À Bienne, les écoliers passent devant les handicapés

(Le Matin)

«Le Journal du Jura» l’a annoncé jeudi: «Une nouvelle école verra le jour» à Bienne. Une bonne nouvelle? Pas pour Simone Jaisli, directrice de l’atelier protégé socio-professionnel «L’Étrive». Dans un courrier adressé mercredi soir aux parlementaires biennois, elle leur demande de refuser le 19 septembre prochain l’acquisition et l’aménagement de l’ancienne usine Victorinox.


L’ancienne usine Victorinox est convoitée. à Bienne. Image: Jean-Guy Python

 

C’est pour parer à la hausse du nombre d’élèves que la Ville veut acquérir un bâtiment dans le quartier de Boujean et le transformer en école. Le problème, c’est que cette ancienne usine de la rue des Grillons est convoité depuis une année par «L’Étrive», une fondation d’utilité publique à but non lucratif qui occupe une quarantaine de handicapés psychiques.

Sous-traitance

Le décor est planté en ces termes: «Nous effectuons principalement des travaux de sous-traitance pour les industries de la région», décrit la directrice. Problème: «Les exigences de nos clients grandissant, nous avons besoin d’urgence de plus de place et surtout aussi un besoin impératif de séparer les travaux «sales» des travaux «propres» » destiné à l’horlogerie.

La direction de la fondation affirme avoir visité l’immeuble de la société Victorinox Swiss Army Watch le 5 juin 2018. Situé sur un terrain municipal octroyé en droit de superficie, l’immeuble répondait «parfaitement» aux besoins de la fondation.

Droit de superficie

La directrice affirme que le département des immeubles a été associé aux démarches pour un transfert du droit de superficie. «À aucun moment il n’a été fait mention qu’elle (ndlr. la Ville) pourrait être intéressée à reprendre elle-même ce bâtiment», écrit Simone Jaisli.

«Nous avons signé le contrat de vente avec Victorinox le 13 juin 2019. Après tant de démarches administratives, voilà que la ville de Bienne change d’opinion et fait un virage à 180°. Elle veut faire valoir le droit de préemption!», détaille la directrice.

Pas correct

Le reproche adressé à la direction des écoles, c’est son manque de planification: «Changer d’opinion de la sorte n’est pas correct», écrit-elle, convaincue que ««L’étrive» avait la priorité sur cet achat».

Le prix de vente du nouveau bâtiment est estimé à 2,6 millions de francs. «La Ville de Bienne a fait monter les enchères», accuse encore la directrice. Selon elle, «le seul gagnant est le vendeur, mais certainement ni notre institution ni le contribuable biennois».

Du côté de la direction des écoles, on évoque «un besoin urgent de nouveaux locaux» pour l’école enfantine et la scolarité obligatoire, dès l’été 2020.

Paramètres réunis

«C’est rare qu’autant de paramètres soient réunis: le bâtiment est en bon état, dans un quartier où il n’y a pas trop de circulation et qui a un besoin urgent d’infrastructures scolaires», a précisé le conseiller municipal socialiste Cédric Némitz, en charge de la Formation, de la culture et du sport.

La transformation du bâtiment en école se ferait en deux temps, avec deux nouvelles classes d’école enfantine ouvertes au rez-de-chaussée dès l’été 2020, puis déplacées à la nouvelle école de la Champagne. A terme, le bâtiment de Victorinox abriterait dix classes germanophones du degré secondaire.(Vincent Donzé)


Atelier d’Omega

La fondation de «L’Étrive» a été créée en 1983 sous le nom de «Atelier protégé Omega» grâce à l’initiative de responsables des services sociaux de la marque horlogère, suite à la profonde restructuration de l’industrie horlogère. Aujourd’hui, «L’Étrive» accueille des adultes handicapés au bénéfice d’une rente AI. Ces personnes faiblement ou moyennement handicapées sont «mises en valeur par un travail concret et valorisant, en vue de leur intégration sociale». La fondation dispose actuellement de 925 m2 au premier étage d’un immeuble de la rue de l’Allée, à Bienne.