«A l’École des Philosophes»

Avec «A l’Ecole des Philosophes», Le cinéaste lausannois Fernand Melgar réussit le portrait émouvant d’enfants affectés par un handicap. Il les a accompagnés durant un an dans le canton de Vaud, démontrant à nouveau son intérêt pour un groupe en marge de la société.

Le film nous montre l’entrée de cinq élèves particuliers dans «l’école de la Rue des Philosophes» à Yverdon-les-Bains (VD). Malgré des formes d’autisme, Léon, Louis et Ardi doivent s’ouvrir au monde scolaire et apprendre à respecter des règles. Kenza est polyhandicapée et ne dispose que d’une faible capacité musculaire. Chloé a une maladie héréditaire et Albiana une forme de trisomie. Les différents besoins des enfants poussent les maîtresses à leurs limites. La caméra filme aussi des scènes de la vie de tous les jours, où le regard se détourne lors de rencontres avec des personnes handicapées.

Avec ce film, Fernand Melgar reste fidèle à son intérêt pour les marges de la société. Le Lausannois s’est rendu célèbre avec ses documentaires sur les requérants d’asile: «La Forteresse», «Vol spécial» et «Le monde est comme ça», ou avec «L’Abri», consacré aux sans-abris. «C’est mon plus long tournage», explique Fernand Melgar lors de sa rencontre avec l’ats. «J’ai filmé pendant une année et demie. Je n’ai jamais eu autant de plaisir à tourner».

La thématique l’intéresse depuis longtemps. Il y a une quinzaine d’années, il a réalisé un court métrage sur une jeune fille atteinte de trisomie. Depuis lors, il voulait développer le sujet, aussi parce qu’il vit à Lausanne à côté d’un centre d’apprentissage pour personnes handicapées. A cause de cette proximité, Fernand Melgar a toujours dû expliquer à ses propres enfants pourquoi ces gens sont particuliers. L’école de la Fondation Verdeil à Yverdon représentait une chance unique pour le réalisateur d’accompagner une classe entièrement nouvelle.

Durant les six mois qui ont précédé le tournage, le cinéaste a demandé aux parents l’autorisation de filmer leurs enfants. «Tous ont répondu: enfin quelqu’un s’intéresse à nous. Nous avons l’impression de vivre cachés». A la surprise générale, personne ne s’est opposé au tournage. Pour les parents également, le début de l’école a représenté un défi. «C’est le moment où ils doivent accepter que leur enfant n’aura pas un parcours normal», relève Fernand Melgar.

Le film d’ouverture des Journées de Soleure est dans ce sens aussi une reconnaissance de l’engagement de ces parents. «J’ai une admiration totale pour le courage et la persévérance de ces parents. Ils nous donnent une leçon de vie».

«A l’Ecole des Philosophes» questionne aussi la pédagogie. Mais l’interrogation philosophique essentielle reste: quand la vie vaut-elle la peine d’être vécue ?

Pendant le tournage du film, la population suisse a accepté le 5 juin 2016 le diagnostic préimplantatoire par plus de 62% des voix. «Comme père, j’ai dit oui», reconnaît Fernand Melgar. «Mais après je me suis dit qu’on veut une société normative et qu’avec le diagnostic, une trisomie comme celle d’Albiana est éliminée». «Je pense qu’il y a une réflexion sur la question de savoir si toute vie vaut la peine d’être vécue; pour chaque vie, c’est un choix personnel. Je respecte le choix des parents», poursuit le réalisateur.

Pour Fernand Melgar, c’est un honneur particulier de pouvoir ouvrir les Journées de Soleure. «C’est plus important que d’être à Cannes.» C’est incroyable que «moi, fils de saisonnier clandestin, je puisse m’exprimer dans mon art sans aucune restriction et obtenir les moyens pour faire ce que je fais». La Suisse a une grande tradition du documentaire et il faut lui rendre honneur. «Je suis fier d’être Romand et documentariste».

Source: ats