«J’ai été dévastée par ma bataille pour obtenir l’AI»

(20min.ch)

Une quinqua suissesse souffrant d’une maladie dégénérative explique ses sept ans de combat pour avoir droit à l’assurance invalidité.


Une quinquagénaire suissesse gravement malade dit avoir été humiliée pendant des années par des experts qui estimaient qu’elle était en capacité de travailler.
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Il y a des batailles dont on sort difficilement indemne. S., 51 ans, en sait quelque chose. Cette Fribourgeoise indépendante, que tous ses proches décrivent comme étant «dynamique, joyeuse et jamais à court d’idées», s’est retrouvée soudainement dans une spirale négative en avril 2012. «Ma sclérose en plaques a commencé à se dégrader. Et pour ne rien arranger, j’ai eu l’algie vasculaire de la face, ou céphalée en grappe. C’est comme si on vous arrache la tête sans anesthésie», décrit S. Plus connue sous le nom de «cluster headache», cette céphalée spéciale est d’une telle violence qu’elle est considérée comme l’expérience la plus douloureuse que puisse connaître un être humain.

Oui des médecins traitants, non des experts

Du neurologue au généraliste, les médecins étaient unanimes: S. était en incapacité de travail à 100%. Mais les différents experts AI avaient un avis diamétralement opposé. Plus que le refus, certaines manières l’ont profondément dégoûtée. «Alors que j’étais percluse de douleurs, un expert en pantoufles m’a regardée dédaigneusement avant de me demander d’arrêter de faire du cinéma et d’aller travailler», dénonce la jeune grand-mère.

Le changement après un déménagement

Exténuée par cinq ans de refus réitérés à Fribourg et le moral en berne, S. a fini par flancher. «J’ai fait une tentative de suicide et 18 jours de coma.» En 2017, S. a déménagé en Valais. «Là, en seulement huit mois, j’ai eu l’AI. Mais, psychologiquement, le système m’a dévastée.»

250 cas de signalements

Du 28 février au 28 septembre, Inclusion Handicap a mis en place un centre de déclaration pour des personnes s’estimant victimes d’expertises AI arbitraires. L’association a reçu plus de 250 témoignages, ainsi que les déclarations d’une trentaine de médecins traitants. «Des experts surévaluent systématiquement la capacité de travail pour être récompensés par de lucratifs contrats avec les offices AI», dénonce l’association. Pendant ce temps, une réforme est en cours afin de prévenir l’invalidité et de renforcer la réadaptation. Elle doit entrer en vigueur dès janvier 2022. Au nombre des améliorations attendues, il y a notamment l’enregistrement des entretiens d’expertise. Mais d’ici là, le conseiller fédéral Alain Berset a demandé en 2019 des analyses sur la qualité des expertises. «Nous avons reçu les résultats. Une communication sera faite prochainement», a indiqué un porte-parole de l’Office fédéral des assurances sociales.