Du sur-mesure pour une vie haute couture

(tdg.ch)

Portrait; Ex-championne suisse de ski handicap, la styliste Béatrice Berthet est très engagée dans la vie associative de Carouge.


Béatrice Berthet dans sa boutique «Comme dans un rêve», à Carouge.
Image: Maurane Di Matteo

 

Par où commencer? «J’ai une nature assez hyperactive», prévient Béatrice Berthet quand on la croise – à correcte distance sociale – à l’intérieur du magasin haute couture qu’elle tient depuis l’an 2000 à la rue Ancienne, au cœur de Carouge. Pas le temps d’admirer les élégantes robes de mariée, de soirée, de cocktail ou de concert imaginées par cette styliste-modéliste à l’énergie peu commune que l’entretien démarre sur les chapeaux de roues. À propos de roues, on note du coin de l’œil que cette habitante de Puplinge a rangé son vélo à l’intérieur de sa boutique, fermée comme tous les commerces de la République depuis le 16 mars dernier au soir.

Holà! On n’a pas fini d’inscrire le mot coronavirus en marge que la volubile propriétaire de Comme dans un rêve a déjà pris trois longueurs d’avance dans la discussion. Normal sans doute pour une ex-sportive d’élite qui a mené une brillante carrière de skieuse au sein de l’équipe suisse de ski handicap. De 16 à 26ans, dans les années80-90, elle dévale les pentes avec talent, participe à trois Jeux olympiques et deux championnats du monde, aussi bien en descente qu’en slalom, slalom géant, super-G et combiné.

Un côté battant

«J’étais polyvalente», se souvient la jeune quinquagénaire, plusieurs fois médaillée. «C’était une époque incroyablement intense. Je pratiquais le sport de haut niveau en même temps que des études musicales, violoncelle et chant au Collège Voltaire. Le directeur de l’époque a été assez conciliant. Ça me plaisait bien d’associer les deux domaines. Évidemment, ça laissait moins de temps pour les sorties…»

Qu’à cela ne tienne. La fougueuse compétitrice a toujours su tracer sa route avec détermination. À 10ans, le corps médical lui diagnostique un cancer de l’os sur la jambe droite. Verdict impitoyable: amputation juste au-dessus du genou. «Depuis, je porte une prothèse. Ça a sûrement développé mon côté battant», raconte cette fervente adepte du tennis. «Sur mes deux jambes, le tennis, pas en fauteuil», précise-t-elle.

L’ablation de son cancer n’empêche pas une sévère chimiothérapie. Les médecins l’informent des conséquences: «On m’a prévenue que je resterais stérile. Mais comme mon cerveau n’aime pas qu’on lui dise non, je suis tombée enceinte. Ce n’était pas prévu.»

Car entre-temps, après un passage en sciences politiques, l’ancienne championne de ski avait suivi une formation au sein d’une grande école française de stylisme établie à Genève. «Je voulais me diriger vers la haute couture, mais ce n’était pas compatible avec ma situation de mère de famille. Pour ne pas perdre mon métier, j’ai adapté mes envies en ouvrant un atelier-boutique de création sur mesure.» Les clientes affluent, apprécient les matières nobles – soie, coton, lin, laine, dentelle de Calais – utilisées par la maman de Zoé et Émilie.

Coupes épurées

«Ce qui m’intéresse, c’est de concevoir. J’aime transposer les souhaits de mes clientes, pouvoir mettre en valeur leur silhouette. Mon style va à l’essentiel. J’affectionne les coupes épurées, structurées.» Décidée à liquider la petite section de prêt-à-porter qu’elle proposait depuis 2014, elle projette de créer des robes de mariée où le haut se dissocie du bas, afin que l’un ou l’autre des vêtements puisse être porté dans la vie courante.

En attendant, Béatrice Berthet ronge son frein. Car la crise induite par le coronavirus l’a coupée net dans ses élans. «Ça me flingue toute ma saison. Et je ne peux pas vendre en ligne: une robe, il faut l’essayer.» Oisive, celle qui suit actuellement une formation de conseillère en image à Paris? C’est mal la connaître. D’autres activités soutenues continuent de l’occuper.

Très investie dans le comité de soutien au Nouveau Théâtre de Carouge, elle préside aussi l’association des Intérêts de Carouge depuis 2011, un groupement qui défend les artisans et commerçants de la Cité sarde. La promotion et la sauvegarde des magasins de proximité constituent un bénévolat des plus prenants. «Cela mobilise environ 30% de mon temps. Mais comme je bosse à 130%, ça me va.» On se disait aussi.