La politique doit se préparer à la mobilité autonome

(Le Temps)

A quoi doit servir une voiture sans conducteur? Une étude se penche sur cette question. Elle esquisse trois scénarios pour l’avenir et invite le monde politique à anticiper les changements légaux nécessaires.


Un modèle de voiture autonome en démonstration en Californie. — © Alexandria Sage/REUTERS

 

La politique doit se préparer à l’arrivée des voitures autonomes. Tel est le principal enseignement de l’étude publiée mercredi par la Fondation pour l’évaluation des choix technologiques TA-Swiss. Les chercheurs relèvent que la technologie est déjà très avancée. Tous les véhicules nouvellement immatriculés sont équipés de systèmes d’assistance à la conduite, au stationnement et au freinage d’urgence. Par ailleurs, l’automatisation de la mobilité individuelle comprend une composante sociale dans la mesure où elle peut permettre aux personnes âgées, handicapées ou aux jeunes de moins de 18 ans de se déplacer.

Réalisée par les bureaux EBP et Interface, l’enquête esquisse trois scénarios d’intégration de ces moyens de transport dans le paysage suisse de la mobilité. Selon le premier modèle, aucune restriction particulière ne réglemente les automobiles sans conducteur. L’Etat n’intervient que si des problèmes de sécurité apparaissent ou s’il faut éliminer des goulets d’étranglement. Or, ce modèle comprend le risque d’un accroissement du trafic, car ces berlines connectées effectueront vraisemblablement des déplacements à vide.

En zone urbaine ou à la demande

La deuxième variante confine l’utilisation des voitures automatiques aux zones urbaines. Celles-ci serviraient à remplacer des taxis ou des bus et joueraient ainsi un rôle de transport public. Cela nécessiterait de planifier les itinéraires et d’organiser le covoiturage afin de rendre leur utilisation la plus rationnelle possible. Cela permettrait de développer de nouveaux modèles économiques, comme le prévoit par exemple le Code des transports en vigueur en Finlande depuis 2018. «Il faudra inciter les gens à se déplacer ensemble», résume Fabienne Perret, cheffe de projet chez EBP, qui relève que la possession individuelle d’un véhicule ne sera plus forcément le modèle de référence.

Le troisième scénario prévoit un usage à la demande, aussi bien dans les villes que dans les régions rurales. Le système fonctionnerait grâce à des applications, qui permettraient à une personne désireuse de se déplacer d’un endroit A à un endroit B de trouver le véhicule interconnecté susceptible d’effectuer ce trajet. L’étude suggère d’en confier l’organisation à un organe étatique central. Selon les auteurs de l’étude, ce système peut sensiblement réduire le nombre de kilomètres parcourus.

Faudra-t-il encore un permis de conduire?

Dans tous les cas de figure, l’Etat et la politique doivent préparer le terrain afin de définir le cadre réglementaire de demain. Les questions ouvertes sont nombreuses. Il faut une base juridique pour l’utilisation des automobiles automatisées. Le directeur de l’Office fédéral des routes (Ofrou), Jürg Röthlisberger, a annoncé récemment qu’un projet de modification de la loi sur la circulation routière serait mis en consultation en avril. Il s’agira de réglementer la formation que devront recevoir les passagers et les propriétaires de tels véhicules. Un permis de conduire sera-t-il toujours exigé? C’est aussi une question de responsabilité civile et de sécurité: il faudra définir «qui est responsable de la voiture en dernier ressort». Si un accident se produit et qu’il est dû à une erreur de logiciel, la responsabilité pourrait être attribuée au fabricant. Mais s’il s’agit d’une erreur de manipulation, c’est la personne à bord qui sera jugée responsable. Ces points devront être clarifiés.

L’Etat sera également sollicité pour réglementer l’utilisation des données enregistrées par la conduite interconnectée. Celles-ci seront réunies sur une plateforme et partiellement disponibles en open date, selon une formule à définir. Si les voitures sans conducteur sont appelées à se substituer aux transports publics, la législation sur le transport des voyageurs devra être adaptée. L’un des objectifs étant, pour tous les scénarios, d’encourager le covoiturage, l’Etat devra encore prendre des mesures incitatives ou prononcer des interdictions, par exemple celle de circuler à vide ou avec une seule personne à bord d’une voiture à certaines heures ou sur certains axes. Il sera, de surcroît, nécessaire de réfléchir à l’intégration des cyclistes et des piétons dans le système. «Cela peut se faire par un patch», suggère Tobias Arnold, de l’agence Interface, qui insiste sur l’importance de disposer d’un «réseau de télécommunications performant» protégé contre les cyberattaques.

L’Etat devra-t-il s’engager activement en faveur du développement de la mobilité automatisée ou se contentera-t-il de fixer les conditions-cadres? L’étude s’abstient d’apporter une recommandation définitive. Elle vise surtout à sensibiliser le monde politique à la nécessité d’emprunter la voie rapide plutôt qu’un chemin vicinal pour anticiper ces questions. «Un laisser-faire entraînerait un transfert significatif du transport collectif vers le transport individuel, ce qui conduirait à une augmentation de l’étalement urbain et de la densité du trafic», préviennent les auteurs de l’enquête.