Surveillance des assurés: le débat n’est pas terminé

(nxp/ats)

Des détectives privés vont à nouveau pouvoir traquer les fraudeurs à l’assurance sociale. Mais le débat est loin d’être clos. Il faudra corriger le tir dans les dispositions d’application de la loi, voire aller jusqu’à Strasbourg. La droite se dit satisfaite.


La conseillère nationale Lisa Mazzone (Verts/GE) se dit inquiète du résultat.
(Photo: Keystone)

 

Pour la conseillère nationale Lisa Mazzone (Verts/GE), les 67% de oui en faveur de la nouvelle base légale sont un signal inquiétant. «Taper sur les supposés fraudeurs, ce discours éculé porte encore aujourd’hui», a-t-elle constaté avec regret sur les ondes de la RTS.

Pour elle et la gauche, le débat n’est toutefois pas terminé. «Nous devons désormais suivre attentivement les décisions des juges qui devront se prononcer sur des mesures de surveillance». Les syndicats en appellent également à la SUVA pour qu’elle endosse un rôle de leader sur ce dossier et agisse avec mesure.

Précisions nécessaires

Mais dans l’immédiat, la gauche entend bien lever les ambiguïtés de la loi dans le cadre des ordonnances d’application de la loi. Il s’agira de préciser trois points, explique la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/VD). D’une part les lieux où un assuré peut être observé, deuxièmement les exigences posées pour les détectives et enfin l’interdiction de recourir à des drones.

L’avocat Philipp Stolkin, membre actif du comité référendaire, ne croit quant à lui pas aux garanties données de ne pas filmer dans la chambre à coucher. Selon lui, il est plus que probable que les personnes concernées recourront une nouvelle fois jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour faire valoir leurs droits. Ce sera la course à qui arrivera en premier à Strasbourg, prédit-il.

Vidéo: Les assurés pourront être surveillés

Dimitry Rougy, l’un des directeurs de la campagne référendaire, souligne pour sa part la différence de moyens engagés. Le mouvement citoyen ne pouvait pas lutter à armes égales avec le lobby des assurances. Mais dans le camp des opposants, le PS et les syndicats n’ont selon lui pas non plus tout donné dans cette campagne.

Un Röstigraben?

Interrogée sur un éventuel Röstigraben, Lisa Mazzone constate que la proportion moindre des Romands à accepter le texte par rapport aux Alémaniques illustre leur scepticisme envers le lobby des assureurs. Genève avec nettement plus de 58% de non et Jura avec plus de 51% en sont de bons exemples, ajoute la Genevoise.

Pour la droite, au contraire, le vote de dimanche ne présente pas de différence notable entre les deux communautés linguistiques. Il illustre au contraire la confiance des Suisses dans le système des assurances sociales, estime le conseiller national Benjamin Roduit (PDC/VS). La lutte contre les fraudeurs est justifiée.

Pour le Valaisan, les garde-fous mis en place pour éviter d’empiéter sur la sphère privée sont suffisants et il compte sur une application de la loi telle qu’elle a été présentée et discutée.

Une solidarité sans tricheurs

Le débat sur le caractère exagéré ou non des mesures de surveillance était utile, ajoute Benoît Genecand (PLR/GE). En Suisse, les assurances sociales sont basées sur le principe que tout le monde cotise pour que les plus faibles puissent être protégés.

«Une majorité des Suisses est attachée à ce principe. Mais cette forme de solidarité est associée à une exigence très forte qu’il ne faut pas tricher avec le système», selon le Genevois. Les personnes qui se livrent à des abus nuisent aussi aux bénéficiaires qui n’ont rien à se reprocher.

Les milieux patronaux saluent la décision des Suisses. La surveillance est mesurée et elle améliore la justice dans le domaine des assurances sociales. Egalement satisfaite, l’UDC parle d’un «refus ferme que le peuple a opposé aux complices gauchistes des escrocs de l’aide sociale».

Alain Berset s’exprime sur la surveillance des assurés

Assurances: comment surveiller les surveillants

(le temps.ch)

Le peuple suisse approuve à 64,7% la base légale permettant d’épier ceux qui abusent des assurances sociales. La mise en œuvre de la loi sera contrôlée de près.
Dorénavant, tout le monde va s’observer. Les assureurs disposeront d’une base légale permettant d’engager des détectives pour surveiller les assurés soupçonnés de toucher des prestations sociales – notamment d’invalidité ou d’accident – de manière abusive. Les adversaires de ces dispositions vont contrôler leur mise en œuvre. Ceux qui les ont soutenues vont faire de même: ils veilleront au grain afin que les promesses faites durant la campagne soient tenues. Après l’arroseur arrosé, voici le surveillant surveillé.

