Un pas de plus pour les parents

(Le Journal du Jura)


Le père ou la mère d’un enfant gravement malade pourrait bénéficier d’un congé payé de 14 semaines.Photo Keystone

 

Les parents en savent quelque chose. Il suffit qu’un enfant tombe malade pour que toute l’organisation familiale soit remise en cause. Si le cas est grave, l’un des parents devra peut-être mettre de côté sa carrière professionnelle.

Adoptée hier par le Conseil fédéral, la nouvelle loi sur les proches aidants apporte un début de solution. Elle règle le maintien du salaire pour les absences de courte durée et ouvre la porte à un congé payé pouvant aller jusqu’à 14 semaines pour la prise en charge d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident.Le projet doit encore passer par la moulinette parlementaire avant d’entrer en vigueur. Exception faite de l’UDC, les partis sont d’accord sur le principe, mais ils devront résister à la pression des employeurs. Tant l’Union patronale suisse(UPS) que l’Union suisse des arts et métiers rejettent le projet dans son ensemble par crainte d’une augmentation du nombre des absences professionnelles et des coûts supplémentaires à la charge des entreprises. Valeur reconnue «Nous sommes conscients des situations dramatiques qui peuvent se présenter, mais on ne peut pas résoudre tous les problèmes par une extension de l’État providence», souligne Marco Taddei, responsable romand de l’UPS. «Nous préférons faire appel à la responsabilité sociale des entreprises.»Pour le chef du Département de l’intérieur Alain Berset, le soutien aux proches aidants constitue une nécessité dans un objectif de conciliation de la vie professionnelle et familiale. «C’est aussi une façon de reconnaître la valeur des soins bénévoles apportés par les proches pour l’ensemble de la société», relève-t-il.Actuellement, environ deux tiers des entreprises accordent des congés de courte durée à leurs employés pour prendre soin de leurs proches, généralement en cas de maladie infantile, mais la question du salaire n’est pas clairement réglée. A l’avenir, ce congé sera obligatoirement payé et il permettra de prendre en charge non seulement un enfant ou un autre membre de sa famille, mais aussi un partenaire faisant ménage commun Il ne devra pas dépasser trois jours par cas et dix jours au plus par année La Confédération évalue les coûts supplémentaires pour l’économie entre 90 et 150 millions de francs, y compris les coûts indirects de remplacement.

Environ 4500 familles

Le congé payé de 14 semaines sera, quant à lui, réservé à la prise en charge d’un enfant gravement malade ou accidenté. Chaque année,environ 4500 familles sont concernées. Elles n’ont pas d’autre option que de demander un congé payé, de se mettre en arrêt maladie ou d’arrêter de travailler un certain temps. Ces 14 semaines pourront être prises en une ou plusieurs fois dans un délai de 18 mois. Le coût est estimé à 74 millions de francs. Il sera financé par les allocations pour perte de gain déjà versées en cas de service militaire et de maternité, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter les cotisations. La faîtière syndicale Travail.suisse applaudit. Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique d’égalité,souligne néanmoins que le congé de longue durée devrait aussi permettre la prise en charge de personnes autres que les enfants, par exemple des parents âgés.«Pour les personnes âgées, il existe d’autres possibilités alors que pour les enfants, il n’y a pas d’alternative», rétorque Alain Berset.

Nouveau bonus AVS

La nouvelle base légale prévoit encore d’étendre le droit aux bonifications d’assistance dans l’AVS. Cette bonification est un revenu fictif qui s’ajoute au compte AVS individuel, ce qui permet de relever le montant de la rente au moment de la retraite. Actuellement, les proches aidants ne la touchent que si la personne nécessitant des soins est au bénéfice d’une allocation pour impotence de degré moyen ou grave. Ce critère sera élargi pour inclure également les personnes avec une impotence faible. Par ailleurs,le concubin qui soutient son partenaire pourra également profiter de la bonification pour autant que le couple fasse ménage commun depuis cinq ans. Coût pour l’AVS:un million par an.Enfin, le versement de l’allocation pour impotent et du supplément pour soins intenses de l’Assurance invalidité (AI) sera adapté. Aujourd’hui, le droit est supprimé chaque jour que l’enfant passe à l’hôpital. A l’avenir, il ne sera supprimé qu’après un mois. Coût pour l’AI: 2,5 mil-lions de francs.

«Il faut que les mesures décidées soient étendues à tous les proches aidants, quel que soit l’âge du proche aidé»

Trois questions à Jean Christophe SCHWAAB ancien Conseiller National(PS/VD)

Vous avez quitté le Conseil national pour mieux vous occuper de l’un de vos enfants atteint d’un trouble du comportement. A quoi ressemblent vos journées aujourd’hui?

Je ne veux pas entrer dans le détail, mais c’est une très bonne décision que j’ai prise. S’occuper d’un tel enfant demande beaucoup de temps et ce n’est pas possible de le faire en ayant une activité à plein temps.Le Conseil fédéral a pris plusieurs mesures en faveur des proches aidants.

Enfin?

Il était temps de reconnaître l’existence des proches aidants au niveau de la loi. Toutes les mesures choisies sont excellentes. Mais là où le projet rate sa cible, c’est qu’il n’y a pas de droit pour les proches aidants à réduire leur temps de travail. Les congés prévus, c’est bien, mais cela reste destiné à un problème ou une maladie limitée dans le temps. Quand on doit s’occuper de quelqu’un atteint d’une maladie dégénérative, ça ne va pas durer quatorze semaines et encore moins trois jours. Ces congés ne permettent pas de s’organiser sur plusieurs années. Autre problème qui n’est résolu qu’en partie par le projet, ce sont les bonifications éducatives pour l’AVS qui sont élargies. C’est très bien,mais les proches aidants risquent de se retrouver avec de grosses lacunes au niveau du deuxième pilier s’ils travaillent à un plus faible pourcentage.

Que faudrait-il faire de plus en faveur des proches aidants?

En plus d’un droit à une réduction de travail, il faut que les mesures décidées soient étendues à tous les proches aidants, quel que soit l’âge du proche aidé. Le congé de 14 semaines ne doit pas être limité aux parents d’enfants malades, mais aussi à des personnes s’occupant de leur parent âgé. Il faudrait aussi ajouter un congé pour proche en fin de vie, là moins dans une optique d’aide que d’accompagnement. La France a introduit une telle mesure.(Propos recueillis par PHILIPPE CASTELLA)