Les exosquelettes sont la nouvelle révolution qui changera nos vies

(Le matin dimanche)

Ils redonnent leur mobilité aux handicapés, transforment de simples soldats en s nommes et soulagent le travail des ouvriers. Certains dispositifs sont même pilotables par la pensée.

Ils ont fait le bonheur du cinéma de science-fiction à travers des films comme «Aliens», «Avatar» ou «Edge of Tomorrow»… Mais les exosquelettes, ces robots que l’on enfile presque comme un vêtement, qu’il s’agisse d’armure à part entière, de jambières ou de sortes de vestes équipées de mécanismes hydrauliques ou d’électronique de pointe, sont aujourd’hui en train d’envahir notre environnement.

Souvenez-vous, le coup d’envoi de la Coupe du monde de football 2014, au Brésil, avait été donné – il est vrai tant bien que mal – par un jeune paraplégique équipé d’un exosquelette de 70 kilos contrôlé par la pensée. Depuis, les machines s’affinent, se perfectionnent… Développés jusqu’ici surtout pour l’armée, afin de transformer n’importe quel troufion en supersoldat, ou adopté par la médecine pour redonner leur mobilité aux handicapés, ces dispositifs robotisés sont aujourd’hui de plus en plus utilisés pour assister les ouvriers. Avec des sortes de harnais qui permettent par exemple de garder les bras en l’air, de rester penché en avant ou de soulever des charges sans se fatiguer le dos. Des appareils le plus souvent passifs, fonctionnant sans moteur ni batterie, simplement avec des systèmes de retour d’effort. Certains vont même plus loin et prennent la forme d’une simple combinaison de tissu. Équipés de capteurs en tous genres, ils servent alors à étudier les gestes des ouvriers pour leur conseiller de meilleures postures de travail et des mouvements plus fluides.

Alors avant de bientôt pouvoir retrou- ver ces engins au rayon bricolage de notre grande surface préférée, faisons le point sur les aspects de notre société qu’ils s’apprêtent à bouleverser.


Exosquelette de la main

 

La prochaine étape? Pouvoir piloter ces combinaisons par la pensée, de manière instinctive et instantanée! Un rêve que certains ont déjà concrétisé… ou presque. À Genève, le laboratoire du Campus Biotech, en collaboration avec l’EPFL, élabore un exosquelette de la main très léger et contrôlable par les ondes cérébrales. L’appareil se présente sous la forme de simples bandes velcro qui s’attachent sur les doigts d’un patient. Des câbles en métal, servant de tendons, sont reliés à un boîtier fixé sur la poitrine et équipé de moteurs chargés de tirer ou pousser chaque câble, suivant que l’on veuille plier ou tendre un doigt.


Un casque EEG

 

Un casque EEG complète l’attirail pour assurer la détection des ondes cérébrales mais il est également possible de le contrôler à travers différentes interfaces, comme celles des ondes musculaires. «L’appareil est destiné à la fois à une assistance quotidienne à la maison pour des patients atteints d’une lésion de la colonne vertébrale, mais aussi dans le cadre d’une rééducation après un AVC», nous précise Luca Randazzo, qui développe l’appareil au sein de la chaire de la Fondation Defitech sur les interfaces cerveau-ordinateur. Mais ses actions sont encore limitées, dans la mesure où seules l’ouverture et la fermeture de la main sont possibles. Plus fort: à Grenoble, des chercheurs ont implanté une puce dans la tête d’un tétraplégique lui permettant de commander par la pensée une véritable armure métallique, avec bras et jambes pilotables. Une prouesse réalisée par Clinatec, un centre de recherche biomédicale, qui laisse entrevoir ce que le futur nous réserve…


Le Twiice

 

Remarcher lorsqu’on est devenu paraplégique, c’est évidemment l’espoir fou de toute victime d’accident. Un rêve auquel les exosquelettes permettent aujourd’hui d’accéder en redonnant à quelques- uns une certaine autonomie dans leur vie quotidienne. Fabriqué par l’entreprise israélienne Argo Medical Technologies, le Rewalk est un engin qui a fait ses preuves depuis quelques années déjà, malgré un prix avoisinant les 100 000 francs. Pour certaines tâches, on le pilote à travers une montre Bluetooth fixée au poignet. Mais pour marcher, il suffit de se pencher en avant. Un capteur fixé à la hanche détecte alors le mouvement du corps et enclenche la marche. L’utilisateur doit toutefois être équipé de deux béquilles pour assurer son équilibre.

