Handicapé à vie pour avoir tenté de voler des lignes électriques CFF

(20min)

par Lauren von Beust

Une nuit de juin 2020, deux hommes s’apprêtaient à voler pour 960 kilos de cuivre, lorsque l’un d’eux a été électrocuté, le laissant paraplégique. Tous deux ont comparu mardi devant le Tribunal de la Côte.


Photo d’illustration.
VQH

 

«Ma vie est foutue depuis l’accident. […] J’aurais largement préféré la mort ou 20 ans de prison, plutôt que ce qui m’est arrivé», a déclaré mardi Dilhan*, paraplégique, devant le Tribunal de Nyon (VD). Dans la nuit du 20 au 21 juin 2020, il avait tenté, avec son comparse Anton*, de dérober 960 kilos de cuivre sur les lignes électriques des CFF, à Eclépens (VD).

Tandis que ce dernier se trouvait, selon l’accusation, sur les voies ou à proximité de celles-ci, Dilhan, debout sur une échelle, a reçu une décharge qui l’a fait chuter de plusieurs mètres. Anton, lui, a quitté les lieux, alors que son acolyte se trouvait en danger de mort imminent. Tous deux sont jugés pour tentative de vol, dommages à la propriété qualifiés, le préjudice ayant été estimé par les CFF à près de 20’000 francs. Pour Anton, s’ajoute l’omission de porter secours. Ressortissant bulgare, il risque aussi l’expulsion du territoire suisse.

«Encouragé à monter plus haut»

Contrairement à ce dernier, Dilhan, 34 ans et handicapé à vie, reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Le Vaudois dit toutefois avoir été encouragé à monter plus haut sur l’échelle. Son compère lui aurait en effet demandé d’aller vérifier la présence d’électricité sur le poteau sur lequel il travaillait. Une version contestée par Anton, 29 ans, qui assure qu’au moment de l’électrocution, il se trouvait plus loin.

«Je me rappelle qu’il a essayé de me réveiller, j’avais des douleurs insoutenables et je lui ai dit d’appeler les secours, de faire quelque chose. Je voyais qu’il ne voulait le pas faire», reprend celui qui crut mourir cette nuit-là. L’autre prévenu s’explique en racontant qu’après avoir vu que son comparse respirait, et ne parvenant pas le soulever, son état de panique l’a poussé à aller chercher l’aide d’un ami. Personne n’est toutefois revenu sur les lieux de l’accident.

En outre, Anton, qui ne parle pas français, a indiqué qu’il ne connaissait pas les numéros d’urgence en Suisse. «Connaissez-vous les numéros d’urgence en Bulgarie?, a demandé à l’assemblée son avocate Chiara Amoroso. Personnellement, je ne connais même pas ceux de la France.» Selon elle, Anton «a été entraîné» par Dilhan, cerveau de cette opération. Elle a plaidé l’acquittement. «Comme le chantait Alain Souchon, à force de toucher les filles électriques (ndlr: bien qu’il s’agisse ici des fils), on se prend des beignes. Mon client n’a pas à payer pour ces beignes.»

«Des infractions contre notre patrimoine»

Le procureur Xavier Christe a demandé au Tribunal de ne «pas donner de crédit aux déclarations» de Anton, car «elles ont varié au fil de l’instruction». «Il y a suffisamment d’indices pour démontrer que le prévenu a accompli les faits qui lui sont reprochés», a affirmé le représentant du ministère public, avant de rappeler que si «la tentative de vol» n’a pas été achevée, Anton «s’est reconnu coupable d’omission de porter secours». Tenant aussi compte des dommages à la propriété qualifiés, le parquet a requis 36 mois de peine privative de liberté contre le ressortissant bulgare, ainsi que son expulsion du territoire suisse pendant sept ans: «Un pays dans lequel il s’est rendu uniquement pour commettre des infractions contre notre patrimoine.» Le verdict sera rendu dans les prochains jours.

Éviter la double peine

En ce qui concerne Dilhan, «il a d’ores et déjà été puni pour ses actes», a clamé Me Milena Chiari. En effet, le procureur lui-même a pris en compte dans sa réquisition l’article 54 du code pénal, qui dit qu’une peine serait inappropriée dans le cas où l’auteur a été directement atteint dans sa santé par les conséquences de ses actes. Xavier Christe a néanmoins demandé une peine pécuniaire de 90 jours amende à 20 francs avec un sursis d’une durée de deux ans, ne serait-ce que pour un motif de prévention générale.