Les hôtels ne sont vraiment pas faits pour les handicapés

(Le Matin Dimanche)

Une enquête inédite auprès de 500 hôtels suisses montre que beaucoup d’entre eux ne sont pas accessibles facilement et présentent des obstacles. Les résultats viennent d’être publiés.

Les handicapés moteurs ne peuvent pas se rendre seuls dans cet hôtel grison. «Les chaises roulantes doivent être portées dans les escaliers», écrit ainsi un client sur TripAdvisor. Un autre s’énerve contre ses vacances en Valais: «Le plus grand obstacle était l’ascenseur. Beaucoup trop petit. Nous devions démonter la chaise roulante». À Zurich, c’est l’accès à la baignoire qui a posé problème à un touriste. «Par ailleurs, un siège de douche et une poignée faisaient défaut.» Loin d’offrir de la détente, les vacances des personnes ayant un handicap réservent souvent de mauvaises surprises. «Certains d’entre eux préfèrent rester à la maison ou ne choisissent que des lieux qu’ils connaissent, affirme Marc Butticaz de Pro Infirmis. D’autres s’informent au préalable pour savoir si l’hôtel est adapté. Or, ils obtiennent souvent des informations imprécises et, une fois sur place, se voient déçus dans leurs attentes.»

Un projet d’ampleur national va s’atteler à changer cette situation. «L’an dernier, une petite armada d’examinateurs a sillonné le pays, a mesuré les chambres, testé la taille des ascenseurs et des portes», explique Susanne Gàumann, directeur de la fondation Claire & George. La fédération faîtière HotellerieSuisse, l’Association suisse des paraplégiques et Mobility International Suisse ont également pris part à ce projet. «Ce sont en tout 500 établissements qui ont été testés quant à leur accessibilité. Et nous en sondons d’autres très régulièrement.»

Or, une analyse exclusive démontre la chose suivante: seuls 23% des hôtels offrent des chambres exemptes de tout obstacle; 30% disposent d’une salle de bains adaptée ou de places de parking pour handicapés; 67% des établissements offrent des salles à manger accessibles. Mais 7% seulement d’entre eux proposent par exemple des lits électriques, tandis que 3% ont une piscine adaptée à leurs besoins. «Nous avons constaté une vraie nécessité de rattrapage, déclare Thomas Allemann, membre de la direction d’HotellerieSuisse. Une part importante des hôtels a plus de cent ans. Or, les adapter coûte très cher».

Nous avons constaté une vraie nécessité de rattrapage quant à l’accessibilité des hôtels» Thomas Allemann, Hotellerie Suisse

Les examinateurs n’ont pas réalisé que des mesures. «Ils ont également sensibilisé les hôteliers à cette question.» Selon l’Office fédéral de la statistique, la Suisse compte 1,8 million de personnes avec un handicap, une tendance croissante. Cette nouvelle collecte de données doit créer de la transparence. Ainsi, tous les résultats sont désormais publiés sur les sites Paramap.ch et Claireundgeorge. Dès 2019, on les trouvera également sur celui de Suisse Tourisme. Selon la directrice de Claire & George, il ne s’agit pas là de labelliser les hôtels. «La question de l’accessibilité n’est jamais noire ou blanche. Une personne en chaise roulante a d’autres besoins qu’une personne aveugle.» Mais, dorénavant, ces dernières sauront clairement la taille des chambres, la hauteur du lit ou si une signalétique tactile existe, afin d’échapper aux mauvaises surprises.

ROLAND GAMP