En Suisse, le Laboratoire de systèmes robotiques (LSRO) de l’EPFL développe actuellement un engin similaire, le Twiice. Son stade est moins avancé, dans la mesure où il doit encore passer au travers d’un certain nombre d’étapes (valider la sécurité du dispositif, démontrer qu’il est utile pour les patients…) avant sa commercialisation mais l’engin a notamment fait ses preuves au dernier Cybathlon de Dusseldorf. «Notre appareil s’est montré plus rapide, plus facile à utiliser et plus à même de permettre aux gens de franchir des obstacles de la vie de tous les jours que le Rewalk, nous explique Tristan Vouga, concepteur de la mécanique du Twiice. Son avantage, c’est son côté modulaire. Nous l’avons conçu de manière à ce qu’il s’adapte d’un patient à l’autre, qu’il soit paraplégique partiel, complet, ou en rémission après un accident vasculaire cérébral.»

Une armée composée d’Iron Men


Exosquelette simplifié, uniquement basé sur le bas du corps

 

Quelle nation aura les premiers soldats du futur? Russie, États-Unis, France, Japon… tous travaillent sur des exosquelettes destinés à transformer leurs troupes ensuper soldats. Les premiers sur les rangs sont les Américains qui planchent sur «TALOS» (pour «Tactical Assault Light Operator Suit») depuis 2013. Le projet, surnommé Iron Man, devrait faire l’objet de premiers tests d’ici à la fin de l’année avant d’équiper les forces spéciales américaines. Au menu? Une armure pare-balles constituée d’un liquide qui devient solide sous l’impact d’un projectile, des capteurs mesurant en temps réel les signes vitaux des soldats, un casque équipé en réalité augmentée avec information GPS et localisation des troupes ennemies, mais surtout un exosquelette motorisé qui amplifie les mouvements des soldats et augmente leur vitesse et leur mobilité.

Parallèlement, une entreprise privée, Lockheed Martin, développe ONYX, un exosquelette simplifié, uniquement basé sur le bas du corps, qui permettra, lui aussi, d’accroître la mobilité et de réduire la fatigue des soldats. Le tout composé de capteurs signalant vitesse, la direction et les angles de mouvement à un ordinateur de bord chargé de doser l’aide apportée. Un système plus proche de ce que l’armée française développe également.


Exosquelette de soutient

 

Le poids d’une pastèque soulevée à 4600 reprises durant une journée… Voilà à quoi sont soumis les ouvriers des entreprises Ford, du moins ceux qui travaillent à la chaîne sous les voitures, portant de façon répétitive des équipements à installer à bout de bras. C’est pour eux que l’entreprise a développé EksoVest, un gilet technologiquement augmenté reposant sur un simple mécanisme hydraulique mais qui apporte un soutien musculaire important aux bras de ses utilisateurs. L’appareil peut ainsi prendre en charge entre 2,2 et 6,8 kg. Plus l’ouvrier lève les bras, plus l’exosquelette le soutient. Après des essais dans une poignée d’usines aux États-Unis, Ford vient de déployer la technologie sur 15 sites, dans 7 pays différents, entre Europe, Asie et Amérique du Sud. Objectif? Diminuer les risques de blessures et rendre le travail moins éprouvant. Et augmenter la cadence? Ford s’en défend mais toujours est-il que la tendance se démocratise. En France, les exosquelettes sont à l’étude dans bon nombre d’entreprises: dans des fonderies, chez des soudeurs ou divers secteurs du bâtiment. Mais c’est au Japon que ces combinaisons se sont le plus démocratisées, pour tenter de faire face à une société vieillissante en pénurie de main-d’œuvre.

CHRISTOPHE PINOL
christophe.pinol@lematindimanche.ch