Soutien interactif pour les proches aidants

(Santé Plus / édition française)

Vivre avec une personne atteinte dans sa santé ou handicapée ouvre la porte à de nombreux questionnements liés à un besoin de soutien.
Réponses. Kristin Aubort

 

Louise* souffre de déficience intellectuelle et d’épilepsie. Âgée de 16 ans, elle suit l’école en institution et rentre chaque soir à la maison. Or, depuis quelques mois, Mélanie et Xavier*, ses parents,sont confrontés à une décision difficile à prendre.Entre 16 et 18 ans, nous sommes invités à opter,sans aucune discussion possible, pour un maintien de notre fille à la maison, en semi-internat ou en internat. Cela ne nous convient pas. Logistique, aménagement intérieur et extérieur,travail administratif, soins… : en 16 ans, nous sommes devenus les spécialistes de notre enfant. Or, nous avons le sentiment qu’on nous jette au lieu de capitaliser sur cette expérience! A notre avis,il s’agit de savoir si ce que nous avons mis en place peut coûter moins cher à la société et de mesurer à quel point notre expertise est à même de profiter à notre enfant » s’exclament-ils. Et de préciser :« Pour nous, la clé, ce sont des institutions telles que Pro Infirmis avec les conseils avisés de notre assistante sociale. En effet, pour anticiper,décider, nous organiser, nous avons besoin de comprendre.Les entretiens avec cette dernière ainsi que la plateforme et les LiveConnect proposés par Pro Infirmis Vaud sont un réel plus pour les proches! Ils ont répondu à nos interrogations. »Pour les proches de personnes handicapées, souvent très sollicités,la recherche d’informations et de solutions peut notamment s’accompagner de découragement.

La plateforme ProcheConnect mise en ligne par Pro Infirmis Vaud a pour objectif d’aller au-devant de ces besoins.

Les éclairages d’Anne-Claire Vonnez, responsable de projet

Qu’est-ce qui a incité Pro Infirmis Vaud à créer cette plateforme?
Au départ, une étude menée par l’Uni Lausanne, mandatée parPro Infirmis Vaud, a mis le doigt sur un problème d’information.Des parents d’enfants handicapés peuvent consacrer jusqu’à 70 heures par semaine autour de leur enfant et n’ont pas la disponibilité de se dire: «De quoi j’aurais besoin ?». Nous avons donc voulu limiter l’effort de recherche d’information avec une plateforme véritablement complémentaire des services de conseil existants.

Cette plateforme propose régulièrement des LiveConnect à thèmes. De quoi s’agit-il?
A intervalles réguliers, durant deux heures à la pause de midi et sur un thème donné, une équipe d’experts – assistantes sociales Pro Infirmis,professionnels du domaine juridique par exemple – répond en direct aux questions du public. En automne dernier, le thème du chat «Et après moi, qui défendra tes droits et t’accompagnera?», a suscité de nombreuses questions.

Ces chats en ligne répondent-ils à d’autres besoins?
Outre les pistes que Pro Infirmis est à même de communiquer,les chats en ligne permettent de partager et de constater que l’on n’est pas seul, de se reconnaître dans les interrogations et solutions des autres. L’autre partie du travail appartient au service social qui va à la rencontre des familles.

Quels résultats observez-vous depuis la mise en place de cette plateforme?
Souvent, entre avoir de l’info et activer de l’aide,il y a encore un chemin… Nous constatons qu’elle agit comme un déclencheur: les personnes concernées effectuent des démarches qu’elles peinaient à entreprendre et nous disent aussi se sentir moins seules.

*Prénoms d’emprunt

procheconnect.ch
Relais auprès du proche, aides financières, problèmes du quotidien, projets de vie pour son enfant handicapé après le décès des parents, succession… La plateforme ProcheConnet.ch invite au partage et va à la rencontre des proches aidants et de leur entourage.

