Un quart de siècle de navigation pour tous

(La Côte)

Swiss Disabled Sailing a fêté cette année ses 25 printemps. Retour sur l’évolution qu’a connue l’association basée à Prangins ces dernières années avec Michel Darbre, son cofondateur et actuel président.

Par Romain Bory


Michel Darbre, ici sur le RS Venture, passe près de trois jours par semaine à s’occuper de son association. Sigfredo Hard

 

«Embarquez et laissez votre différence à terre.»

C’est avec cette devise en tête que Swiss Disabled Sailing fait naviguer les personnes en situation de handicap depuis un quart de siècle… Voire un peu plus. «La structure a, en fait, presque dix ans de plus, révèle Michel Darbre, un des trois cofondateurs. On a commencé en 1986, mais de manière complètement officieuse, en envoyant des personnes faire des régates de voile handicap aux Pays-Bas et en France.»

« Nous avons une solution pour toutes les personnes qui ne peuvent pas naviguer normalement. »
Michel Darbre, Président de Swiss Disabled Sailing

En 1991, Michel Darbre, alors président du Cercle de la voile de Nyon, et son équipe se proposent pour organiser le Handicap Trophy. Un événement finalement reconnu par la Fédération internationale de voile comme le premier Championnat du monde et qui a réuni 34 bateaux à Nyon.

Aux Jeux paralympiques

«A l’époque, on s’appelait déjà Swiss Disabled Sailing Team, accorde le président actuel, qui s’est lancé dans l’aventure par pur amour de la voile. C’est en 1996 qu’on a finalement créé l’association officielle pour être en contact plus facilement avec nos partenaires et nos associations.» A ses débuts, l’association réunissait des navigateurs en situation de handicap de toute la Suisse. Elle les a menés à divers Championnats d’Europe ou du monde, et même à trois Jeux paralympiques. «En 1992, aux Jeux olympiques de Barcelone, nous étions un sport de démonstration grâce à la présidente de la Fédération mondiale de voile handicap, la princesse Cristina, la fille du roi d’Espagne Juan Carlos, sourit Michel Darbre, qui distille ses anecdotes avec passion. Elle faisait du 470, à l’époque, et elle avait une coéquipière médecin qui s’occupait de personnes handicapées.» Grâce à cette première expérience, la voile se retrouve aux Jeux paralympiques avec, à chaque fois, un équipage de«SDS». «Ça a duré jusqu’en 2012, où on nous a sortis du programme pour des raisons politiques, souffle le président nyonnais. C’est d’ailleurs un énorme problème financier pour les nations.» En parallèle de ses aventures internationales, Swiss Disabled Sailing décide de se tourner peu à peu vers la plaisance.

Besoin de structuration

Cela n’a pas marché tout de suite et, il y a une douzaine d’années, on s’est dit qu’il fallait mettre en place une structure dans une base nautique», détaille Michel Darbre. Prangins est finalement préféré à Versoix, Vidy ou Thonon. «Nous avons complètement inversé nos objectifs à ce moment-là. Le but n’était plus la compétition, mais on a voulu faire profiter le plus grand nombre de nos bateaux», accorde ce mordu de voile.

« Il y a encore beaucoup de monde qui ne sait pas ce qu’on fait. C’est dommage parce que nous avons les moyens et les infrastructures pour naviguer plus. »
Michel Darbre, Président de Swiss Disabled Sailing

D’abord réservée aux handicapés physiques, l’association, reconnue d’utilité publique, s’ouvre aux personnes souffrant de handicaps sensoriels et mentaux, et même aux personnes dans les EMS. «Nous avons une solution pour toutes les personnes qui ne peuvent pas naviguer normalement», sourit Michel Darbre. Depuis cette année, les Pranginois peuvent même accueillir des personnes en déficience visuelle, grâce à une application (SARA navigation), qui «guide» les malvoyants par rapport à la côte et à des bouées virtuelles.

La voile, un remède thérapeutique

Malgré ça, Michel Darbre ne se fait pas d’illusions. «Nous n’allons certainement pas avoir des centaines de demandes pour cette nouvelle offre, mais si nous pouvons permettre à certains de sortir et naviguer, c’est déjà génial», confie le Nyonnais. Car naviguer a certaines vertus, assure-t-il encore. «Aller sur l’eau, ça permet de tout oublier et on voit quand les gens reviennent à quais qu’ils sont totalement déstressés. Certains apprennent même à faire des mouvements qu’ils ne feraient pas d’ordinaire. Il y a tout un côté paramédical et un soutien à la mobilité qui s’instaure naturellement.» Ce n’est pas étonnant si «SDS» s’appuie sur des moniteurs qui sont aussi physiothérapeutes ou ergothérapeutes. «Nous voulons promouvoir ces améliorations physiques ou psychiques. Ce n’est pas juste de la voile, cela représente également une aide thérapeutique et un soutien psychologique», assure le président.

«Freiné par le Covid»

Pourtant, en Suisse, Swiss Disabled Sailing est une des deux seules structures qui opère dans ce secteur. Sailability, sur le lac de Constance, est la deuxième, mais navigue plutôt sur des petits bateaux. «L’arrivée du Covid nous a bien freinés et, cette année, nous n’avons pas été aidés par la météo… Nos sorties ont été divisées par trois par rapport aux belles années», confie Michel Darbre, toujours à la recherche de soutien pour faire vivre son association. Mais plus que l’aspect financier, le président nyonnais est aussi en quête de nouveaux adhérents. «Le bouche à-oreille marche bien, mais il y a encore beaucoup de monde qui ne sait pas ce qu’on fait. C’est dom-mage parce que nous avons les moyens et les infrastructures pour naviguer plus», constate le retraité. Depuis cette année, l’association a ouvert une section jeunesse, destinée aux moins de 25 ans. L’occasion d’amener un peu de sang frais au sein de l’équipe pranginoise, car Michel Darbre l’avoue volontiers, il ne fera pas encore 25 ans à la présidence de Swiss Disabled Sailing.


L’Association en chiffres

  • 80 000 Francs de budget annuel complètement sponsorisés par des institutions et des fondations.
  • 450 Embarquements de personnes lors de la meilleure année, en 2019.
  • 20 Bénévoles, dont 11 membres qui sont au Comité.
  • 15 Membres réguliers, dont deux équipages ont été sélectionnés aux Mondiaux.
  • 12 Bateaux adaptés, dont 3 RS Venture, 1 Skud18, 4 Néo495 et 2 Surprise.
  • 3 Participations à des Jeux paralympiques.