Les médecins experts de l’Al sur la sellette

(Gauchebdo)

Dénonçant certaines pratiques des médecins experts de l’assurance-invalidité, Inclusion Handicap veut des changements concrets.

 

Joël Depommier

En février, l’association Inclusion Handicapa mis en place un centre de déclaration afin de mieux mettre en lumière certaines pratiques arbitraires des médecins mandatés par l’AI dans leur examen des potentiels assurés. Rappelons que ces expertises ont une importance fondamentale, puisque les offices AI ou les tribunaux appuient pratiquement toujours leurs décisions sur leurs conclusions. Bilan des courses dévoilé au début d’octobre sur la base de 250 témoignages collectés par la faîtière politique des organisations de personnes handicapées: beaucoup d’avis des experts AI vont à l’opposé de celles des médecins traitants. Plus de la moitié des assurés ont aussi indiqué que les entretiens se sont déroulés dans une mauvaise ambiance.Ils ont parfois été émaillés de propos injurieux.

Soupçons de simulation

A de multiples reprises, les assurés ont encore signalé que les experts insinuaient qu’ils simulaient. Cinquante-trois témoignages montrent aussi que ceux-ci ont évalué les assurés comme étant intégralement aptes au travail, alors que les médecins traitants avaient attesté d’une incapacité de travail totale.

Vingt de ces derniers ont déclaré que les expertises ne respectaient pas les standards médicaux. Et dix assurés ont expliqué que les entretiens de clarification ne duraient pas plus de 20 minutes.

Le problème est partiellement reconnu par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) mandaté par Alain Berset. La semaine dernière,il a rendu un double rapport sur le sujet. Selon l’Institut Interface chargé d’évaluer le système des expertises et l’attribution des mandats, «les offices AI n’ont, jusqu’à présent, pas fait preuve d’une grande transparence concernant les experts auxquels les mandats sont attribués».«Le fait que certaines brebis galeuses puissent continuer à établir des expertises alors qu’il existe des doutes sur la qualité de leur travail n’est, de même, pas satisfaisant», critique encore Interface.

Ce centre de compétence pour l’évaluation, la recherche et le conseil propose plusieurs correctifs. Ainsi l’instauration d’une commission indépendante chargée de la garantie de la qualité et de l’accréditation des centres d’expertises ou l’accroissement de la transparence des expertises à l’aide d’enregistrements sonores.

Dépendance économique des experts

Ces mesures déjà approuvées par le parlement devraient entrer en viveur en 2022 dans le cadre de la réforme «Développement continu de l’AI».

Pour Inclusion Handicap, il faudrait aussi faire appel au principe aléatoire pour les expertises mono-disciplinaires. qui représentent la majeure partie des expertises. Cela se fait déjà dans les expertises pluridisciplinaires. «Le statuquo ne permet pas de résoudre la problématique de la dépendance économique des experts (à l’AI, ndlr)», souligne la faîtière.

Le deuxième rapport analyse le rôle de l’OFAS, en tant qu’autorité de surveillance des offices AI.Il prévoit un remaniement des conventions d’objectifs de ces offices. Plutôt que de leur imposer des objectifs quantitatifs concernant le maintien ou la réduction du nombre de rentes AI, il entend désormais améliorer le pilotage et le contrôle de la qualité de l’exécution des examens, notamment la qualité des mesures de réadaptation. «Cette mise en œuvre sera suivie de près», prévient Inclusion Handicap.