Nouvelle étape dans la lutte contre l’autisme de Stalicla

(tdg.ch)

Biotech L’équipe de Lynn Durham est en passe d’attirer 8millions de francs. Premier traitement testé l’an prochain.


Lynn Durham, la CEO et fondatrice de la société Stalicla, au Campus Biotech genevois. Image: Lucien Fortunati

 

Déployant pour la première fois contre l’autisme les technologies de la médecine «personnalisée», mêlant informatique et génétique, Stalicla vise un nouveau financement de 8millions de francs d’ici à la fin de l’année. La société installée sur le Campus Biotech – l’ancien siège genevois de Merck Serono – a déjà convaincu une douzaine d’investisseurs de lui apporter 10millions depuis sa création, il y a deux ans et demi.

Parmi eux, des family offices au service de milliardaires en Suisse et aux États-Unis, des entrepreneurs de la pharma et des figures de la scène bancaire genevoise. Employant 17 personnes, la start-up vient d’être rejointe par Jérôme Wojcik, l’ancien directeur de la médecine de précision de Merck qui préside l’Institut suisse de bioinformatique.

Le modèle imaginé par la fondatrice de Stalicla, Lynn Durham, et son équipe de chercheurs et de spécialistes des données pourrait être comparé à celui de Genentech dans la lutte contre le cancer. «Aujourd’hui encore, le plan de traitement des pathologies neurodéveloppementales comme l’autisme s’appuie uniquement sur l’observation comportementale», rappelle la directrice générale de cette société biotech.

Cartographie de l’autisme

Premier défi, cartographier les patients le plus précisément possible, un véritable défi en raison des milliers de gènes susceptibles d’être associés aux troubles neurodéveloppementaux. Les algorithmes d’une équipe de huit bioinformaticiens installée dans les bureaux de la société à Barcelone passent au tamis la plus importante base de données biologiques complexes sur l’autisme – dite «multiomique» – détenue par une société privée.

Ce tri a fait apparaître un premier sous-groupe de «signatures biologiques» similaires représentant près de 20% des patients, suivi d’un deuxième puis d’un troisième. «La valeur de la société est notamment liée à cette capacité d’identification», souligne Lynn Durham.

Forte de ce ciblage, sa société identifie, à l’aide de sa plateforme bioinformatique, des molécules existantes, souvent mises au point pour des pathologies n’ayant rien à voir, ou abandonnées. Elle y apposera un brevet «maison» permettant de les utiliser contre le trouble du spectre autistique visé. La combinaison de deux molécules développées il y a une quinzaine d’années – en Suisse et par une entreprise pharma japonaise – est ainsi en train de donner naissance à un premier traitement, dont le développement a jusque-là mobilisé 6millions de francs.

Tests cliniques dès 2020

La société espère pouvoir démarrer les tests cliniques sur ce traitement, à l’hôpital pédiatrique américain de Cincinatti, durant la première moitié de 2020. Deux autres candidats thérapeutiques pourraient suivre.

«Identifier un type de patients, tester la molécule, développer des biomarqueurs représente un coût d’une cinquantaine de millions par traitement», énumère Lynn Durham. «Si un groupe pharmaceutique la rachète par la suite, il aurait une centaine de millions à investir sur trois à quatre ans avant sa commercialisation», calcule cette diplômée en sciences politiques et en histoire économique de l’Institut catholique de Paris et de Paris IV. Ce qui reste «sans rapport avec les risques liés à la conception d’une molécule à partir de zéro – qui exige en général près de 1milliard de dollars sur douze à quinze ans», ajoute celle qui est passée par le World Economic Forum avant de prendre la direction des partenariats pour le financement de la recherche de la Faculté genevoise de médecine.

Héritage personnel

L’engagement de Lynn Durham est également lié à un héritage personnel lié à l’autisme. Avec Stalicla, elle espère apporter une approche alternative face à une situation contre laquelle il n’existe pas de traitement efficace des symptômes profonds. «Jusqu’ici, il n’y avait que des neuroleptiques, en clair des camisoles chimiques», rappelle-t-elle.

Loin de prôner la médication systématique de tous ceux concernés par ce handicap, cette Franco-Américaine rappelle que «le terme autisme désigne des réalités très différentes». Son objectif reste de «fournir un équilibre neurobiologique à ceux qui en souffrent le plus, afin de les amener à un niveau d’autodétermination qui leur permettra de bénéficier des approches comportementalistes classiques».