Le verdict est clair: en disant oui à 64,7% à la base légale pour la surveillance des assurés, les Suisses acceptent d’autoriser les assurances à faire la chasse aux tricheurs. Le non ne l’emporte que dans deux cantons romands: Genève (58,6%) et le Jura (51,4%).

Ces mesures ne doivent être utilisées qu’avec retenue, en dernier recours, lorsqu’il est impossible de clarifier une situation autrement
Alain Berset, président de la Confédération

La nouvelle loi repose sur deux piliers. D’une part, elle donne une base légale à une pratique qui existait déjà, mais qui a été critiquée en 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) parce que ses fondements légaux étaient insuffisants. D’autre part, elle offre aux assurances de nouveaux instruments de détection des fraudes. Mais elle corsète le processus. Des détectives ne peuvent être engagés que si des indices concrets d’abus existent. Une observation ne peut se faire que si la personne surveillée se trouve dans un lieu public, un restaurant, un commerce ou sur un balcon. Les traceurs GPS peuvent être admis, mais pas les drones, les micros directionnels ou les caméras à infrarouge.

«Nous allons surveiller la mise en œuvre»

Les opposants promettent de rester vigilants. «Nous allons surveiller la mise en œuvre», promet Dimitri Rougy, codirecteur de la campagne du comité référendaire. Inclusion Handicap et Fragile Suisse craignent que cette loi n’ouvre la porte à l’arbitraire et attendent du Conseil fédéral une application stricte du dispositif de contrôle. «Les détectives devront bénéficier d’une autorisation et seront inscrits dans un registre public. Ces mesures ne doivent être utilisées qu’avec retenue, en dernier recours, lorsqu’il est impossible de clarifier une situation autrement», commente le président de la Confédération, Alain Berset.

Du côté des partisans, le directeur du Centre patronal, Christophe Reymond, rappelle sur les réseaux sociaux que les institutions sociales sont financées «par les indépendants, par les employeurs, par les employés, par tout le monde du travail» et que cela suffit à justifier la traque des abus.

Le référendum a été lancé par un comité citoyen qui a réalisé une prouesse. Il a réuni 75 000 signatures en 62 jours et a beaucoup utilisé les canaux sociaux pour propager son argumentation. Responsable de la campagne, Daniel Graf a publié les chiffres dimanche: 135 000 e-mails envoyés, 135 000 flyers, 375 000 contacts personnels, un budget de campagne de 500 000 francs, financé à 95% par des privés, les 55 000 francs restants venant de syndicats, d’ONG (Amnesty International, associations de défense des personnes handicapées), des Verts et du PS. Daniel Graf regrette que ce «vaste réseau politiquement indépendant» n’ait pas pu recueillir davantage de moyens financiers. Mais il n’en restera probablement pas là, à l’image de Dimitri Rougy, qui, à 21 ans, s’imagine rebondir ailleurs en politique.

Plainte contre la Fondation pour les paraplégiques

(nxp/ats)

La Fondation pour les paraplégiques a-t-elle versé des salaires trop importants à son directeur de l’époque? Parawatch le pense.


Parawatch avait déjà fait des reproches à la Fondation pour les paraplégiques.
(Photo: Keystone)

 

Une décennie après un scandale de gestion déloyale, la Fondation suisse pour les paraplégiques (FSP) est à nouveau soupçonnée de ne pas gérer les dons correctement. L’association Parawatch a déposé une plainte auprès de la Surveillance fédérale des fondations.

Parawatch, dont le but est de s’assurer que la fortune de la FSP est utilisée selon les volontés des donateurs, reproche à la direction de la FSP d’avoir versé des salaires trop élevés au directeur de l’Association suisse des paraplégiques (ASP) Thomas Troger avant son départ, indique-t-elle. L’information est parue vendredi dans plusieurs médias.

Par ailleurs, la direction de la FSP aurait su que l’ASP avait amassé une fortune de plusieurs millions au lieu de mettre l’argent à disposition des clubs de chaises roulantes. Parawatch demande que la Surveillance fédérale des fondations révoque le président de la FSP Daniel Joggi ainsi que Christian Betl, membre du conseil de fondation.

