«C’est important de ne pas être seul»

(La Liberté)

Marc, 19 ans, souffre de leucodystrophie. Une maladie génétique orpheline. Sa maman le raconte.

 

«Stéphanie Schroeter Témoignage »

Marc aime bien les trains. Mais pas seulement. Le jour de notre rencontre, ce qui l’amuse, ce sont les portes automatiques qui s’ouvrent et se ferment. Marc sourit. Avec les yeux aussi. Et c’est ainsi que Sonja, sa maman, sait ce qui lui plaît. Voilà dix-neuf ans que cette Moratoise décode les besoins de son fils. Car Marc ne peut pas parler. Marc est malvoyant. Marc est dans une chaise roulante. Car Marc est né avec une leucodystrophie de type Pelizaeus-Merzbacher (voir ci-après). Une maladie génétique orpheline. «Nous nous sommes rendu compte lorsqu’il était âgé de quelques mois seulement qu’il y avait quelque chose de bizarre»,raconte Sonja Sutter. Le petit garçon pleurait beaucoup et avait de la peine à lever la tête.

«Bon courage…»

Le diagnostic tombe lorsqu’il a un an. Leucodystrophie. «Je ne connaissais pas cette maladie dont les symptômes sont tous différents et pour laquelle il n’y a aucun traitement. Le choc a été très grand», poursuit celle qui est déjà maman de Céline alors âgée de deux ans. Elle se souvient encore de l’annonce du diagnostic et de la grande solitude qui l’a alors accompagnée.«On m’a informée et puis on m’a dit bon courage, et c’est tout.»

Puis vient le temps de la recherche d’informations. Grâce à une cousine qui découvre dans les médias une information sur ELA France, l’association européenne contre les leucodystrophies parrainée par l’ancienne star du football, Zinedine Zidane, devenu entraîneur. «J’ai alors appris qu’il y avait une antenne à Genève qui venait de se créer», ajoute Sonja Sutter qui continue d’exercer sa profession de secrétaire à temps partiel après une interruption de travail d’un an et demi.

L’enfer, c’est les autres

Arrive aussi le temps de la grande fatigue, proche de l’épuisement.Car s’occuper d’un enfant souffrant d’une leucodystrophie, c’est une prise en charge de tous les instants, de jour comme de nuit.«La nuit, il se réveillait entre trois et cinq fois à cause de spasmes musculaires très douloureux. Il fallait le changer de position.»Pour manger, aussi, ce n’est pas simple. «Au début, Marc pouvait manger, il aimait d’ailleurs beaucoup les yogourts et les spaghettis.Mais cela durait une heure, et il vomissait presque tous les jours.»


«Le plus dur,c’est le regard des autres!»Sonja Sutter

 

Mais le plus difficile, pour Sonja Sutter, ce n’est pas tant les heures de sommeil en moins ou les difficultés d’un quotidien qui n’aura jamais rien de banal. «Le plus dur, c’est le regard des autres! Leur réaction, leur façon de nous fixer.»

Raison pour laquelle Sonja Sutter a décidé, depuis bien long-temps déjà, de parler de cette maladie. «Il était important pour moi que les gens sachent de quoi souffre Marc», explique celle qui trouve alors du soutien auprès d’ELA Suisse et rencontre, par ce biais, d’autres familles concernées. Mais, à cette époque, la seule dont l’enfant souffre de la même pathologie que Marc réside à Saint-Gall. «Le plus important est de ne pas être seul et, pour moi, ELA est comme une grande famille.» La jeune maman trouve également de l’aide à Pro Infirmis qui permet à la famille de souffler un peu chaque semaine. A l’âge de quatre ans, le garçon intègre une école spécialisée dans la région bernoise. Il enchaîne aussi les allers-retours à l’hôpital où il subit plusieurs opérations, du dos notamment, lui permettant ainsi de passer des nuits plus douces. A l’âge de dix ans, on lui a posé une sonde gastrique, mais les vomissements ont continué. Il n’est donc pas possible de laisser Marc sans surveillance. La peur est toujours présente qu’il s’étouffe ou qu’il suffoque.