En cas d’AVC, «allez aux urgences sans hésiter»

(20min.ch)


Les hôpitaux universitaires genevois ne constatent pas de baisse de fréquentation des urgences. (Photo: Keystone)

 

par Lucie Fehlbaum

L’association Fragile pour les cérébro-lésés insiste: en cas de symptômes, les victimes doivent impérativement se rendre aux urgences, qui continuent de fonctionner malgré le virus.

«Depuis le 16 mars, soit le début des mesures sanitaires imposées par la Confédération, on enregistre 20% de suspicions d’AVC en moins aux urgences. Or, cette courbe est en constante augmentation.» L’association Fragile, au service des personnes cérébro-lésées, est inquiète. Selon sept centres de traitement des accidents vasculaires cérébraux, les personnes présentant des symptômes hésitent à se rendre aux urgences. Or, les séquelles d’un tel trouble non-soigné peuvent être graves. «Une partie des victimes risquent le décès, explique Sophie Roulin-Correvon, porte-parole de Fragile. Selon la zone du cerveau impactée, on risque aussi des pertes de parole ou de motricité, parmi les conséquences les plus connues. Il ne faut pas hésiter à consulter.»

Selon l’association, deux facteurs freinent ceux qui devraient pourtant se rendre aux urgences. D’une part, la crainte de surcharger le système de santé, en pleine crise du coronavirus. Mais également la peur de contracter le virus. «Dès 65 ans, le risque d’AVC double, précise Sophie-Roulin-Correvon. En contractant une autre pathologie, on aggrave encore les conséquences de l’accident. Les gens peuvent être confus. D’autant qu’on nous répète qu’il faut rester à la maison. Ces injonctions rendent certains patients timides.» Les personnes seules peuvent par ailleurs peiner à diagnostiquer leur AVC. «Un des symptômes est l’incapacité soudaine à comprendre le langage ou à s’exprimer de manière audible. Une personne seule peut passer à côté de ça.»

Les urgences sont ouvertes

A Genève, les hôpitaux universitaires (HUG) le répètent: les urgences sont ouvertes et accueillent toutes les personnes souffrantes, virus ou non. «Les HUG ont mis en place deux filières distinctes : l’une pour les patients positifs au coronavirus ou fortement suspects de l’être, et l’autre pour les patients négatifs. Ceci quel que soit le motif de recours aux urgences, assure le porte-parole de l’institution, Nicolas de Saussure. Cela permet de réduire fortement le risque de contagion.»

En outre, tous les patients arrivés en ambulance et présentant une urgence vitale, traumatologiques graves, neuro-vasculaires, cardiologiques et COVID-19 sont traitées directement aux HUG. La plupart des autres urgences sont dirigées vers la Tour, la Clinique des Grangettes ou la Clinique de la Colline. Autrement dit, des symptômes aigus d’AVC seront de toute manière pris en charge aux HUG. Pour l’heure, le réseau de soins du bout du lac ne constate pas de baisse des consultations urgentes.


Reconnaître les symptômes

Fragile appelle la population à se rendre aux urgences en cas de signes, même légers, d’AVC ou d’attaque ischémique transitoire, qui peut être le signe avant-coureur d’une attaque plus grave. Voici les principaux symptômes nécessitant un appel impératif du 144:

– Hémiplégie, faiblesse ou perte de sensation au niveau du visage, du bras ou de la jambe
– Difficulté à parler, à trouver des mots ou à comprendre le langage parlé
– Troubles visuels
– Vertiges, nausées, vomissements
– Troubles de la marche et de l’équilibre
– Maux de tête soudains et violents (en cas d’hémorragie cérébrale)


La diversité sur le marché du travail,une chance

(Actualités sociales)

Afin d’appliquer la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), nous avons besoin d’un monde du travail qui considère la diversité comme une valeur ajoutée.

Texte : Anja Reichenbach, Conseil & développement Sensability

 

Dans l’antiquité, le travail n’était encore qu’un mal nécessaire. Au fil du temps, il est devenu la forme d’activité la plus valorisée par la société.

Pour de nombreuses personnes, le travail est avant tout un moyen de subsistance. Il permet cependant aussi d’acquérir un statut. La profession devient vocation. On salue la disponibilité à fournir un rendement élevé 24 heures sur 24.

