«Aucune raison que des gens soient exclus»

(La Région Nord vaudois)

Julien Cuérel veut créer une loi cantonale pour mieux intégrer les personnes en situation de handicap, un combat qu’il juge essentiel et qu’il soutient au travers d’une motion déposée au Grand Conseil.Interview avec le député et syndic.TIM GUILLEMIN

 

Monsieur le député, d’où vous est venue cette idée ?

Il y a plusieurs réponses à votre question. La première, c’est qu’il s’agit d’un sujet qui préoccupe la Commune de Baulmes de manière concrète. Nous sommes en train de rénover notre Hôtel de Ville,un gros projet à notre échelle, et nous avons décidé d’y installer un ascenseur pour les personnes à mobilité réduite. Le fait que des personnes âgées, ou en situation de handicap, n’aient pas accès à notre administration communale ou à notre salle de spectacles, m’a toujours interpellé. Il y a des personnes que l’on exclut de nos services communaux et ce n’est pas acceptable. Même chose pour la forêt.

La forêt ?

Oui, Baulmes est une commune où les bois sont importants, on essaie de les mettre en valeur.On a créé divers sentiers et on n’a pas toujours eu l’idée par le passé de les rendre accessibles à tous.Raison pour laquelle nous allons inaugurer bientôt un «sentier handicap et nature» pour permettre à chacune et chacun de profiter des beautés de notre nature proche.

Baulmes est donc un village sensible à la cause du handicap…

Je vous donne encore un exemple: nous avons construit récemment quatre appartements.L’un d’eux est un appartement adapté aux besoins spécifiques d’une personne qui en avait la nécessité.

Avez-vous été confronté au handicap dans votre vie ?

Non. Je ne crois pas qu’il y ait besoin de ça pour constater les inégalités autour de nous. Pour le spectacle «Claquettistes», en 2016,nous nous sommes tout de suite demandé comment accueillir tout le monde. Il n’y aucune raison que des gens soient exclus de notre vie culturelle, surtout quand les aménagements sont faciles à faire.

Installer un ascenseur coûte plus cher qu’un simple escalier, non ?

Oui. Mais on parle d’une administration, qui doit être, par définition,accessible pour chaque citoyen. Évidemment que des aménagements peuvent potentiellement engendrer des frais, mais pas partout et pas toujours de manière très élevée.

Par exemple ?

Pendant le Covid, de nombreuses conférences de presse ont été organisées dans l’urgence,sans faire recours au langage des signes. Là aussi, on exclut une partie de la population alors que le sujet est essentiel. Et pour en revenir aux aménagements,modifier légèrement la structure d’un trottoir ne coûte pas forcément plus cher si on fait attention dès le départ à inclure dans le projet les personnes en situation de handicap. Mais c’est sûr que si on doit y penser après coup, une fois que tout est terminé, ça va coûter plus cher. C’est le sens de ma motion pour la création d’une loi cantonale.

Mais l’objet existe déjà au niveau fédéral depuis 2004, non?

Mais rien n’existe au niveau cantonal, contrairement à Bâle-Ville par exemple. Dans notre canton aujourd’hui, les personnes en situation de handicap n’ont pas toujours la possibilité de participer à la vie de la société sur un pied d’égalité et selon leurs propres choix.

N’existe-t-il vraiment rien au niveau vaudois ?

Non. Je vous donne un autre exemple. Léonore Porchet, alors députée au Grand Conseil, a déposé en 2019 une initiative pour promouvoir le langage des signes. On en avait discuté en commission et je trouvais qu’on pouvait aller plus loin. Pourquoi le langage des signes et pas les personnes handicapées en général? Je me suis dit qu’il fallait quelque chose de plus conséquent, d’où cette motion.On pourrait même aller plus loin.Il y a eu un «Monsieur fusion » à l’État de Vaud. Dans la même idée,il faudrait que l’État accompagne ou puisse apporter son aide, en terme de conseils et en termes financiers également lors de projets ou de manifestations.

Les contraintes étouffent déjà les organisateurs d’événements. Vous voulez leur rajouter du boulot?

Je ne veux pas d’obligations supplémentaires. La loi sera le cadre, il en faut un. Mais je vois cette proposition plutôt comme une sensibilisation à une cause essentielle. Aujourd’hui, dès qu’il y a une nouvelle construction, il y a une opposition des associations sensibles au handicap, caron a oublié une rampe d’accès par exemple. Tout le monde perd du temps et de l’énergie. Si l’on crée un catalogue des bonnes pratiques,pour les nouvelles constructions ou les manifestations, tout sera clair dès le début et tout le monde pourra profiter des mêmes loisirs, en béquilles,en chaise roulante ou sur ses deux pieds.