Personnes en situation de handicap et droit de vote

(24heures Lausanne)


L’invité René Knüsel Politologue

 

Trois électeurs genevois sur quatre ont récemment décidé de supprimer une discrimination insidieuse à l’égard d’une frange très vulnérable de la population.Ils ont mis fin à la possibilité pour un tribunal de «suspendre les droits politiques des personnes durablement incapables de discernement». Cela concerne autant des personnes en situation de handicap que d’autres qui sont âgées par exemple,soumises à une curatelle de portée générale qui, en Suisse, s’accompagne d’une privation des droits politiques.

Étonnamment, le débat autour de cette question est peu développé dans les cantons et en Suisse. Même si elle ne concerne qu’une fraction restreinte de la population, la question de la privation du droit de vote touche à la dignité et à la reconnaissance de personnes qui peinent tout particulièrement à trouver leur place dans la société et pour lesquelles la reconnaissance sociale pleine et entière fait généralement défaut. Dans la situation qui pré-vaut, il s’agit ni plus ni moins d’une double peine: être malade et jugé incapable d’avoir une opinion.

Le canton de Vaud connaît lui aussi des velléités de changements. Une motion déposée au Grand Conseil devrait être discutée prochainement sur la base d’une détermination favorable, mais disputée,de la commission chargée de son étude.Le respect de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées devrait inciter le parlement vaudois à suivre l’exemple de Genève.

Gageons que les groupes de soutien aux personnes handicapées s’engageront avec détermination pour l’élimination des discriminations de toute nature qui visent encore cette population. Pro Infirmis s’est fendue d’un communiqué éloquent à cet égard.

Le canton de Vaud suivra-t-il Genève dans l’émancipation?

Parmi les arguments habituellement cités pour refuser un changement de pratique figure le risque de captation de suffrages. Autrement dit, l’entourage des personnes concernées serait susceptible de faire pression, voire de se substituer à ces électeurs. Retenir un tel argument est affligeant, voire infamant, pour les proches des personnes concernées. Pourquoi seraient-ils plus susceptibles de mal agir que le reste de la population?

«Le respect de la Convention de l’ONU devrait inciter le parlement vaudois à suivre l’exemple de Genève.»

Par ailleurs, seules les personnes motivées prendront part aux scrutins,comme le font les autres citoyens. Mais leur inclusion civique nécessitera un accompagnement didactique, dont la modalité pourrait être bénéfique à l’ensemble du corps électoral. Un tel investissement serait précieux pour lutter contre l’abstentionnisme en général, fléau de notre démocratie.

Il est temps de mettre fin à cette exception suisse dans le concert des pays d’Europe occidentale. Il faut rendre à cette frange marginalisée de nos concitoyens le droit de faire entendre leur voix. Aucun argument sérieux n’existe contre cet élargissement des droits démocratiques.