Coup de pouce pour exclus de la culture

(Arcinfo.ch)

Le Canton de Neuchâtel veut améliorer l’accès à la culture. Ceux qui font des efforts, en faveur des handicapés notamment, pourront être aidés.

Par Frederic Merat


Trois voix pour la culture inclusive. De gauche à droite, Nicole Grieve, Alain Ribaux et Daniel DaII’Agnolo. MURIEL ANTILLE

 

Le projet de loi neuchâteloise sur l’encouragement des activités culturelles est en consultation. Alors que l’ampleur de l’appui du Canton aux créateurs fait débat, le Conseil d’État inaugure une nouvelle forme de soutien. Il s’agit de mieux «inclure» dans le public des expositions ou des spectacles les personnes vivant avec un handicap:celles-ci constituent tout de même un cinquième de la population suisse.

Pour le conseiller d’État Alain Ribaux, «la période particulière que nous vivons a montré combien la culture avait manqué. Nous avons plus besoin que jamais de projets enthousiasmants», a-t-il déclaré, jeudi en conférence de presse,pour présenter «une démarche pionnière».

La démarche en question traduit l’une des ambitions de la future loi sur la culture, qui est d’améliorer l’accès à cette dernière. Or, «la culture, parfois perçue comme élitiste, reste pour beaucoup une citadelle imprenable. Il faut l’ouvrir davantage encore, la rendre visible, audible et compréhensible pour tous», selon le ministre de la culture.

Appel à projets

«Comment visiter une exposition si vous êtes aveugle? Comment suivre une pièce de théâtre si vous êtes sourd ou malentendant?» Autant de questions qui posent l’enjeu,tel que décrit par Nicole Grieve. La responsable de la culture inclusive pour la Suisse romande auprès de Pro Infirmis constate que «les personnes en situation de handicap utilisent peu l’offre culturelle: étant exclues, elles sont invisibles.»

Pour que cela change, l’État de Neuchâtel lance un appel à projets. Grâce à une rallonge au budget 2020 votée par le Grand Conseil, 25 000 francs seront alloués à trois à cinq actions de «culture inclusive». Les postulants ont jusqu’au1er octobre pour s’inscrire sur la plateforme cantonale Culturac. Un jury d’experts du handicap issus des milieux culturels,associatifs et de l’inclusion tranchera.

Les pratiques qui seront soute-nues concernent notamment les personnes avec handicap physique ou mental. Il peut s’agir d’audiodescription, de visites descriptives ou sensorielles. Mais aussi de traduction en langue des signes et de guides faciles à lire et à comprendre.Ces outils sont susceptibles de plaire à un large public: «Offrir des approches tactiles ou renoncer à utiliser un jargon profite à tout le monde», a relevé Nicole Grieve.

Pour obtenir ce coup de pouce du Canton, il s’agira de présenter un projet élaboré avec «des spécialistes de l’inclusion», a précisé Marie-Thérèse Bonadonna, cheffe adjointe du Service de la culture. Le soutien est d’abord pensé pour des institutions ou acteurs qui ne sont pas déjà largement soutenus par des fonds publics. Et il n’est pas question de financer des infrastructures facilitant l’accès aux personnes à mobilité réduite. «D’autres budget sont prévus pour cela.»

Démarche jugée exemplaire

L’enveloppe financière à disposition est-elle suffisante? «A Neuchâtel, nous sommes ambitieux, mais raisonnables», a répondu le conseiller d’État Alain Ribaux. «C’est un bon dé-but», a retenu Nicole Grieve et,peut-être, un premier pas vers l’obtention du label «Culture inclusive» attribué par Pro In-firmis. «Aux coups d’éclat,il est préférable de commencer par de petits projets et par se mettre en réseau.»

Les personnes en situation de handicap sont souvent exclues de l’offre culturelle. »
Nicole Grieve responsable de la culture chez Pro Infirmis/em>

La spécialiste de la culture inclusive salue la démarche «exemplaire» du canton de Neuchâtel. Nicole Grieve espère que cet appel à projets, qui n’a pas son pareil ailleurs, «servira d’exemple à d’autres collectivités publiques». Elle voit aussi d’un bon œil un autre projet législatif neuchâtelois, consacré spécifiquement au respect des droits des handicapés.

«La nouvelle loi sur l’inclusion sera mise en consultation cet été encore», a annoncé Alain Ribaux. Elle pourrait être soumise au Grand Conseil en même temps que la future loi sur l’encouragement des activités culturelles.

Le Laténium, l’exemple à suivre

L’appel à projets a été présenté au Laténium, seul porteur du label «Culture inclusive» de Pro Infirmis dans le canton.Ce label a été attribué à 78 institutions ou organisations en Suisse, dont 20 en Romandie. Le Parc et musée d’archéologie installé à Hauterive est d’ailleurs la première institution romande à s’être engagée dans cette voie.

Détenir un tel label est exigeant: «C’est très intense en ressources et en temps. Mais, enfin, l’objet archéologique peut dialoguer avec tous les publics», a souligné Daniel Dall’Agnolo, responsable de la médiation au Laténium. Au sein de ce dernier, les expositions se construisent désormais avec les personnes en situation de handicap.Nicole Grieve, de Pro Infirmis, a «bon espoir» que d’autres institutions neuchâteloises rejoignent le label. Elle est en contact avec les trois musées de la Ville de Neuchâtel et avec le Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds. Les premiers ont des actions ponctuelles avec des groupes en situation de handicap. Le second a réalisé un guide d’exposition et des visites guidées en français facile à lire et à comprendre