Interdire à vie aux pédophiles de travailler avec des enfants ?

Le National opte pour une loi de mise en œuvre sévère

La mise en œuvre de l’initiative de la Marche blanche pour interdire aux pédophiles de travailler avec des enfants prévoira des exceptions pour les cas bénins. Mais une fois prononcée, une interdiction à vie ne pourra jamais être levée. Ainsi en a décidé le National.

« Nous devons traiter une décision sans appel du peuple et de tous les cantons », a rappelé Bernhard Guhl (PBD/AG). Selon lui, il faut une loi qui interdise à vie toute activité avec des enfants ou des adultes vulnérables afin d’éviter toute récidive. « Il faut voir cette loi comme une mesure préventive », a-t-il ajouté.

Le texte de la Marche blanche stipule que quiconque est condamné pour atteinte à l’intégrité sexuelle d’un enfant ou d’une personne dépendante est définitivement privé du droit d’exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec ces groupes.

La controverse lundi soir a surtout porté sur le caractère définitif d’une telle sanction. « Une interdiction à vie s’appliquera de toute façon aux pédophiles incurables », a souligné Simonetta Sommaruga. Pour les autres, une possibilité de réexamen doit être garantie après 10 ans.

Proportionnalité pas respectée

« Si une interdiction à vie est infinie dans tous les cas, le principe de proportionnalité n’est pas respecté », a rappelé Jean Christophe Schwaab (PS/VD). Il n’y aurait de toute façon pas de réexamen d’office, mais la personne concernée devrait déposer une demande. « Si un risque persiste, la requête doit être refusée », a-t-il plaidé. Mais rien n’y a fait. Le National a suivi l’intransigeance du le Conseil des Etats par 114 voix contre 68. Il exclut tout réexamen pour les interdictions automatiques.

La loi contiendra toutefois une exception. Le juge pourra exceptionnellement renoncer à prononcer une interdiction d’exercer à vie dans les cas de « très peu de gravité ». L’initiative se voulait elle beaucoup plus sévère, créant un automatisme entre une condamnation et l’interdiction à vie.

Laisser aux juges une marge d’appréciation

Il faut préserver une clause dérogatoire, a insisté Karl Vogler (PDC/OW). « La vie est trop variée pour fourrer dans le même sac toutes les situations: on pourra se retrouver avec des situations choquantes d’interdiction à vie d’exercer pour une simple buraliste qui a vendu une revue pornographique à un mineur », a-t-il illustré.

Il faut dans ces cas-là laisser aux juges une marge d’appréciation. Message entendu: le National a repoussé par 101 voix contre 73 une proposition UDC qui ne voulait pas d’exception même pour les cas de peu de gravité.

Une majorité du National à trois contre deux n’est par contre pas entrée en matière sur une limitation des infractions menant à une interdiction à vie. L’exhibitionnisme et les désagréments causés par la confrontation à un acte sexuel et même la pornographie pour sa consommation personnelle feront partie des délits pris en compte. Le Conseil des Etats aurait voulu les biffer du catalogue.

Exception pour les amours de jeunesse

Enfin, les amours adolescentes seront également considérées comme des cas d’exception. Il n’y aura pas d’interdiction automatique d’exercer pour les jeunes de moins de 22 ans qui entretiennent une relation amoureuse avec un mineur âgé d’au moins 14 ans. Le National a nettement rejeté (172 contre 12) une demande d’Yves Nidegger (UDC/GE) pour biffer cette possibilité.

Au vote sur l’ensemble, le National a adopté à l’unanimité le projet. La loi retourne au Conseil des Etats. Elle distingue deux types d’interdiction à vie d’exercer, l’une concerne les activités avec les mineurs et l’autre les adultes à protéger, y compris les activités impliquant des contacts directs avec les patients. Pour l’interdiction avec les enfants, il faudra que l’infraction ait été commise sur un mineur de moins de 18 ans.

