Soutien au monde du handicap: Le poignant témoignage de Timea Bacsinszky

(24heures.ch)


Marraine de l’opération, Timea Bacsinszky présente, avec la complicité des boulangers Cyril et Nathalie Bezençon, des bonshommes en pâte privés d’un membre ou en fauteuil roulant. Florian Cella

 

Pierre-Alain Schlosser

L’ex-tenniswoman est la marraine de l’action «Tous de la même pâte» de Pro Infirmis, en collaboration avec 680 boulangeries de Suisse. À cette occasion, elle a révélé son rapport au handicap.

C’est un témoignage poignant que Timea Bacsinszky a livré sur le monde du handicap. Vendredi, dans le cadre de l’opération «Tous de la même pâte» de Pro Infirmis, la médaillée d’argent des Jeux de Rio a dévoilé quelques souvenirs en rapport avec sa plus tendre enfance.

«Ma grand-maman paternelle en Transylvanie, aujourd’hui disparue, a été victime d’une attaque cérébrale, et je l’ai toujours connue handicapée, a révélé l’ancien matricule 9 du tennis mondial. La moitié de son corps était paralysée.» Retraitée du sport depuis le mois de juillet, la Vaudoise de 32 ans a grandi en considérant le handicap comme une normalité. «À mes yeux, il n’y avait aucune différence, car je voyais la générosité et l’engagement de ma grand-maman, se souvient-elle avec tendresse. Tous les étés on partait de Belmont-sur-Lausanne pour Satu Mare. Elle se réjouissait tellement de nous voir qu’elle préparait des pots de confiture, des compotes pour nous. Mes grands-parents n’avaient pas beaucoup d’argent, mais chaque année, ils prenaient deux poussins dans leur poulailler pour que je puisse les nourrir.»

«J’ai essayé une seule fois le tennis en fauteuil roulant. Pour moi, ces athlètes sont des artistes. Je suis admirative de leur dextérité dans leurs gestes et dans leurs déplacements.»
Timea Bacsinszky

Alors, quand Pro Infirmis lui a proposé de devenir marraine de sa dernière opération, la championne n’a pas hésité à s’engager. «Car j’avais ce lien direct avec le monde du handicap. Et parce que je trouve malheureux que l’accès à certains restaurants et autres lieux sociaux ne soient pas plus accessibles.»

Lors de la conférence de presse donnée à la boulangerie Bezençon à Goumoens-la-Ville, Timea Bacsinszky a aussi relevé son admiration pour les parasportifs. «J’ai essayé une seule fois le tennis en fauteuil roulant. Pour moi, ces athlètes sont des artistes. Je suis admirative de leur dextérité dans leurs gestes et dans leurs déplacements. Ce sport est tellement compliqué. En Grand Chelem, j’ai notamment pu côtoyer ces sportifs dans les vestiaires et pu voir leurs difficultés au quotidien.»

Le bon moment

En tant que sportive d’élite, Timea Bacsinszky sait combien la santé est précieuse. La décision de se retirer du milieu professionnel est d’ailleurs en partie liée à des maux récurrents au dos. «Avec mes soucis de disque déchiré entre les vertèbres L4 et L5 et la situation sanitaire liée au Covid, je pense que le moment était le bon pour donner une autre orientation à ma vie.»

Désormais, la jeune retraitée joue pour le plaisir avec son frère, sa sœur, Bastian Baker et Ivan Knie. Et s’est mise au padel. Après avoir passé ses diplômes J+S, elle s’est engagée dans plusieurs projets. «J’aimerais entraîner la relève avec l’association vaudoise de tennis et le Stade-Lausanne et un peu avec Swiss Tennis.» Le désœuvrement ne la guette pas, puisqu’elle a également des mandats comme directrice sportive du tournoi de Montreux. Elle va aussi collaborer avec Grand Chelem Management sur celui de Lausanne. En jetant un bref coup d’œil dans le rétroviseur de ses dix-huit années au plus haut niveau, Timea Bacsinszky se dit avant tout fière de sa résilience. D’avoir réussi son retour après un break dans l’hôtellerie. «J’ai façonné mon projet, je me suis approprié ma vie, et les résultats sont arrivés. Mes entraîneurs, Erfan Djahangiri et Dimitri Zavialoff, ainsi que mon manager, Alexandre Ahr, m’ont beaucoup aidée. Ils me disaient toujours de faire les choses bien, de m’investir. En essayant de profiter au maximum des émotions, car tout va très vite dans ce milieu. Je pense que je donnerai ce type de conseils à mes futurs élèves.»


Des bonshommes de pâte sans bras ou en chaise roulante. Vendredi, Pro Infirmis a lancé son opération «Tous de la même pâte» dans 680 boulangeries suisses à l’occasion de la Journée internationale des personnes en situation de handicap. En Suisse romande, 150 artisans ont joué le jeu en élaborant des bonshommes de la Saint-Nicolas pas tout à fait comme les autres.

«L’idée est d’utiliser les périodes festives pour sensibiliser la population au handicap, explique Sylvie Podio, directrice de Pro Infirmis Vaud. Aujourd’hui, ce sont des bonshommes de pâte. Demain, ce sera des Pères Noël, des Rois mages ou des superhéros.» Rendre la différence ordinaire est en quelque sorte l’objectif de cette initiative. Les boulangers participants à l’action toucheront l’entier des recettes. «Nous voulions garder le produit accessible en ne le renchérissant pas, souligne Yves Girard, secrétaire général de l’association des artisans boulangers vaudois. Le message véhiculé est le plus important.» À l’image de la boulangerie Bezençon à Goumoens-la-Ville, ces bonshommes resteront encore en vente pendant plusieurs jours. PAS