Non à l’«initiative anti-droits humains»

(Procap / Le Magazine)

L’initiative populaire «Le droit suisse au lieu de juges étrangers» de l’UDC sera soumise à votation le 25 novembre. Procap dit «non» à cette initiative mettant en péril l’accès à la Cour européenne des droits de l’homme.

Texte Anna Trechsel, Facteur de protection D


Non à l’«initiative anti-droits humains»

 

Imaginez que vous voulez aller voir un film au cinéma, mais que l’accès vous est refusé parce que vous êtes en fauteuil roulant. C’est précisément ce qui est arrivé à Monsieur Meier, de Genève (le nom a été modifié). L’exploitante du cinéma a déclaré qu’elle ne pouvait garantir la sécurité des personnes en fauteuil roulant en cas d’incendie, en raison des marches qui mènent à la salle. Monsieur Meier n’a pas voulu en rester là: il a introduit un recours devant le Tribunal fédéral en invoquant la loi sur l’égalité pour les handicapés. Son article 6 énonce que les particuliers qui fournissent des prestations au public ne doivent pas traiter une personne handicapée de façon discriminatoire du fait de son handicap. Mais le Tribunal fédéral a rejeté le recours, considérant que l’exploitante avait refusé à Monsieur Meier l’accès à son cinéma pour des raisons de sécurité et non parce qu’elle avait quelque chose contre les personnes avec handicap. Monsieur Meier aurait toutefois voulu décider lui-même s’il pouvait ou non courir le risque.

Continuer à se battre

Y a-t-il encore quelque chose à faire contre pareille dis-crimination après que le Tribunal fédéral, dernière instance juridique en Suisse, a rendu sa décision? Oui: Monsieur Meier a porté son cas devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg. La CEDH veille au respect de la Convention européenne des droits de l’homme par les Etats membres, dont la Suisse. Le recours est encore pendant. La CEDH a déjà rendu de nombreux arrêts importants pour les personnes avec handicap. Hans Glor y a par exemple introduit un recours au nom de son fils, qui ne pouvait pas réaliser son souhait d’entrer dans l’armée à cause de son diabète mais devait tout de même s’acquitter de la taxe d’exemption de l’obligation de servir. Une situation que Hans Glor trouvait injuste – et les juges de Strasbourg lui ont donné raison. L’armée suisse doit dorénavant donner aux personnes présentant un handicap léger la possibilité d’effectuer leur service militaire si elles le désirent. Il existe bien d’autres exemples de personnes avec handicap ou de leurs tuteurs de Suisse et de toute l’Europe qui ont saisi la Cour de Strasbourg. Ainsi d’une femme travaillant à temps partiel dont la rente AI avait été calculée de façon injuste et pour laquelle Procap a obtenu gain de cause devant la CEDH. De personnes avec des maladies psychiques qui ont été admises en institution contre leur gré. De personnes tombées malades qui ont dû se battre pour leurs rentes. De personnes injustement mises sous tutelle. De personnes qui n’ont pas eu accès à l’université à cause de leur handicap. La Convention européenne des droits de l’homme donne à chacune et à chacun la possibilité de faire valoir ses droits humains à Strasbourg lorsque ceux-ci ont été bafoués en Suisse. Une initiative trompeuse L’initiative de l’UDC entend lever cette protection offerte par la Convention. L’UDC considère la CEDH et la Convention comme «étrangères», même si la Suisse a ratifié la Convention volontairement et que les décisions de la CEDH sont toujours prises avec la contribution d’un ou d’une juge suisse. Procap fait partie de l’Alliance de la société civile/Facteur de protection D, qui lutte contre cette initiative.