Malversations dans les années 2000

Contacté par Keystone-ATS, le Groupe suisse pour les paraplégiques, qui chapeaute aussi bien la FSP que l’ASP, a dit ne pas encore avoir connaissance de la plainte. Il salue toutefois que les reproches, que Parawatch n’exprime pas pour la première fois, fassent l’objet d’une enquête indépendante.

Les reproches font aussi l’objet d’un volet judiciaire. L’ASP a obtenu devant le Tribunal de district de Willisau (LU) que Parawatch ne puisse plus faire certaines déclarations. La FSP, qui met à disposition les moyens pour agrandir, entretenir et exploiter le centre pour paraplégiques de Nottwil (LU), soutient également des institutions comme l’ASP. Cette dernière est la faîtière nationale des paraplégiques.

Dans les années 2000, la FSP avait connu des heures tumultueuses. Son président et fondateur Guido Zäch avait été condamné pour malversations. Son successeur, d’alors conseiller aux Etat Bruno Frick (PDC/SZ) avait été contraint à la démission après une manifestation organisée par Parawatch, qui lui reprochait de se préoccuper davantage de son pouvoir que des patients.

Défaite d’Inclusion Handicap contre les trains à deux étages

(sda-ats)

Le Tribunal administratif fédéral n’est pas entré en matière sur dix demandes faites par Inclusion handicap, concernant les trains à deux étages.


L’association Inclusion Handicap reproche aux trains FV-Dosto de ne pas être suffisamment adapté aux personnes handicapées qui voyagent seules (archives).
KEYSTONE/ANTHONY ANEX

 

Les nouveaux trains à deux niveaux des CFF doivent être équipés d’au moins une rampe d’accès avec une inclinaison maximale de 15 %. Cette décision a été rendue par le Tribunal administratif fédéral (TAF) dans l’affaire du recours d’Inclusion Handicap.

Les CFF se sont dits satisfaits de cette décision jeudi dans un communiqué. Celle-ci confirme que les nouveaux trains sont conformes aux exigences de la loi. Les nouveaux trains (FV-Dosto) seront mis en service à partir du 9 décembre et les CFF se conformeront à la décision du TAF pour s’assurer de ne pas dépasser une inclinaison de 15% sur les rampes d’entrée et de sortie des trains.

Par sa décision, le Tribunal administratif fédéral a partiellement approuvé l’un des recours de l’association faîtière des organisations pour les personnes handicapées en Suisse. Elle a par contre rejeté dix autres de ses demandes. Dans un communiqué, Inclusion Handicap a qualifié cette décision de déception.

Convention extrajudiciaire

Le point partiellement approuvé concerne l’inclinaison de la rampe. Selon le TAF, il n’est pas certain que toutes les rampes des trains à deux étages soient conformes à l’inclinaison maximale autorisée de 15 %. La réglementation standard ne prescrit toutefois qu’une seule rampe par train avec une inclinaison maximale de 15 %.

Les parties ont pu parvenir à une convention extrajudiciaire sur quatre points litigieux parmi les quinze soulevés par l’association. Inclusion Handicap avait déposé une plainte contre l’autorisation provisoire d’exploitation des nouvelles rames CFF, délivrée fin 2017 par l’Office fédéral des transports (OFT).

Licence d’exploitation

Inclusion Handicap souhaite désormais examiner les motifs de la décision du TAF. L’association doit décider si elle veut faire recours au Tribunal fédéral.

Dans sa plainte, elle critiquait le fait que les passagers handicapés non accompagnés rencontrent trop d’obstacles à bord des nouveaux trains des CFF. Le tribunal a retiré l’effet suspensif de la plainte, afin que les nouveaux trains puissent être mis en service pour une période limitée jusqu’à fin novembre. Le 15 novembre, l’OFT a accordé une licence d’exploitation limitée pour deux ans et, par mesure de précaution, a retiré l’effet suspensif de toute nouvelle plainte. (Arrêt A-359/2018 du 20.11.2018)

Procap Valais romand licencie tous ses employés

(Le Nouvelliste)

Par Christine Savioz

Alors que l’État vient d’augmenter ses subventions, Procap Valais romand licencie son personnel.

S’inquiétant pour la qualité des prestations aux personnes handicapées, Procap Suisse demande l’exclusion du comité.