Le projet est nettement plus strict que le tour de vis adopté par le Parlement avant la votation de l’initiative de la Marche blanche. Celle-ci a été acceptée en 2014 par 63,5% des Suisses. Sa mise en œuvre passe par une révision du code pénal et du code pénal militaire.

Source: ats/Parlement suisse

Diagnostics psychiatriques. Doit-on différencier les codes ?

La motion Herzog 17.3892 déposée au Conseil national le 29.09.2017, demande la mise en œuvre des mesures suivantes:« Diagnostics psychiatriques. Différencier les codes »

Dans sa réponse du 01.12.2017 le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

Extraits de l’avis:
Même si chaque dossier doit contenir toutes les données médicales pertinentes, la décision mentionne les infirmités, sous la forme de codes à trois chiffres, à des fins exclusivement statistiques.
La codification et l’énumération des addictions dans la décision n’apporteraient donc clairement aucune plus-value.

Dossier complet

Texte déposé

Dans les décisions d’octroi d’une rente AI fondées sur un diagnostic psychiatrique, les diagnostics secondaires, notamment l’alcoolisme (code 647) et d’autres addictions (code 648) seront également mentionnées.

Pour les addictions (code 648), chaque substance addictive fera l’objet d’un code distinct.

Développement

Dans le seul canton de Berne, environ 380 personnes ont perçu en 2015 une rente AI sur la base d’un diagnostic psychiatrique. La proportion de bénéficiaires de moins de 25 ans a atteint un niveau particulièrement inquiétant et elle ne cesse d’augmenter. Dans la décision, un code indique quelle infirmité détermine l’octroi de la prestation. Les codes 647 (alcoolisme) et 648 (autres addictions, toxicomanie) ne donnent droit à aucune rente, contrairement aux maladies provoquées par ces addictions (troubles psychiques notamment). Comme la décision ne mentionne que le code déterminant l’octroi de la rente, il est difficile de savoir combien de personnes se sont vu octroyer une rente en raison, précisément, d’une toxicomanie. On sait d’expérience que les mesures de réadaptation professionnelle mises en place dans le cadre de l’AI sont très souvent interrompues parce que le bénéficiaire enfreint l’obligation qui lui est faite de restreindre le dommage (consommation de drogues, abus de cannabis en particulier). Autrement dit, il arrive souvent que les toxicomanes pour lesquels le diagnostic principal est d’ordre psychiatrique ne respectent pas l’obligation de restreindre le dommage prévue par l’AI (obligation pour la personne de se réadapter elle-même). Le nombre de bénéficiaires d’une rente ne cesse d’augmenter chez les jeunes qui consomment du cannabis. Là aussi, les psychiatres mettent en avant une maladie psychiatrique et non la consommation de drogue. Si l’on veut changer les choses au niveau médical, il faut pourvoir les substances addictives d’un code distinct. Si les codes des diagnostics secondaires apparaissaient dans les décisions, on pourrait en tirer des conclusions qui s’imposent en termes de prévention et en vue d’une réadaptation efficace et ciblée. Ces informations très utiles seraient garantes de transparence et éviteraient que les bénéficiaires d’une rente AI, notamment les jeunes, ne restent en situation d’invalidité pendant plusieurs années. Elles permettraient aussi de réduire les coûts à long terme, en progression constante, induits par l’invalidité.

Avis du conseil fédéral du 01.12.2017

De nombreuses études suisses et internationales montrent qu’il existe un lien entre santé psychique dégradée et dépendance à des substances psychoactives, légales ou non, ainsi que dépendance non liée à une substance. Le Conseil fédéral n’a pas connaissance d’études qui établiraient une corrélation entre la consommation de cannabis chez les jeunes et une augmentation du nombre de bénéficiaires d’une rente.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’addiction (toxicomanie, alcoolisme) ne peut en aucun cas à elle seule constituer un caractère invalidant au sens de la loi. Le droit à des prestations de l’AI n’est accordé que sur preuve de l’existence d’un lien de causalité entre l’atteinte à la santé et ses répercussions sur la capacité de gain. L’instruction qui précède la décision a notamment pour objet de constater l’existence de ce lien de causalité. La consommation de drogues et l’alcoolisme à eux seuls ne permettent pas d’établir un tel lien, ils ne sont donc pas mentionnés dans la décision. A ceci s’ajoute l’obligation pour l’assuré de poursuivre un traitement contre sa dépendance, en vertu de son obligation de diminuer le dommage.

