L’atelier pour aveugles de Brigue n’en est pas un

(nxp)

L’Atelier suisse des aveugles et des malvoyants à Brigue (VS) n’emploie aucun aveugle. Et de nombreux produits qu’il vend sont importés.

L’Atelier suisse des aveugles et des malvoyants n’est pas peu fier de son site de Brigue (VS). L’institution, inaugurée en grande pompe en 2005 avec la bénédiction du Conseil d’Etat, a créé une douzaine de postes de travail. Problème: pas une des personnes qui y sont employées n’est aveugle, raconte «Blick».


L’Atelier Suisse des Aveugles et des Malvoyants de Brigue a été fondé en 2005. (Photo: SBWS)

 

Un ex-collaborateur, qui a dû signer une clause de confidentialité et qui s’exprime donc sous le sceau de l’anonymat, confirme. «Personne n’est aveugle dans cet atelier, j’ai moi-même une petite faiblesse des yeux, mais c’est tout.» Selon lui, seule une collaboratrice souffre d’un gros problème visuel. Et si la plupart des employés portent des lunettes, certains viennent travailler en voiture.

«Nous ne trouvons pas de non-voyants»

«Des personnes souffrant de diverses déficiences visuelles travaillent dans cet atelier. Mais il est vrai qu’aucun aveugle n’y est employé actuellement», détaille Ernst Lochmatter, caissier du groupe régional Valais de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants, laquelle détient 20% de l’atelier. «Nous ne trouvons simplement pas de non-voyants souhaitant travailler ici.»

L’entreprise est dirigée par Manfred B. et deux de ses frères en Allemagne. Aucun d’entre eux n’a voulu s’exprimer, mais le responsable du personnel, basé à Hürtgenwald (All), a reconnu que le site de Brigue employait des personnes sans déficiences visuelles majeures. Il ne voit toutefois pas où est le problème.

Vente de produits importés

Si l’atelier ne produit que des balais et des brosses, il vend également des serviettes, des peignoirs ou des chaussettes importés d’Allemagne et d’Autriche. Ces produits, présentés sur le site de l’organisation et dans un catalogue, affichent des prix nettement supérieurs à la pratique. Et sans préciser qu’ils se sont pas fabriqués à Brigue.

État du Valais pas engagé

L’atelier est soutenu par la Fédération suisse des aveugles, qui en détient une part de 20%. L’association, soutenue par le canton du Valais et la Confédération, sert de caution à l’entreprise qui met en avant cette collaboration à chaque occasion.

«Le Département valaisan de la santé n’accorde aucun soutien financier à cet atelier, a précisé la conseillère d’Etat Esther Waeber-Kalbermatten, lundi. Mais il verse 30’000 francs à la Fédération suisse des aveugles, pour des prestations de conseil uniquement.»

Un cas qui fâche les milieux du handicap

«Nous nous désolidarisons vivement des pratiques de cette entreprise», a réagi lundi l’Union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA). L’Atelier suisse des aveugles de Brigue avait sollicité l’UCBA en 2006 pour être reconnu par le milieu du handicap visuel. Mais leur dossier «manquait de transparence et de nombreuses questions restaient sans réponse». L’UCBA regrette que de telles pratiques entachent la bonne réputation des organisations reconnues.