Chaise haute contre chaise roulante

(Vigousse)
Le petit satirique romand

VALAIS LA PEINE

Le président d’une association qui défend les droits des personnes handicapées n’a pas pu être invité par la télévision régionale Canal 9 faute de studio adapté. Il crie à la discrimination.

 

Le 7 mars dernier, la majorité du Conseil national- soit toute la droite- avait voté une réforme de l’assurance invalidité (AI). Une réforme passée presque inaperçue, même si elle vise à couper dans les rentes pour enfants des personnes handicapées. Certes, l’objet est transmis au Conseil des États, mais un retournement de situation semble peu probable.

FAUTEUIL RÂLANT

Les sections valaisannes de l’Association suisse des paraplégiques ont réagi vivement par un communiqué diffusé le 14 mars. Les Clubs en fauteuil roulant du Valais ont ainsi alerté les médias régionaux. Pour Jérôme Bagnoud, président du Club romand: Sous prétexte de réinsertion professionnelle, le Parlement s’en prend à des familles déjà fragilisées et précarisées. C’est scandaleux »,écrit-il.

Il relève qu’on pousse à bout moralement et financièrement les personnes à l’Al. Soit parce que le revenu global sera revu à la baisse,soit parce que pour les personnes victimes d’un accident, le report sera pris sur la rente prévue par la loi sur l’assurance accident. «Bientôt on va reprocher a cette loi d’engendrer des coûts trop élevés », craint Jérôme Bagnoud. Ce report de charges sur une autre assurance sociale ou sur d’autres prestations est incompréhensible pour les Clubs en fauteuil roulant.

« On a l’impression qu’on veut nous pousser à la précarité. Être à l’AI ne découle pas d’un choix personnel »,relève encore Jérôme Bagnoud, lui-même triplégique. Les médias valaisans ont bien relayé le sujet. La télévision régionale Canal 9 a ainsi proposé un reportage, fort correct, dans son journal du 21 mars,reportage suivi d’une interview en plateau.

Mais voilà, pour des raisons pratiques, la télévision n’a pas pu inviter de personne à mobilité réduite: le président Jérôme Bagnoud ne peut pas se jucher et se tenir sur les chaises hautes du studio. Seule une juriste de l’AI, parfaitement valide, a pu s’exprimer et développer à l’envi ses arguments. Jérôme Bagnoud a écrit à Canal 9 en expliquant notamment ne pas comprendre le choix d’une juriste de l’Al sur le plateau. «L’AI étant exécutante des lois et la garante de leur mise en application, sa représentante a eu tout loisir d’étaler sa salade théorique.»

A Canal 9, le directeur Vincent Bornet rappelle que le choix des invités et de l’angle du sujet revient à la rédaction. C’est vrai Quant à l’accessibilité, il précise qu’une personne handicapée a été récemment interviewée dans le journal :«Cette personne a pu s’installer sur notre chaise de studio ordinaire, son handicap n’étant pas si lourd.» Le plateau pourrait être adapté, mais il devrait être préparé à l’avance.

Le rédacteur en chef de Canal 9, Frédéric Filippin, se montrait moins catégorique dans ses réponses à Jérôme Bagnoud :«Il nous est délicat d’organiser un journal hors de nos locaux. Notre plateau n’est pas adapté.» Le président du Club contre-attaquait: «Un autre endroit dans vos locaux aurait pu faire l’affaire. Vous écartez de fait des personnes qui ne peuvent pas se tenir sur vos sièges, je considère cela comme de la discrimination.» Au risque de fâcher la rédaction de Canal 9, le président du Club en fauteuil roulant aura fait le siège jusqu’au bout. (Jean-Luc Wenger)