Mais le travail apporte aussi une structure et un réconfort. Dans l’environnement professionnel,on fait l’expérience de l’appartenance sociale et c’est un espace important pour les rencontres,les échanges et la reconnaissance.

La séparation entre premier et second marché du travail divise notre société. Lorsqu’une personne est en capacité de travailler, elle est généralement perçue comme apte et acceptée sur le premier marché du travail.

Dans le monde professionnel, la tendance à définir la valeur d’une personne en fonction de son rendement s’observe. À l’inverse, cela prive donc de valeur celle ou celui qui ne produit rien.

En raison de leurs limitations physiques, psychiques ou cognitives ainsi que des barrières dressées sur leur chemin, les personnes handicapées sont en mesure d’apporter une réponse différente à ces exigences. Selon les statistiques,le pourcentage de personnes qui n’ont pas accès au premier marché de l’emploi en Suisse est deux fois plus élevé chez les personnes porteuses d’un handicap que chez les autres (28,7%contre 14,9%). Concernant les personnes fortement limitées, plus d’une sur deux (53%) est exclue de ce marché et repoussée par le système dans le second marché du travail.

De nombreuses institutions, bien financées et établies, servent de lieu d’insertion sociale et d’ateliers d’occupation. Il s’agirait soi-disant d’un important apport de notre système social.

En Suisse, les structures parallèles sont entretenues. Les revendications pour une participation plus conséquente sont encore trop timides et la pression trop faible.

L’article 27 de la CDPH, «Travail et emploi »,indique clairement que le droit au travail pour les personnes handicapées comprend le droit à travailler dans un marché du travail ouvert, ac-cessible et favorisant l’inclusion. Selon le rapport alternatif d’Inclusion Handicap, le second marché du travail comporte le danger que les personnes handicapées restent surtout « entre elles » et qu’elles n’aient pas ou peu de contacts avec des personnes sans handicap. Il établit également que les ateliers protégés ne sont pas incités à préparer leurs employées pour le premier marché du travail.

Un monde inclusif

Une réorientation est nécessaire. Nous devons commencer à façonner notre monde de manière inclusive au lieu de former un patchwork de mesures d’intégration. Il nous faut davantage de flexibilité concernant les modèles de travail.Des interfaces doivent être créées entre les systèmes, p. ex. avec des partenariats et l’adoption de lois plus efficaces.

Les identités professionnelles dans le domaine du travail social doivent être réexaminées et adaptées. Même si le contexte était modifié,Nous devons commencer à façonner notre monde de manière inclusive au lieu de former un patchwork de mesures d’intégration.les compétences spécialisées et les professionnelles seraient toujours nécessaires.Les structures de pouvoir et les hiérarchies entre professionnelles et usagers et usagères doivent devenir conscientes et, le cas échéant, être redéfinies. Cela signifie toutefois aussi que les professionnel e.s reçoivent des possibilités de formation et de perfectionnement spécifiques.Ainsi, le champ de travail de l’« assistance » devrait être revalorisé, et les instituts de formation devraient, par exemple, admettre les étudiantes qui travailleront dans cette branche. Toute formation à orientation sociale devrait en outre traiter l’inclusion et la diversité en lien avec le handicap, de préférence avec des enseignantes qui vivent avec un handicap.

Afin de tendre vers ce changement social, il faut avoir conscience que le travail entretient un rapport étroit avec la formation. Nous avons donc besoin d’un système scolaire inclusif à tous les niveaux, disposant de l’infrastructure et des ressources nécessaires en termes de personnel.Des offres de formation inclusives, des critères d’admission plus perméables et une application généralisée de la compensation des inégalités sont nécessaires. Il faudrait aussi un espace de vie inclusif afin de garantir l’autonomie et la participation. Se cacher derrière les habitudes et les systèmes éprouvés n’est en aucun cas conforme à la CDPH de l’ONU. Les voix qui proclament qu’une société inclusive représente avant tout un travail herculéen du point de vue financier ne prennent pas en compte les sommes colossales qu’engloutissent les institutions spécialisées. Un fort investissement ou une redistribution ciblée sont donc impératifs afin de concrétiser l’égalité des personnes en situation de handicap. Le passage d’un financement des structures à un financement des personnes permettrait d’alter dans cette direction.