Nouveau rythme

Depuis le mois d’août de l’année dernière, Marc est résident au home et centre de jour Homato à Fribourg. Il séjourne chez lui, à Morat, deux à trois jours toutes les deux semaines. D’un jour à l’autre, sa maman passe d’une activité tournée de «150% à10%» vers son fils. Avec beaucoup de temps libre. Une nouvelle situation qu’il faut digérer.«Je dois trouver un nouveau rythme de vie.» Comme le fait de confier son enfant à une institution et de remettre la responsabilité à d’autres personnes. «Pas facile», résume-t-elle sobrement et avec un mélange de douceur et d’énergie tout en poussant le fauteuil de Marc. Qui sourit à nouveau. Toujours pas de train en perspective mais des portes coulissantes magiques.»


Zinedine Zidane, star du football, comme parrain

ELA Suisse, qui fête ses vingt ans cette année, a pour mission d’accompagner les enfants souffrant de leucodystrophies et leur famille.L’association ELA Suisse fête cette année ses vingt ans d’existence. Dirigée par des parents d’enfants souffrant de leucodystrophies, l’association a pour mission d’accompagner les enfants malades et leur famille,sensibiliser l’opinion publique et faire avancer la recherche médicale.

Son siège social est à Tavannes dans le canton de Berne.Elle est l’antenne nationale de l’Association européenne contre les leucodystrophies (ELA), qui a vu le jour en 1992. Elle ne perçoit aucune subvention fédérale ni cantonale.

Parmi les nombreuses aides proposées et fournies aux fa-milles figurent notamment des financements de consultations médicales à l’étranger (car il y a peu de spécialistes en Suisse, selon l’association), véhicules adaptés, traitements thérapeutiques ou l’achat de matériel de confort qui n’est pas pris en charge par les assurances sociales.

ELA, qui organise des moments récréatifs chaque année,comme un week-end des familles ,permet aussi aux proches d’échanger et sert de relais avec le milieu médical.«Les familles vivent toutes une situation différente et particulière qui ne rentre dans aucune case. C’est donc une des missions de l’association de subvenir à tous leurs besoins», résume Pascal Priamo. Et le directeur d’ELA Suisse de mentionner que de nombreuses personnalités soutiennent les actions de l’association, dont l’ancien footballeur Stéphane Chapuisat tandis que le parrain emblématique d’ELA est une star du ballon rond, Zinedine Zidane.

L’association soutient actuellement une cinquantaine de familles en Suisse, dont deux dans lecanton de Fribourg. Eller écolte des fonds par le biais de diverses actions dont «Mets tes baskets» qui intervient dans le domaine scolaire mais aussi,depuis 2011, dans certaines entreprises. Autant d’actions qui, Covid-19 oblige, n’ont pas pu avoir lieu cette année. SSC


20 à 40 naissances par semaine

Les leucodystrophies sont un groupe de maladies orphelines d’origine génétique qui affectent enfants et adultes. Il s’agit de maladies dégénératives du système nerveux central qui engendrent une malformation ou une dégénérescence de la myéline qui entoure les nerfs. Il en existe plus d’une trentaine de sortes. Perte de la vue, de l’ouïe,de la parole ou de la mémoire,entre autres, ainsi que la paralysie sont les symptômes les plus courants de cette maladie qui fait, en principe, son apparition entre la naissance et l’âge adulte.

Pour l’heure, aucun traitement permettant de guérir d’une leucodystrophie n’est disponible,mais des recherches sont encours. Entre vingt et quarante naissances par semaine en Europe sont concernées. Et en Suisse? «Il n’existe, contrairement à l’Allemagne ou la France par exemple, aucune statistique fédérale liée aux maladies rares donc nous ignorons combien d’enfants exactement sont affectés», indique Pascal Priamo, directeur d’ELA Suisse. SSC