Le handicap mental, parent pauvre des Paralympiques

(Le Temps)

TOKYO 2020 Longtemps absents des Jeux paralympiques, les handicapés cognitifs ne peuvent concourir que dans trois sports à Tokyo, et aucun à Pékin lors des prochains Jeux d’hiver
par Clément Varanges/AFP

Des 22 sports représentés aux Jeux paralympiques de Tokyo,seuls trois sont ouverts aux athlètes handicapés cognitifs. Il n’y en aura aucun dans cinq mois lors des prochains Jeux d’hiver de Pékin. Pour les sportifs en situation de handicap mental, le prochain rendez-vous planétaire est en France: non pas à Paris 2024(Jeux olympiques et paralympiques) mais à Vichy 2023, où se tiendra la prochaine édition des Global Games, une compétition créée à la suite de l’exclusion du handicap cognitif des Jeux paralympiques après 2000.

«Le sport peut faire évoluer le regard»
SOPHIE CLUZEL SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉE DES PERSONNES HANDICAPÉES EN FRANCE

Cette séparation est la conséquence de la célèbre fraude de l’équipe d’Espagne de basket déficiente intellectuelle qui, lors des Jeux de Sydneyen 2000, avait remporté la médaille d’or avec dix de ses douze joueurs en réalité valides. Reprochant la faillibilité de ses évaluations à la Fédération internationale de sport adapté (le pendant du handisport pour le handicap cognitif), le Comité international paralympique (CIP) avait fermé la porte à ses athlètes, déjà intégrés tardivement aux Jeux, en 1996 à Atlanta.

Une lente amélioration

Il a fallu attendre 2012 et Londres pour que le sport adapté fasse son retour aux Paralympiques, dans les trois mêmes disciplines qu’aujourd’hui: l’athlétisme, la natation et le tennis de table. A Tokyo,21 titres sont décernés aux sportifs porteurs de handicap mental, sur les 539 en jeu. Et ils ne sont qu’environ12o sur près de 4400 participants.

«Le nombre d’épreuves décernant des médailles a augmenté de 50%, passant de 14 à 21, défend le CIP via un porte-parole. Aucun autre groupe de personnes handicapées n’a bénéficié d’une telle augmentation du nombre de médailles aux Jeux paralympiques au cours de cette période.» La tendance devrait se poursuivre à Paris où, si le «programme des sports est arrêté, répète à l’AFP Tony Estanguet, le Comité international paralympique a encore la possibilité de faire évoluer les classifications à l’intérieur de celui-ci». «Nous sommes toujours en train d’examiner le programme de Paris, confirme le CIP. La natation et le tennis de table ont demandé des épreuves supplémentaires pour les athlètes ayant une déficience intellectuelle.» Une décision définitive doit être entérinée par son conseil d’administration d’ici à la fin de l’année. Concernant le tennis de table,le choix s’orienterait vers la création d’une épreuve par équipes,ce qui permettrait de faire croître le nombre d’épreuves sans faire augmenter celui des athlètes. Car le nœud du problème réside dans la limite de participants fixée par un accord entre le CIO et le CIP.

«Créer une nouvelle catégorie oblige à en supprimer une autre», résume Marc Truffaut, président de Virtus, la Fédération internationale des athlètes avec une déficience intellectuelle.

Les trisomiques à l’écart

Plus que l’ouverture à d’autres sports, la priorité pour lui est de «créer une classe avec un sur handicap». En effet, il n’existe aujourd’hui qu’une seule catégorie par épreuve dédiée aux sportifs avec déficience cognitive. «Cela ne permet qu’aux plus autonomes de participer», juge-t-il. Et de fait,empêche les personnes atteintes de trisomie 21 de concourir.

«Notre rêve, c’est qu’ils puissent être présents en 2024 au moins dans le cadre d’une démonstration [une épreuve sans attribution de médailles]», souhaite Marc Truffaut, précisant que des discussions en ce sens sont engagées avec le CIP. «Qu’ils prennent le départ, soient visibles, cela permettrait de changer les représentations.»

«Le sport peut faire évoluer le regard, c’est l’un des leviers les plus simples», souligne à l’AFP la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées en France Sophie Cluzel. «Il faut s’améliorer sur le sport adapté, casser les silos», juge-t-elle. En Espagne, une pétition en ce sens a atteint plus de 100000 signatures sur Change.org, celledes parents de Mikel Garcia, vainqueur des 400 m, 800 m et 1500 m dans sa catégorie aux GlobalGames de 2019. Ils demandent au CIP l’inclusion des sportifs comme leur fils. «Une fois de plus, les personnes trisomiques sont forcées de vivre dans un monde parallèle.»