L’inclusion est un droit humain

Dans le contexte du travail social, on rencontre souvent le jeu de mots « inclusion = illusion ». Ainsi, lors de colloques, les professionnelles se penchent avec sérieux sur les limites de l’inclusion sans avoir lu en détail la CDPH de l’ONU. Dire d’un droit humain qu’il est illusoire est inquiétant. Surtout lorsque l’on sait que la plupart des professionnelles ne souffre d’aucun handicap. Lorsque les droits des personnes non handicapées sont violés, on monte aux barri-cades – car en Suisse, nous attachons beaucoup d’importance à la défense de la liberté personnelle et de l’autodétermination. Par contre, personne ne s’étonne que les décisions imposées soient monnaie courante pour les personnes handicapées.

Les personnes handicapées sont bien trop peu impliquées dans les processus, au mépris du principe « rien pour nous sans nous ». Une implication sérieuse semble trop complexe et chronophage.

Une attention particulière doit être accordée aux pratiques nocives. Ainsi, les organisations de personnes handicapées doivent par exemple cesser leurs activités si elles ne sont pas en mesure d’assurer le changement de paradigme et d’aller de l’avant par tous les moyens. Considérer le travail comme référence ultime a conduit notre société à créer des situations professionnelles parfois absurdes pour les personnes handicapées. Souvent, celles-ci vivent et travaillent au même endroit. Elles évoluent dans un espace social clos et développent parfois un comportement qui les isole. Vu qu’une pression à la production, même réduite, pèse sur les ateliers protégés, ceux-ci veillent à ne pas perdre les employées les plus douées au profit d’emplois externes. Dans le cadre institutionnel, la question se pose de savoir si ces ateliers sont encore nécessaires ou s’il ne vaudrait pas mieux redéfinir le concept d’emploi. Nous devons avoir conscience que le modèle actuel de l’emploi a été mis en place par des personnes sans handicap. Après avoir connu un développement historique, il est à présent appliqué de manière consciencieuse et fermement défendu. Toute personne qui souhaite se dérober à ce système doit disposer d’une grande motivation, d’un entourage favorable et généralement aussi d’argent, car le secteur public ne reconnaît pas encore ce besoin.

Un emploi en fonction des capacités

Un marché du travail général devrait être alimenté par plusieurs canaux. Il faut déployer des efforts pour susciter la sensibilité nécessaire auprès des employeurs et employeuses. Une offre de soutien complète, flexible et de longue durée pour toutes les personnes impliquées doit être mise en place afin de bâtir une collaboration soignée et d’apporter une aide rapide en cas de crise.

De plus,la diversité doit être reconnue comme une valeur ajoutée. Le marché du travail doit davantage employer les personnes en fonction de leurs capacités.

Un environnement de travail inclusif demande forcément de réfléchir aux structures et aux processus, afin de les simplifier. Il faut effectuer un changement de perspectives, considérer les situations de différents points de vue et les comprendre autrement. Cela promeut la capacité à trouver des solutions et développe l’inventivité.

Créer des accès aux personnes en situation de handicap a généralement un grand impact.Ainsi, par exemple, l’utilisation d’un langage plus simple ou facile conduit à nommer explicitement ce qui est suggéré de manière implicite.Un cadre clair et des volumes limités doivent être utilisés pour les réunions afin de garantir une situation égalitaire.

Les prestations d’assistance sont une autre composante essentielle pour créer un cadre inclusif. Un mandat comporte généralement certaines tâches qui incitent à ne pas le confier à une personne handicapée en raison des obstacles à surmonter. Cela peut être compensé par des prestations d’assistance individuelles: une personne qui ne sait pas effectuer un calcul mental est quand même en mesure d’effectuer une opération de paiement, à condition qu’une assistante s’occupe de la partie problématique.