L’une des tâches de Procap Valais romand est de donner des conseils au sujet des infrastructures pour les personnes handicapées./Sacha Bittel/A

 

C’est la crise au sein de Procap Valais romand, l’organisme qui donne notamment des conseils en assurances sociales et en infrastructures adaptées aux personnes handicapées. La semaine dernière, Procap Suisse a demandé au comité de sa section valaisanne de démissionner, qui a refusé. La faîtière nationale va ainsi convoquer une assemblée extraordinaire pour demander aux membres de se prononcer sur l’exclusion du comité.

La raison du conflit: la décision du comité de Procap Valais romand de licencier tous ses employés au 31 décembre prochain. Quatre personnes, toutes des femmes, sont concernées. Certaines travaillent pour l’association depuis plusieurs années.

Une décision incompréhensible

Motif évoqué, une réorganisation structurelle, comme l’a expliqué le comité aux futures ex-employées. «La raison de ces licenciements est floue. Et des annonces d’emploi, insérées dans «Le Nouvelliste», montrent que Procap Valais romand cherche des employés qui devront accomplir les mêmes tâches que celles effectuées par les employées actuelles», souligne Michel De Palma, avocat de trois des quatre personnes licenciées. Ses clientes vont poursuivre leur employeur pour licenciement abusif. «La décision de leur licenciement leur est incompréhensible, d’autant plus que, selon Procap Suisse, elles effectuaient très bien leur travail», ajoute l’avocat.

Pour le comité de la section valaisanne, les quatre licenciements étaient nécessaires pour des raisons financières. «Nous étions dans les chiffres rouges et si nous avions continué comme cela, nous aurions risqué de nous retrouver en faillite au début 2019. Les salaires ne cessent d’augmenter alors que les subventions de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) stagnent depuis huit ans»,justifie Vincent Favre, président.

Pourtant, quatre autres personnes seront bel et bien embauchées. «Mais elles n’auront ni les mêmes salaires, ni les mêmes pourcentages de travail. Et nous allons engager deux secrétaires sur les quatre employés, car nous avons constaté qu’il nous fallait au moins deux personnes au secrétariat», précise Marcelle Monnet Terrettaz, membre du comité.

Esther Waeber-Kalbermatten inquiète

L’annonce de ces quatre licenciements est d’autant plus étonnante que Procap Valais romand venait de se voir attribuer davantage de moyens financiers de la part de l’Etat du Valais pour effectuer son travail. Une personne a été engagée il y a quelques mois à peine. «Nous avons un mandat de prestations avec cette association pour le contrôle des demandes d’autorisation de construire, d’habiter et d’exploiter en lien avec la norme «SIA 500 construction sans obstacle» qui a pour but de rendre les bâtiments accessibles à tous sans discrimination. Nous venons de donner davantage de moyens financiers pour étendre également le contrôle aux dossiers d’aménagement d’espaces publics», explique Esther Waeber-Kalbermatten, cheffe du département des affaires sociales.

La conseillère d’Etat avoue ainsi sa surprise devant ces licenciements. «Lorsque j’ai appris cela,je me suis directement inquiétée de savoir si les dossiers suivaient leur cours. On m’a confirmé que c’était le cas. Ces employées faisaient un bon travail et connaissaient bien le terrain. Pour l’instant, j’attends un éclaircissement de la situation, mais c’est clair que je m’inquiète.»

Procap Suisse s’inquiète également pour les membres de l’association qui doivent pouvoir bénéficier de prestations de qualité. «Jusqu’à aujourd’hui, tout se passait bien avec les employées de la section valaisanne. On ne comprend pas les raisons de ces licenciements. Nous devons être certains de pouvoir fournir des prestations à nos membres du Valais romand (260 personnes), qu’ils ne soient pas lésés. Or, avec ces licenciements, nous craignons que les personnes handicapées ne puissent plus bénéficier des prestations qui leur sont dues», explique Sabrina Salupo, directrice régionale de Procap pour la Suisse romande.

Subventions de l’OFAS en question

Procap Suisse est d’autant plus concernée qu’elle distribue les subventions de l’OFAS à ses sections locales. Vincent Favre n’hésite pas à la critiquer. «Nous demandons d’ailleurs à Procap Suisse depuis des mois une transparence au sujet de la redistribution de l’argent de l’OFAS. Cela nous a été refusé. Cette manière de faire nous conforte dans l’opacité de la faîtière», souligne-t-il.

Pour l’instant, aucun membre du comité de la section valaisanne n’envisage de démissionner. «Nous n’avons commis aucune malversation financière et voulions juste éviter des déficits chroniques», conclut Marcelle Monnet-Terrettaz.