Comment le CIO de la Poste veut faire évoluer son service

(ictjournal.ch)

Le département informatique de la Poste suisse compte 1700 employés. Le CIO Wolfgang Eger s’est entretenu avec la rédaction pour évoquer les défis auxquels son service est confronté avec la pandémie. Il s’exprime aussi sur ses priorités pour les prochaines années.


Wolfgang Eger, CIO de la Poste suisse. (Source. DR)

 

La Poste suisse a été particulièrement occupée ces derniers temps. Au printemps dernier, avec les mesures adoptées pour lutter contre le coronavirus (fermeture des magasins, restrictions des contacts), l’entreprise a envoyé autant de colis qu’en période de Noël. Fin 2020, elle annonçait un nouveau record de plus de 180 millions de colis livrés en une année. Quels sont les défis liés à la crise propres au département informatique de la Poste? Et comment ce dernier va-t-il évoluer? CIO de la Poste Suisse depuis 2019, Wolfgang Eger se confie.

Le département IT de la Poste Suisse emploie environ 1700 personnes, ce qui en fait l’un des plus grands de Suisse. Outre devoir veiller au bon fonctionnement de l’informatique du groupe, la mission du service comprend également le développement de l’entreprise dans le domaine numérique. Le département est par ailleurs aussi responsable de l’IT de filiales telles que CarPostal. Mais pas de Postfinance, dont le département IT distinct est dirigé par Markus Fuhrer.

6000 réunions en ligne par jour

L’un des défis que l’IT de la Poste a dû relever avec la survenue de la pandémie concerne le passage massif au télétravail. L’entreprise y avait recours avant la crise, mais l’infrastructure était conçue pour supporter 3000 connexions simultanées. Cette capacité a été multipliée par quatre. Aujourd’hui, environ 9’000 utilisateurs sont quotidiennement en ligne et organisent en moyenne 6’000 visioconférences chaque jour, explique Wolfgang Eger. Pendant longtemps, la Poste s’est appuyée sur Microsoft Skype pour ses réunions en ligne. Elle est aujourd’hui passée à Teams dans le cadre de la migration vers Microsoft 365. L’IT ne bloque pas l’utilisation d’autres solutions telles que Zoom mais ne les recommande pas, pour des raisons de sécurité.

Travail à domicile et sécurité

En plus de la montée en puissance de son infrastructure pour les besoins du télétravail, la Poste s’est également efforcée de préparer les employés à ce mode de collaboration. Notamment en leur dispensant une formation sur la manière de traiter les données sensibles. Pour renforcer la cybersécurité, l’IT a aussi sensibilisé les employés au problème du phishing. Un «bouton phishing» a été intégré au logiciel de messagerie, afin de permettre la transmission directe d’un message suspect aux équipes de sécurité informatique.

L’IT de la Poste n’a pas seulement revu les processus internes. Il a également fallu assurer la continuité du service de suivi des colis «Mes envois», qui a gagné 17% d’utilisateurs en 2020, soit 1,8 million au total. Avant la pandémie, le portail en ligne de la Poste enregistrait une moyenne de 80’000 visiteurs par jour, mais au printemps dernier, ce chiffre est passé à 180’000. Actuellement, le trafic s’est stabilisé à 110’000 visites quotidiennes. En outre, les instructions de distribution ont vu leur nombre bondir de 29’000 à 62’000, souligne Wolfgang Eger. Avant de louer les compétences de ses équipes qui sont parvenues à relever ces défis de façon «smooth».

Cryptographie et confiance

Wolfgang Eger souligne également que le remaniement de son département s’intègre dans la nouvelle stratégie, présentée en mai 2020, pour l’ensemble de la Poste. L’objectif consiste à soutenir la croissance et la transformation numérique de l’entreprise, en se basant sur des piliers stratégiques à la fois externes et internes. Côté externe, il s’agit non seulement de fournir une informatique orientée vers le client, mais aussi de renforcer l’expertise du groupe en matière de technologie et de numérisation, notamment pour le cloud et le travail à domicile. Mais aussi dans le domaine du chiffrement. Le CIO évoque l’ouverture récente, à Neuchâtel, d’un centre de compétence en cryptographie où huit personnes sont actuellement employées.

La question de la confiance numérique représente une autre pierre angulaire de la stratégie IT de la Poste, poursuit le CIO. L’objectif est ici de transférer dans le monde numérique le haut niveau de confiance dont jouit la Poste dans le monde analogique. Wolfgang Eger ne s’est pas prononcé sur la manière dont il compte concrètement s’y prendre. Il a toutefois fait référence à la formule de confiance exposée par David Maister, Charles Green et Robert Galford dans leur livre «The Trusted Advisor». Selon ce principe, les gens font confiance à la personne avec laquelle ils traitent si celle-ci agit de manière crédible, si elle est fiable, si elle est discrète et suscite un sentiment de proximité et, enfin, si elle orientée vers l’autre plutôt que sur elle-même.

«Je suis convaincu que cette formule nous aidera», confie le CIO. Et d’espérer que l’initiative de transparence en matière de vote électronique contribuera à renforcer la confiance dans l’entreprise. On se souvient qu’en janvier, la Poste a publié le protocole cryptographique de son nouveau système de vote électronique sur la plateforme de développement Gitlab, afin qu’il puisse être vérifié par des experts indépendants.

Acquisition de compétences et diversité

A l’interne, Wolfgang Eger veut transformer l’informatique de la Poste suisse pour la rendre «plus proche du business». Le mot clé est ici «Embedded IT» et les premières restructurations ont déjà été mises en œuvre au début de l’année. Le CIO veut également promouvoir la culture de l’apprentissage au sein de son département. Avec notamment la mise en place du «Learning Friday», donnant à chaque employé de l’IT la possibilité de suivre un cours un vendredi par mois. De quoi favoriser le développement de nouvelles compétences.

Les équipes IT de la Poste suisse devraient également se diversifier. Wolfgang Eger ne se préoccupe pas seulement de la diversité de genre. Il est en effet convaincu que les équipes fonctionnent mieux lorsqu’elles sont composées à la fois de jeunes talents et d’employés expérimentés. Il est également question de renforcer la diversité linguistique, notamment avec les centres de l’IT de la Poste situés à Bellinzone et à Neuchâtel. Le CIO n’a en revanche pas su dire combien de personnes handicapées travaillent au sein de l’IT de la Poste.