Du Molière pour gommer les différences

(Arcinfo)

NEUCHÂTEL Ce vendredi, le temple du Bas accueille «Molière,c’est nous!»,un spectacle joué par des personnes en situation de handicap.Il vise à promouvoir une société plus inclusive.

PAR LENA.WURGLER@ARCINFO.CH


Le spectacle «Molière,c’est nous!» a déjà été joué à Fribourg en décembre 2021.
SP-SANDRO MHASLY

 

De toutes et tous, je suis celui qui danse le moins bien». Yves Senn manque effectivement de souplesse au moment de l’échauffement.Ses mouvements lui valent quelques commentaires amusés des huit autres personnes présentes dans la pièce.

Mardi soir,la petite troupe amateure répète une dernière fois ses scènes dans une salle du Conservatoire de musique de Neuchâtel.Dans trois jours, elle rejoindra d’autres groupes d’artistes en herbe pour interpréter une version remaniée du «Bourgeois gentilhomme» de Molière.L’oeuvre sera jouée au temple du Bas ce vendredi.

Petit projet devenu grand

Le spectacle «Molière, c’est nous!» rassemble plus de soixante comédiens et comédiennes, danseurs et danseuses,musiciens et musiciennes. Une partie sont des professionnels de la troupe de L’avant- scène opéra,fondée par Yves Senn,et du théâtre Entr’Acte. Les autres sont des personnes en situation de handicap,qui se sont inscrites aux«Ateliers découverte»de Pro Infirmis Neuchâtel.

Là,elles ont appris le chant,la danse et l’expression théâtrale. La présentation d’un premier petit spectacle,début 2020,a motivé les sections fribourgeoise et vaudoise de Pro Infirmis à se joindre à l’aventure. Le petit projet initial est alors devenu grand.

Yves Senn a étudié la mise en scène en fonction de l’ampleur du nouveau projet et du nouveau casting.«J’ai adapté la pièce de Molière comme je le ferais avec n’importe quelle troupe»,tient à préciser le directeur artistique.«Aujourd’hui, l’histoire inclut par exemple une chaise roulante.Quiconque la jouerait devrait s’asseoir dessus,qu’il soit capable de marcher ou non».

Le principal objectif du metteur en scène était moins de mettre en avant les difficultés des personnes en situation de handicap que de les faire oublier totalement.

«C’est un spectacle d’inclusion. La plupart des interprètes ont des compétences qui vont au- delà de ce qu’on pourrait attendre de n’importe qui»,souligne Yves Senn,qui met d’ailleurs au défi de distinguer les artistes de Pro Infirmis des professionnels durant le spectacle.«En multipliant ce genre d’expérience, les gens prennent conscience que les personnes en situation de handicap sont comme tout le monde»,abonde Lynne Mabillon,chargée de projets chez Pro Infirmis.

Le collectif d’abord

Pour les participants et participantes,la mise en place du spectacle et les répétitions offrent aussi l’occasion de sortir du cadre familial ou institutionnel ordinaire,voire de l’isolation, pour découvrir de nouveaux horizons et,surtout,rencontrer de nouvelles personnes.

«Cela me plaît de voir du monde et de travailler en groupe»,relève Joyce,l’une des artistes en herbe de la petite troupe neuchâteloise.«On est une équipe de choc:on apprend très vite et on s’aide beaucoup entre nous»,sourit la trentenaire.

Elle-même est déjà montée sur scène une première fois,il y a quelques mois.C’était pour la première représentation de «Molière,c’est nous!»,en décembre dernier à Fribourg.«A la fin,les gens ont applaudi et se sont levés.Et quand le public se lève, c’est magnifique!». Les spectateurs pourront se lever une nouvelle fois ce vendredi soir 20 mai au temple du Bas, puis encore le 1er juin au théâtre Benno Besson d’Yverdon-les-Bains,pour la dernière représentation de «Molière, c’est nous!»