Même si chaque dossier doit contenir toutes les données médicales pertinentes, la décision mentionne les infirmités, sous la forme de codes à trois chiffres, à des fins exclusivement statistiques. Dans la décision d’octroi, seules les atteintes à la santé qui sont déterminantes pour l’octroi de la prestation sont codées, car le système actuel de codification ne permet de toute façon pas de rendre compte des affections multiples ni des problèmes de santé complexes. La codification et l’énumération des addictions dans la décision n’apporteraient donc clairement aucune plus-value : c’est l’état de fait donnant droit à des prestations qui est codé, par exemple une atteinte psychique ayant pour conséquence une limitation de la capacité de gain. Peu importent les causes d’une atteinte quelle qu’elle soit, car elles ne permettent pas de déterminer si l’assuré a droit à une prestation de l’AI.

Toutes les mesures raisonnablement exigibles, y compris l’obligation pour la personne de se réadapter elle-même, doivent avoir été prises avant d’envisager l’octroi d’une rente. Il incombe aux offices AI, dans le cadre de leurs prestations de conseil et de suivi, de garantir que l’assuré est renvoyé vers les bons services et est ainsi encadré de manière adéquate. Si l’assuré ne remplit pas son obligation de réduire le dommage, les prestations dont il bénéficie peuvent être réduites ou refusées, temporairement ou définitivement. Le Conseil fédéral ne dispose d’aucune information indiquant que les offices AI ne mettraient pas ces moyens en œuvre face à des personnes dépendantes pour lesquelles le diagnostic principal est d’ordre psychiatrique.

Proposition du conseil fédéral du 01.12.2017

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

État des délibérations

Non encore traité

Suivre l’évolution de la motion sur le lien suivant

Source: Parlement suisse

Travailleurs à temps partiel : vers un calcul plus équitable du taux d’invalidité

Le Conseil fédéral introduit un nouveau mode de calcul pour déterminer le taux d’invalidité des personnes exerçant une activité lucrative à temps partiel. Ce nouveau mode de calcul renforce les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle, et satisfait aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme. Lors de sa séance du 1er décembre 2017, le Conseil fédéral a décidé que la modification de l’ordonnance correspondante entrera en vigueur au 1er janvier 2018.

Le taux d’invalidité des personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel est calculé au moyen de la méthode mixte. Autrement dit, les conséquences d’une atteinte à la santé sur l’exercice d’une activité lucrative et sur l’accomplissement des travaux habituels (tâches ménagères, par ex.) sont évaluées séparément les unes des autres. Le mode de calcul actuel revient toutefois à tenir compte de manière disproportionnée du fait que l’activité lucrative est exercée à temps partiel, ce qui conduit généralement à reconnaître un taux d’invalidité moins élevé que ce n’est le cas avec le mode de calcul utilisé pour les personnes travaillant à plein temps. Les personnes concernées par cette situation sont principalement des femmes. Dans un arrêt rendu le 2 février 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a qualifié ce mode de calcul de discriminatoire, car il pénalise les femmes qui réduisent leur taux d’occupation après la naissance d’un enfant.

