Dans le studio Sweet Rebels, les créateurs sont des personnes en situation de handicap mental.

(Tribune de Genève)


Joakim, Ursula et Émilie travaillent dans la bonne humeur, sous la supervision de l’apprentie Alev. Image: Vanessa Cardoso

 

C’est un studio de design graphique comme les autres, ou presque. Chez Sweet Rebels, à Nyon, on crée des logos, des affiches, des étiquettes de bouteilles, et toutes sortes de supports de communication visuelle. La particularité de cette agence, c’est qu’ici, les artistes sont principalement des personnes en situation de handicap mental, encadrées par un directeur, Yves Portenier, une apprentie et, à l’occasion, des stagiaires étudiants en arts graphiques. «Nous avons tous des capacités et des talents différents et uniques. Nous sommes tous des créatifs», souligne un texte de présentation de Sweet Rebels au ton très égalitaire.

Des artistes prolifiques

Ce jour-là, l’équipe œuvre à la production d’un visuel de promotion des Special Olympics, qui se sont tenus à Genève à la fin de mai. «Nous faisons souvent des travaux en lien avec l’intégration sociale, explique Yves Portenier. La sensibilisation à cette question fait partie des buts de l’agence.» Après avoir expliqué le principe de ces Jeux olympiques pour personnes en situation de handicap mental, le graphiste et fondateur de Sweet Rebels lance: «Nous allons essayer de faire une illustration pour dire que nous soutenons ces jeux. Ça vous branche?» Émilie Adler est enthousiaste: «Ouais! Je vais travailler sur la flamme.» Et de se mettre illico à peindre une flamme olympique, avant d’enchaîner avec une série de judokas très stylisés. Ursula Künzi s’attache quant à elle à dessiner des cyclistes, et Joakim Hoff s’intéresse au golf et à la natation. «J’aime bien faire ça, c’est mon métier, proclame Émilie. Je suis fière quand je vois mes dessins sur une affiche ou ailleurs.»

Trouver des mandats payés

En peu de temps, les artistes peignent toute une série d’images, qu’Yves Portenier scannera et retravaillera ensuite pour les mettre en page sur des communiqués, newsletters et autres. Si, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un mandat rémunéré, Sweet Rebels a déjà travaillé pour la Ville de Nyon, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), une marque de limonade ou le Lion’s Club, entre autres. «Vu que nous ne touchons pas de subventions, la seule manière de pérenniser notre projet, c’est d’obtenir des mandats payés, précise le directeur. C’est toute la difficulté. Sur le principe, certains clients trouvent géniale l’idée de Sweet Rebels, mais ils n’osent pas faire le pas. Nous sommes trop en rupture avec le style de graphisme très épuré qu’on apprécie en Suisse.»

Mandat rémunéré ou non, Ursula, Joakim et Émilie, présents depuis la fondation de Sweet Rebels il y a un peu plus de deux ans, sont payés pour leur travail, par le biais des institutions dans lesquelles ils vivent. Pour Yves Portenier, cette activité à laquelle il consacre plus de la moitié de son temps de travail s’apparente souvent à du bénévolat. Mais sa motivation est ailleurs: «J’ai toujours été à la recherche de sens dans ce que je fais. Dans la communication, ce n’est pas toujours évident.»

Permettre aux personnes en situation de handicap d’exercer une activité professionnelle est un pas important vers une plus grande autonomie et une meilleure reconnaissance sociale. Mais les activités qui leur sont généralement proposées ne pas forcément très valorisantes et en tout cas rarement créatives, contrairement à ce qui se fait chez Sweet Rebels. AN.G.