Guéris d’une tumeur, des jeunes restent sur le carreau

(24heures.ch)

L’association Cancer de l’enfant en Suisse demande des soutiens pour les adultes qui subissent les conséquences de la maladie dont ils ont souffert enfants.


Rahel Morciano et son fils Le jeune homme est à la recherche d’un apprentissage,
mais n’en trouve pas. Chantal Dervey

 

Le fils aîné de Rahel Morciano avait 14 ans lorsque sa tumeur au cerveau a été diagnostiquée. «Du jour au lendemain, vous devez jongler entre la maladie, la famille, les questions administratives, le travail… On passe en mode survie», raconte la mère de famille. Aujourd’hui, le jeune homme de 19 ans est en rémission, mais il garde quelques séquelles – des problèmes d’équilibre et de motricité, ainsi que des difficultés au niveau de la mémoire à court terme sur lesquelles il travaille encore.

L’association faîtière Cancer de l’enfant en Suisse organise en ce mois de juin une campagne pour sensibiliser le grand public aux défis auxquels de telles familles sont confrontées. Il s’agit en particulier de promouvoir l’égalité des chances pour les adultes qui, comme lui, ont guéri mais peinent à s’intégrer dans le monde professionnel.


«Ce ne sera jamais plus comme avant»
Rahel Morciano, maman d’un jeune homme qui a eu une tumeur au cerveau dans son enfance


Après son opération, le fils de Rahel Morciano ne pesait que 34 kilos. Il a dû réapprendre à marcher et retrouver sa masse musculaire. «Depuis, les choses se sont calmées. Mais ce ne sera plus jamais comme avant», poursuit la maman. Le garçon, qui souhaite taire son prénom, a terminé l’école de culture générale et veut faire un apprentissage de laborantin en chimie. «Travailler dans la recherche, c’est mon rêve depuis tout petit et je ferai tout pour y parvenir». nous glisse-t-il. Mais depuis trois ans, il ne trouve pas de place.

Chaque année en Suisse, près de 300 enfants de moins de 15 ans ont comme lui un cancer. Parmi eux, environ septante souffrent d’une tumeur au cerveau. «Leur chance de survie à cinq ans (ndlr: cinq ans après l’annonce de la maladie) se situe autour de 70%», précise Manuel Diezi, spécialiste en hémato-oncologie pédiatrique au CHUV. Mais ce chiffre ne dit pas tout: cette maladie est celle qui laisse le plus souvent des séquelles, plus ou moins importantes selon les cas.

Troubles neurologiques

«La tumeur se trouve dans le cerveau, que les traitements doivent aussi cibler. Tout cela augmente le risque de troubles neurologiques», résume Manuel Diezi. Le type de tumeur, sa localisation précise et la lourdeur des traitements jouent un rôle. Et puis, plus l’enfant est petit quand la maladie apparaît, plus le risque qu’il porte des séquelles est élevé. Dans les cas les plus graves, la radiothérapie peut altérer l’intelligence. Les troubles de l’attention sont relativement fréquents. On peut aussi mentionner des problèmes de vue, d’audition, du langage ou de l’équilibre.

De tels handicaps rendent plus difficiles leur formation puis leur insertion professionnelle. «Ces jeunes ont survécu, mais ensuite il n’y a pas toujours de place pour eux dans notre société», regrette Alexandra Weber, cheffe de la communication chez Cancer de l’enfant en Suisse. Elle évoque la situation d’une trentenaire atteinte à deux reprises d’une tumeur cérébrale durant son adolescence. Cette femme, qui est hémiplégique et souffre de troubles visuels et cognitifs, a terminé son apprentissage mais ne parvient pas à trouver un emploi adéquat et touche une petite rente de l’assurance invalidité (AI). Pour elle comme pour d’autres, le risque est de dépendre toute sa vie d’une aide extérieure.

Des centres pour les conseiller

Selon l’association, les familles concernées et les adultes guéris ne savent souvent pas à qui s’adresser ni à quels soutiens ils ont droit, et se perdent dans une jungle administrative. L’association demande davantage de centres pour les conseiller tant au niveau psychologique que juridique, et pour les aider à s’insérer dans le monde professionnel. Franziska Lüthy, avocate au service juridique de Procap, abonde: «Ce qui serait pratique, c’est que tous les conseils soient fournis au même endroit. Aujourd’hui, les familles obtiennent les réponses médicales, sociales et juridiques dans des lieux différents.»


«Les atteintes de ces anciens malades ne se voient pas forcément au prime abord. Ils doivent se battre pour obtenir un soutien de l’AI»
Franziska Lüthy, avocate au service juridique de Procap


«Les atteintes de ces anciens malades ne se voient pas forcément au prime abord. Ils doivent se battre pour obtenir un soutien de l’AI», poursuit Franziska Lüthy. Beaucoup de ces adultes touchent une rente partielle. Ils doivent alors trouver un patron prêt à leur donner leur chance pour la compléter… «Des efforts doivent être faits au niveau de l’intégration. En Suisse, il n’y a aucune contrainte, pour les employeurs, d’engager des gens avec un handicap. Sans aller jusque-là, on pourrait les sensibiliser à cette question ou prévoir des incitations.»

«Ce qui est dommage, c’est que mon fils a développé d’autres compétences qui ne sont pas valorisées par les employeurs», conclut Rahel Morciano, en mentionnant sa capacité de résilience et son caractère de battant forgé par la maladie. Et s’il ne trouve pas d’apprentissage? «On cherchera une autre solution… Forcément, nous n’arrêtons pas de nous demander comment l’aider.»