Mais, avant tout, nous avons besoin d’entendre la voix des personnes handicapées, d’un échange animé et franc, d’exemples positifs et de prendre conscience que la responsabilité est entre nos mains. Chaque personne, chaque structure, le système, la politique et la population ont une influence et doivent apprendre à gérer la diversité et à utiliser les forces de leurs proches. Laissons donc derrière nous l’antiquité et le présent et lançons-nous dans une nouvelle époque.

 

Notes
1 Sensability s’engage pourchanger la manière de conce-voir les personnes en situationde handicap et pour supprimerles obstacles existants:www.sensability.ch.

Paolo Badano, révolutionnaire de la mobilité sur chaise roulante

(Le Temps)

Victime d’un accident qui l’a rendu paraplégique il y a vingt-cinq ans, l’entrepreneur italien a développé un appareil fonctionnant à l’aide de senseurs, signant le début d’une nouvelle ère


Paolo Badano: «Cette chaise roulante fait fonctionner le système neuronal comme lorsqu’on est debout.» — © Claudio Bader pour Le Temps

 

Suite à un tragique accident de moto en 1995, Paolo Badano perd l’usage de ses jambes. Du jour au lendemain, l’artisan du bâtiment se retrouve en fauteuil roulant. «Il y a un moment où la dépression l’emporte, on cherche à qui la faute; pourquoi moi et pas le voisin? Puis, j’ai accepté que je ne marcherais plus. J’ai cherché à utiliser au mieux les cartes dans mon jeu», confie le Savonais d’origine. Son inspiration, il l’a puisée dans la nécessité: «L’autonomie est fondamentale pour qui a vécu un tel traumatisme.»

(en italien + langue des signes et sous-titrage anglais )

Avec un ami, il fonde une entreprise de construction où il s’occupe de l’administration et des finances. Mais après une décennie à rouler sur une chaise classique, les douleurs apparaissent. «Il fallait que je trouve une solution, vite.» Un jour, par hasard, dans un centre commercial, Paolo Badano voit passer un Segway, ce véhicule électrique monoplace constitué d’une plateforme munie de deux roues parallèles sur laquelle l’utilisateur est debout. Ça fait tilt.

Changement de paradigme

Il crée Genny, une chaise roulante dont la technologie de base, une combinaison d’informatique, d’électronique et de mécanique, est celle du Segway. Celle-ci est produite ici à Sant’Antonino, au Tessin, dans les locaux de la Genny Factory. Sous une lumière flatteuse qui met en valeur un design high-tech sont exposés les 30 modèles produits à la fin de 2019, légèrement différents des 1500 développés jusqu’à présent. Qu’est-ce qui distingue Genny d’un fauteuil roulant traditionnel? «C’est comme si l’on compare la calèche et la voiture, soutient l’entrepreneur de 51 ans. Il s’agit d’un changement de paradigme.»

Car Genny se déplace intuitivement, suivant les mouvements du corps, grâce à la technologie d’auto-balancement fondée sur un réseau de senseurs. Possédant seulement deux roues, sans frein ni accélérateur, elle peut monter et descendre sur n’importe quelle surface, même un terrain accidenté. «J’ai ainsi redécouvert le plaisir d’aller à la plage ou de remonter chez moi sans l’aide de mon frère», confie le Suisse d’adoption, ajoutant que sa création laisse les bras et les mains libres. «Pour manger une glace, promener le chien, pousser une poussette, tenir un parapluie, embrasser l’être aimé…»

Pour les parents d’enfants handicapés, c’est l’enfer

(Le Matin.ch)

Pour ces familles souvent monoparentales, leur situation qui était déjà compliquée est devenue cauchemardesque avec le confinement.


Pour les enfants en situation de handicap, ce bouleversement de leurs routines est encore plus dramatique que pour nous. Image: iStock

 

Durant cette crise due à l’épidémie du coronavirus, on a beaucoup parlé de certaines populations extrêmement fragilisées, comme les seniors, les malades et les personnes défavorisées socialement. Mais cette épreuve est également un calvaire pour les parents d’enfants en situation de handicap et les handicapés eux-mêmes.

