Surveillance des assurés: L’exception genevoise

(Le Courrier Genève)

En refusant à 58,64% la loi sur la surveillance des assurés, Genève se distingue clairement du reste de la Suisse, qui a dit oui au recours aux détectives privés par les assureurs à 64,68%. Le seul autre refus provient du Jura (51,41%), soit près de 7 points de moins que Genève.

Pourquoi ce canton se distingue-t-il à ce point?
Carole-Anne Kast, présidente du Parti socialiste cantonal, avance l’hypothèse de la presse particulièrement mauvaise qu’ont les assureurs maladie au bout du lac, où les citoyens payent les primes parmi les plus élevées de Suisse. «Les Genevois constatent qu’ils doivent toujours payer plus pour toujours moins de prestations. Ils ont compris que si on donnait aux assurances davantage de moyens pour ne pas payer, elles les utiliseraient.» Autre piste: «Genève et le Jura sont souvent les cantons les plus progressistes dans les scrutins fédéraux, ils ont voulu que seules la police et la justice conservent ces prérogatives de surveillance.»

Avec près de 60% de refus, la gauche a largement dépassé son assise électorale. De fait, le PDC genevois avait aussi appelé à voter non, à l’encontre du parti national. De même, les Jeunes libéraux-radicaux du bout du lac avaient mis en avant le respect de la sphère privée.

«A droite, il n’y avait pas une réelle adhésion», remarque Vincent Maitre. Le président du PDC suppose que les Genevois sont, plus qu’ailleurs, attachés à leur sphère privée. Il se souvient que ce débat a eu lieu il n’y a pas si longtemps à l’occasion du «recours justifié» du Parti socialiste contre trois articles de la loi sur la police, qui donnaient à cette dernière, sur simple soupçon, des pouvoirs d’investigation jugés trop importants par le Tribunal fédéral.

Conseiller national PLR, Benoît Genecand rappelle qu’une minorité importante des délégués du parti cantonal s’était opposée à la loi au nom de la protection de la sphère privée, principe cardinal au sein de la formation. Il relève surtout que peu de politiciens en Suisse romande se sont engagés pour le oui, si ce n’est lui-même ou encore la Vaudoise Isabelle Moret. Enfin, les médias ont peut-être davantage axé leurs articles sur les arguments des référendaires que sur la question de la fraude. «En Suisse alémanique, il existe une presse de boulevard qui n’hésite pas à faire des articles sur tel assuré qui jouait au golf, un cas véridique. Il y a plus de pudeur en Suisse romande et c’est d’ailleurs mieux.»RA