Appeler les secours? Dur pour un sourd!

(le Matin.ch)

Utilisables uniquement par téléphone, les numéros des secours comme le 144 posent problème aux sourds et malentendants. À Bienne, Béatrice Grimm connaît cette lacune: «Ce qui fonctionne au niveau national avec la Rega ne marche pas à l’échelon cantonal avec la police», indique cette animatrice socio-culturelle à la Fédération suisse des sourds.


Béatrice Grimm, animatrice socio-culturelle à la Fédération suisse des sourds: «On nous a tout proposé, sauf un simple numéro. Image: DR

 

Béatrice Grimm baisse les bras, après l’échec d’une négociation avec la police jurassienne: «On nous a tout proposé, sauf un simple numéro. Au fil du temps, ce projet est tombé aux oubliettes», rapporte Béatrice Grimm, guère disposée à entreprendre 26 fois la même démarche dans les cantons.

Mieux que rien

Faute d’un numéro à trois chiffres, les sourds doivent donner l’alerte par SMS via le service Procom, disponible 24h sur 24h, «C’est mieux que rien, mais on n’est pas en direct 1:1», poursuit Béatrice Grimm, pour qui l ‘égalité n’est pas établie avec les entendants.

Problème supplémentaire: certains urgentistes ne connaissent pas le relais proposé: ils raccrochent au nez de l’interlocuteur de Procom sans comprendre qu’il relaie une personne sourde.

L’histoire de Danièle

Cette semaine, «Le Journal du Jura» a raconté l’histoire de Danièle, une grand-maman sourde qui après avoir heurté le coin d’un îlot, n’a pas pu joindre le service de dépannage du TCS.

Après avoir tenté en vain de joindre ses proches par SMS, Danièle a poursuivi sa route avec un pneu crevé qu’elle n’a pas entendu exploser. Arrêtée par une patrouille de police, cette retraitée s’est vue infliger une amende et un retrait de permis.

Milieu de la nuit

Il y a aussi le récit de Walter, octogénaire souffrant de douleurs au bas-ventre, contraint de se traîner chez une voisine et de la réveiller au milieu de la nuit pour lui demander d’appeler une ambulance.

La surdité s’accompagne souvent d’un trouble de l’élocution, si bien qu’en France ou en Belgique, pompiers, policiers et ambulanciers sont atteignables via un numéro d’appel unique à trois chiffres. Numéro accessible par texto, visiophonie, tchat ou fax.

Pourquoi pas un 144 accessible par SMS? «Afin de mettre en pratique un système commun, il faudrait une solution applicable sur l’ensemble du territoire. Mais en Suisse, les antennes du 144 dépendent d’une organisation cantonale», a expliqué au «JdJ» la Fédération suisse des sourds (FSS).

À trois chiffres

À Bienne, le député Mohamed Hamdaoui (PDC) demande une reconnaissance officielle de la langue des signes dans l’administration bernoise, comme à Genève et à Zurich.

Mohamed Hamdaoui exige en particulier un accès «adapté au système judiciaire, à l’administration et aux services publics aux personnes communiquant par le langage des signes».

Béatrice Grimm l’applaudit, mais le gouvernement l’éconduit: le Conseil-exécutif considère «disproportionné d’adopter un acte législatif fondé sur une seule forme spécifique de handicap».

En cas de besoin

«En cas de besoin, par exemple pour un entretien dans un office, au tribunal ou à l’hôpital, il est possible de faire appel à des interprètes en langue des signes via Procom», estime l’Exécutif cantonal.

«Face à ce juridisme froid, je ne lâcherai rien! Le handicap d’un sourd est invisible et cette minorité ne fait pas de bruit», prévient Mohamed Hamdaoui, sachant que sa motion sera débattue dans trois mois.

Sur les lèvres

Pour renouveler son passeport ou discuter de ses impôts, Béatrice Grimm continuera de demander au fonctionnaire de la regarder: «Au guichet, je lis sur les lèvres», dit-elle. Une attention qui n’est jamais accordée très longtemps: le fonctionnaire retourne vite à son clavier…

Jeudi, une journée de sensibilisation sera organisée au Palais fédéral par plusieurs associations de défense des sourds. La Suisse compte 10 000 personnes sourdes et 800 000 à un million de personnes malentendantes.

Vincent Donzé