«J’ai une fille de 8 ans autiste et un garçon de 13 ans avec de grosses difficultés scolaires», nous raconte cette Lausannoise, qui vit seule avec ses deux enfants. «Ma fille souffre notamment de l’interruption forcée de ses thérapies. Scolairement, c’est compliqué également. Mes enfants vont à l’école ordinaire mais avec des aides, de l’enseignement spécialisé, des aménagements… Tout tombe à l’eau et on se retrouve avec le même programme que les autres, mais sans soutien.»

Qui pour les garder?

Les services de garde ponctuelle pour soulager les parents ne fonctionnent plus non plus. Cette maman est donc condamnée à rester confinée avec ses enfants. «Je peux sortir en balade avec eux, mais faire les courses c’est impossible. Et le commerce en ligne est saturé. Il faudrait que ces plateformes de vente puissent donner la priorité aux situations urgentes ou alors obtenir le renfort nécessaire pour faire face à la demande.»

Et là également, difficile de trouver quelqu’un pour l’aider. «Je n’ai aucun contact avec mes voisins. La semaine passée, c’est une connaissance qui nous a posé des courses derrière la porte.» Une situation qui devient de plus en plus pénible jour après jour. «Mes enfants jouent, essentiellement. Mais je peine à structurer les journées et ma fille est très agitée. Je suis très fatiguée et il y a beaucoup d’inquiétude.»

75% de familles monoparentales

Ce cas est loin d’être isolé, comme nous le confirme Isabelle Steffen, membre du comité d’Autisme Suisse romande. «Il faut savoir que 75% des couples dont un enfant est atteint d’une pathologie récurrente, donc qui ne se soigne pas, explosent. Et neuf fois sur dix, c’est la maman qui se retrouve seule avec un ou deux enfants atteints d’un handicap.»

«L’Office fédéral de la statistique estime qu’au total 52 000 enfants de moins de 14 ans sont handicapés, dont 8000 avec des limitations fortes», nous précise Marc Moser, responsable de la communication d’Inclusion Handicap, l’association faîtière des organisations de personnes handicapées. «Toutefois, les handicaps, le type et l’étendue de l’aide varient considérablement, ce qui rend difficile de tirer des conclusions générales.» N’empêche, cela donne une idée de nombre de ces familles touchées de plein fouet par les conséquences de l’épidémie.

Perturbés par tout changement d’habitude

Les problèmes sont, on l’a vu, multiples. «Pour les thérapies, certains ont mis en place des solutions par visioconférence, mais l’enfant a tout de même souvent besoin d’un contact, explique Isabelle Steffen. Pour la garde, il faut que cela soit des gens qui aient reçu une formation de base. Et pour les enfants autistes, toute nouveau visage est synonyme de stress. Tout changement dans leur routine, d’ailleurs, les perturbe fortement. Regardez comme le coronavirus a changé nos habitudes, imaginez ce que cela représente pour eux! Ils peuvent du coup partir en crise, s’auto-mutiler.»

Grands-parents hors-jeu

Bon nombre de ces familles avait l’habitude de se faire aider par… les grands-parents. «Oui beaucoup de grands-papas et de grands-mamans avaient reçu une formation pour s’occuper et garder leurs petits-enfants, soulageant ainsi les parents», dit Alex Fischer, responsable de la politique sociale chez ProCap, la plus grande association de et pour personnes avec handicap en Suisse. Évidemment, avec le coronavirus, comme les autres grands-parents, ils ne peuvent plus voir leurs petits-enfants.

Qu’arrivera-t-il si le ou les parents d’enfants handicapés se retrouvent dans l’incapacité de les garder? S’ils doivent être hospitalisés par exemple? «Pour certaines pathologies, il existe évidemment des institutions, qui peuvent accueillir les enfants, fait remarquer Alex Fischer. Mais pas pour d’autres, comme mon fils, qui souffre d’un syndrome rare; honnêtement, je ne sais pas ce qu’il adviendrait de lui si ma femme et moi ne pouvions plus nous en occuper.J’imagine qu’il serait, au pire des cas, mis à l’hôpital, même s’il n’est pas malade.»

