Parler à tous, une décision politique

(24heures.ch)

Le langage facile à lire et à comprendre va faire son entrée sur le site internet d’une petite commune vaudoise, Bourg-en-Lavaux. Si le Conseil communal l’a récemment accepté, d’aucuns se sont tout de même étonnés: «Moderniser le site, on veut bien, mais pourquoi en simplifier le texte, et pour quel coût?»

La ratification par la Suisse de la Convention pour les droits des personnes handicapées (CDPH) en 2014 répond à cette question. Tous les textes officiels devraient être accessibles à tous, afin de permettre un choix en connaissance de cause, une autodétermination. Davantage qu’une coquetterie de municipal socialiste, il s’agit d’un droit constitutionnel qu’il s’agirait d’appliquer. Nos bulletins de vote évitent de plus en plus la double négation, c’est bien, mais le jargon y a toujours une bonne place. Pour preuve les «allocations pour perte de gain» que tout un chacun devait traduire en «congé paternité» dans l’isoloir le 27 septembre.

Et la question de savoir si une collectivité publique devrait dépenser de l’argent pour une part infime de sa population – les personnes handicapées – a d’autant moins sa raison d’être que les textes en facile à lire et à comprendre sont les plus consultés lorsqu’ils sont disponibles. La dépense publique profitera donc à tous.

Attention, il ne s’agit pas de remiser Proust au galetas, ni de s’interdire la poésie ou l’ironie – incompatibles avec le FALC – dans les textes d’auteurs. La simplification à outrance quitte à omettre des éléments essentiels ou à travestir la communication initiale n’est pas souhaitable non plus. Mais «ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement», disait Nicolas Boileau («L’Art poétique», 1674).

Cette clarté est d’autant plus nécessaire pour une information utile à l’exercice de la démocratie. Pourfendeur des totalitarismes, George Orwell ne s’y trompe pas lorsqu’il dispense, au sortir de la Seconde Guerre et de ses propagandes, ses six règles pour bien écrire («La politique et la langue anglaise», 1946). Il y proscrit métaphores, mots longs ou inutiles, passif et jargon, sauf dans le cas où l’on ne peut pas faire autrement. Et milite pour que «le sens gouverne le choix des mots et non l’inverse». On trouve les mêmes règles de base pour le FALC, qui veut donner du sens à une communication officielle visant un public large et lutter ainsi contre l’exclusion et l’obscurantisme administratif.