de tête. C’est vraiment très pratique.» Conquis par l’appareil, le malvoyant retournera le tester au centre optique Titzé à Sion, l’unique revendeur valaisan. Va-t-on bientôt croiser Michel Chambovey avec un masque blanc sur la tête? «Je suis convaincu qu’il améliorerait grandement mon quotidien si je l’utilisais deux à trois heures par jour. Mais il est encore beaucoup trop cher.»

Regards tournés vers l’AI

Les autres handicapés de la vue rencontrés dimanche à Martigny considèrent, eux aussi, le prix des lunettes eSight (10 000 francs la paire) comme prohibitif. Ils appellent de leurs voeux une prise en charge par l’assurance invalidité (AI). Responsable des moyens auxiliaires à l’Office cantonal AI, Christian Arlettaz indique que les utilisateurs potentiels peuvent, de manière générale, adresser à ses services une demande accompagnée d’un devis. «Nous analysons ensuite si le type de dispositif qui nous est présenté entre dans le catalogue des prestations remboursées. Si c’est le cas, il faut encore que le système soit simple, adéquat et économique par rapport à ce qui existe déjà sur le marché.» En cas de doutes, l’Office fédéral des assurances sociales est appelé à se prononcer. A l’échelle du globe, l’entreprise eSight présente dans 45 pays se targue de milliers de clients. En Suisse, quelques dizaines d’utilisateurs ont, pour l’heure, adopté le produit. Aucun d’eux n’est Valaisan. Pour Hervé Richoz, rédacteur à la Fédération suisse des aveugles et malvoyants, ce n’est qu’une question de temps. Le marché existe bel et bien dans le pays: «Ce masque numérique révolutionnaire pourrait ouvrir un nouveau monde à 50 000 personnes en Suisse.» Surtout si l’AI le prend en charge.

Comment ça marche?


Présentation des lunettes électroniques eSight

 

Avec la télécommande, le malvoyant capture l’image qu’il veut observer de plus près. Il zoome ensuite sur celle-ci jusqu’à 24 fois et la parcourt d’un simple mouvement de tête. Il peut aussi sélectionner le contraste qui convient le mieux à sa déficience visuelle.

Pour permettre ces différentes fonctionnalités, une caméra très haute définition projette l’image figée sur deux écrans OLED. A terme, un dispositif de synthèse vocale lira le texte photographié directement dans les oreilles du handicapé de la vue.