Confinés dans les institutions

N’oublions pas non plus que les enfants plus âgés et les jeunes adultes qui sont en institution en semaine et rentrent le week-end sont bloqués là-bas depuis le début de la crise. «Mais nous avons reçu beaucoup de messages très émouvants de parents qui tirent un grand coup de chapeau à la plupart des institutions, souligne Isabelle Steffen. Rien ne remplacera la présence de leur enfant, mais de nombreux aménagements ont été mis en place, avec des contacts vidéos.»

Comment répondre à toutes ces situations dramatiques? Tous nos interlocuteurs en appellent à un mélange de solidarité citoyenne et d’aide des autorités. Encore faudrait-il trouver un seul endroit qui regroupe toutes les demandes, toutes les réponses et toutes les propositions d’aide. Il existe des hotlines, mais pour les personnes autistes par exemple, téléphoner est rédhibitoire. Mieux vaut communiquer par écrit.

Créer des groupes

Initiée par la maman qui nous a apporté son témoignage, une page Facebook a été ouverte pour mettre en relation parents et professionnels pour enfants à besoin spécifique. «Mais cela ne fonctionne pas très bien pour l’instant, soupire-t-elle, car les parents viennent témoigner de leur situation, comme sur une autre page Facebook, mais ne publient pas de demande d’aide. Nous avons pourtant beaucoup de professionnels à disposition et l’idée est de les mettre en lien et de continuer en conversation privée.»

«Cette épidémie, c’est tellement nouveau, les autorités n’ont pas pu penser à tout, reconnaît Alex Fischer. Par exemple, les parents d’enfants de plus de 12 ans ne peuvent pas ne pas aller travailler sous prétexte qu’ils doivent rester à la maison s’occuper d’eux. On le comprend puisqu’on estime qu’à cet âge, l’enfant peut rester seul. Mais pas s’il est en situation de handicap et aucune allocation perte de gains n’est prévue pour ces parents. C’est ce genre de chose qu’il faut corriger, j’espère que ce sera rapidement fait.»

Les bonnes nouvelles arrivent

Heureusement, les choses bougent! La situation que vivait la maman qui témoigne dans notre article, témoignage recueilli lundi 30 mars, a commencé à changé le lendemain. «Les différents intervenants (école, thérapeutes) m’ont proposé une visio-conférence lors de laquelle nous avons pu trouver quelques solutions ensemble et avons décidé de nous retrouver régulièrement pour faire le point grâce à cette méthode. C’est un soulagement que de retrouver le lien et de se sentir à nouveau épaulée.»

Le canton de Vaud nous a d’ailleurs confirmé que de nombreux aménagements sont en train d’être mis en place. La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) nous a ainsi indiqué que le service de relève Phare mineurs de Pro Infirmis, avec des collaborateurs formés et expérimentés se rendant à domicile pour prendre le relais des parents avait été maintenu depuis le début de la crise, mais en donnant la priorité aux situations critiques (parents actifs dans les soins, sans possibilité de télétravail, familles monoparentales, etc). «Avec l’arrivée de davantage de matériel de protection (masques, gel…), la prestation pourra reprendre pour une partie des clients connus ainsi que pour des urgences», nous dit la direction.

Création d’un dispositif cantonal d’aide

En outre, la DGCS va annoncer ce vendredi 3 avril la mise en place d’un dispositif cantonal d’aide aux personnes rencontrant des difficultés dans leur vie quotidienne (courses, transports, aide au proches, etc.) qui sera ouvert à la fin de cette semaine. Il entrera progressivement en force.

Nous n’avons contacté que le canton de Vaud dans le cadre de cet article, la maman qui nous apporté son témoignage y habitant. Impossible de dresser la liste de ce que les autres entreprennent, le fédéralisme multipliant les pratiques. Nous conseillons aux personnes concernées par ces problèmes de consulter les sites officiels de leur canton et et commune ainsi que des organismes d’aide appropriés, comme ceux mentionnés dans cet article.

Michel Pralong