Le tourisme se rend accessible

(Le Courrier Genève)

Les embûches sont nombreuses sur la route des vacances pour les personnes avec un handicap


Grâce à l’hippocampe, les baignades en mer deviennent possibles pour les personnes avec un handicap physique. Procap

 

Laura Drompt

Larguer les amarres le temps d’un séjour dédié à la détente ou à la dépense physique, quoi de plus tentant?

Mais pour les personnes avec handicap, les obstacles sont nombreux: hôtel rendu inaccessible par une volée de marches ou une porte trop étroite, coûts alourdis par le besoin d’un accompagnant, moyens de transports inadaptés…

Des solutions existent, pourtant. Aussi diversifiées que les besoins. «Sans escalier, une personne en fauteuil roulant n’a pas de handicap. La situation de handicap est causée par l’inadéquation de l’environnement aux personnes», rappelle, en préambule, Cyril Mizrahi, président de la Fégaph (Fédération genevoise des associations de personnes handicapées et de leurs proches). Lui-même malvoyant, l’avocat et député au Grand Conseil genevois (PS) considère le droit aux loisirs comme un réel enjeu: «Il y a les barrières environnementales ou comportementales.»

Et de citer le cas récent d’un hôtel suisse ayant refusé d’accueillir une personne avec son chien- guide. Ou d’une compagnie aérienne qui a voulu restreindre l’accès de ses vols aux personnes en chaise roulante. «Cela reste moins grave que de se voir imposer une école spécialisée», tempère M. Mizrahi.

Les loisirs? «C’est notre combat de tous les jours. Nous faisons tout pour offrir une réelle accessibilité, l’occasion de passer des vacances sans souci», relèvent Nicole Guelat et Estelle Kipper, coordinatrices pour Procap Voyages.

L’agence propose des séjours à la carte, individuels ou en groupe, à travers le monde entier. Les personnes sans handicap peuvent aussi y réserver des vacances, permettant de lisser les prix et participant à maintenir des tarifs abordables pour les voyages plus spécialisés. Estelle Kipper insiste sur un maître mot: l’adaptabilité des voyages aux souhaits des vacanciers avec handicap.

La demande est fréquente de ne pas rester dans des univers trop repliés sur eux-mêmes. En cas de départs en groupe, Pro- cap varie les âges et les types de handicap. Veiller à ne pas compartimenter les vacanciers est une préoccupation pour Cyril Mizrahi. «La vaste offre qui existe en Suisse et ailleurs doit devenir vraiment inclusive. Il faut que ces vacances permettent des rencontres au-delà du cadre des accompagnants.»

Sur ce point, une récente expérience à l’île d’Elbe replonge Nicole Guelat dans son souvenir d’un voyage pour des 25-30 ans: «Nous avons volontairement fait du camping plutôt que de nous retrouver dans un hôtel spécialisé. C’était très positif et touchant: les autres vacanciers nous ont super bien accueillis, les jeunes du groupe et les autres ont dansé ensemble.
Le camping était heureux d’apprendre que nous revenions.»

Sécurité et transport: les points noirs

Le transport est un moment particulièrement délicat à gérer durant les vacances. C’est aussi vrai en situation de handicap, particulièrement en fauteuil. Il y a le problème des marches à franchir, mais aussi celui des normes qui se télescopent. Les fabricants ont ainsi fait des progrès pour l’autonomie des batteries, mais celles-ci sont parfois trop imposantes pour passer la rampe des contrôles aux aéroports. Par «sécurité», certains fauteuils roulants sont ainsi refusés. «La sécurité est souvent mise en avant pour restreindre l’accès aux loisirs, commente Cyril Mizrahi. Le message implicite, c’est ‘restez chez vous, ce sera plus sûr’! Et même face à des situations aberrantes, lorsque la montre tourne, il est parfois trop tard pour attraper son vol.»

Tenir compte des besoins

Obtenir une assistance en cas de besoin, c’est une bonne chose. Une aide ciblée et adaptée, c’est encore mieux. Cyril Mizrahi cite l’exemple d’un aéroport, lieu difficile à gérer sans une signalétique adaptée. «L’assistance aux personnes est une industrie mise au concours avec des sous-traitants, tout y est géré à la chaîne et la tentation est grande d’imposer une même procédure à chacun.» Inutile, par exemple, de proposer une chaise roulante à un malvoyant, comme cela lui a été relaté.

Savoir distinguer les problèmes spécifiques au handicap physique, sensoriel (ouïe, vue) ou mental permet de trouver les meilleures solutions possibles. Un savoir-faire éprouvé par les coordinatrices de Procap Voyages, qui soulignent les efforts de bons élèves comme la France et l’Italie, qui offrent volontiers des places de parc adaptées et des chaises pour accéder à la mer. «On ressent parfois des réticences, c’est sûr. Mais la tendance est à l’acceptation!» se réjouit Estelle Kipper.

En vacances avec son handicap

Le handicap ne prend pas de vacances. Alors que le but des congés consiste à laisser derrièresoi les soucis du quotidien, les préparatifs peuvent être une source de stress pour les personnes en situation de handicap et leurs proches. Comment les vacances sont-elles abordées et préparées? Comment faire tomber les barrières comportementales ou environnementales et garantir une offre réellement inclusive? Le temps d’un été, Le Courrier se penche sur la question. CO

L’aventure hors catalogue

Hôtels ou bungalows, de l’Islande à l’Inde en passant par la Suisse, tout ou presque semble possible dans le catalogue de l’agence Procap Voyages’. Les prix sont affichés et des logos indiquent l’accessibilité totale ou partielle des séjours ou encore la possibilité de trouver un accompagnement sur place.

La dose d’aventure, elle, survient parfois lorsqu’on s’y attend le moins. Et sans parcourir des milliers de kilomètres. Nicole Guelat, coordinatrice pour Procap Voyages, se souvient comme si c’était hier de ce jour où elle accompagnait un groupe de personnes malvoyantes à Charmey (FR). «Il y avait une personne complètement aveugle avec nous, nous voulions prendre le téléphérique puis redescendre à pied par le chemin le plus facile. Nous avons pris nos informations, mais la personne à l’accueil, très jeune, n’était pas bien renseignée. Elle nous a dit de prendre le premier chemin à gauche, elle aurait dû nous indiquer la droite.»

L’équipe se lance dans la descente; à mi-chemin le parcours se complique, les racines et les cailloux rendent le cheminement difficile. «Arrivés à un champ, certains accompagnateurs ont dû prendre des personnes sur leur dos. C’était vraiment ardu, surtout pour quelques participants, dont la personne totalement aveugle et une autre qui avait des problèmes de coordination. Nous étions gênés de la tournure qu’avait pris la situa- tion.» A l’heure du bilan, un formulaire donne, comme toujours chez Procap, la parole aux participants en leur demandant les bons et mauvais moments passés. «On craignait les remarques négatives… Mais les deux personnes les plus en difficulté sur le moment ont souligné combien elles avaient apprécié cette sortie! Elles ont surmonté quelque chose ce jour-là qui les a marquées en bien et les a enrichies.» LDT

www.procap.ch, section «Partez en vacances avec Procap!»