Le nouveau mode de calcul accordera un poids égal aux conséquences d’une atteinte à la santé sur l’exercice d’une activité lucrative et sur l’accomplissement des travaux habituels. Dans le domaine professionnel, la détermination du taux d’invalidité se basera sur l’hypothèse d’une activité lucrative exercée à plein temps. De même, en ce qui concerne les travaux habituels, le calcul sera aussi effectué comme si la personne s’y consacrait à plein temps. Les tâches ménagères et familiales seront ainsi mieux prises en compte, ce qui renforcera les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Le nouveau mode de calcul permettra à certaines personnes qui travaillent à temps partiel de percevoir des rentes plus élevées, car leur taux d’invalidité sera réévalué. En effet, les quarts de rentes, demi-rentes et trois-quarts de rentes en cours calculés au moyen de la méthode mixte seront tous systématiquement examinés par les offices AI. Le cas échéant, la rente sera augmentée à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente modification. L’application du nouveau mode de calcul entraînera un surcoût de l’ordre de 35 millions de francs par an pour l’AI.

Les personnes dont le taux d’invalidité n’atteignait pas 40 % avec le mode de calcul actuel de la méthode mixte pourront désormais avoir droit à une rente si leur taux d’invalidité atteint 40 % ou plus avec le nouveau mode de calcul. Comme aucune révision d’office n’est prévue pour ce cas de figure, les personnes concernées devront adresser une nouvelle demande de rente à l’AI, et il leur est recommandé de le faire le plus rapidement possible. Faute de données exploitables, il n’est toutefois pas possible d’estimer les coûts supplémentaires liés à ces situations.
La présente modification du règlement sur l’assurance-invalidité entrera en vigueur le 1er janvier 2018.

Lien vers le rapport provisoire de la modification prévue pour le 1er janvier 2018

Lien vers le résumé des résultats de la consultation (Rapport de consultation)

Source: (Conseil fédéral)

Les handicapés davantage exposés à la pauvreté

Les personnes handicapées ont un risque plus important d’être touchées par la pauvreté que celles sans handicap. Elles peinent à trouver un travail et sont souvent discriminées. Organisations et Confédération ont voulu attirer l’attention de la population sur ce problème lors de la journée internationale des personnes handicapées, qui a eu lieu dimanche.

Ces personnes «sont plus fréquemment sans travail et subissent souvent des discriminations du fait de leur handicap», écrit Inclusion Handicap. Une personne sans travail dépend de prestations d’assurances sociales, souvent insuffisantes pour participer à la vie sociale. Dépendre de ces aides renforce la stigmatisation des handicapés.

Non seulement ces prestations ne cessent de diminuer, mais leur accès se durcit, poursuit la faîtière. Un nombre croissant de personnes handicapées se voient ainsi contraintes de recevoir l’aide sociale. Pour elles, mener une vie autodéterminée et se faire une place au sein de la société est dès lors «une douce illusion».

Inclusion Handicap rappelle que la Suisse n’en fait pas assez contre la discrimination des handicapés, bien qu’elle ait signé la Convention de l’ONU en faveur des droits de ces personnes. Un rapport de plusieurs organisations du milieu émet ce constat.

«En Suisse, de nombreuses mesures ont déjà été mises en œuvre et des démarches ont été initiées», dit pour sa part la présidente de la Confédération Doris Leuthard, citée dans un communiqué du Département de l’environnement et des transports (DETEC).

Mais l’objectif de la Convention ne sera pas atteint «tant que les personnes handicapées n’auront pas les mêmes chances et qu’elles ne pourront pas vraiment accéder librement et sans entraves au marché du travail».

La conseillère fédérale est convaincue que ces personnes, grâce à leurs compétences professionnelles et leur expérience, «peuvent être un enrichissement formidable pour l’administration et pour les entreprises». Mais pour cela, chacun doit faire un effort, conclut la ministre en lançant un appel à la population en ce sens.

A l’occasion de la journée internationale en faveur des handicapés partout en Suisse des stands, des manifestations culturelles, des tables rondes et autres événements ont été organisés afin d’attirer l’attention sur la problématique.

Source: nxp/ats

Aux États-Unis, les handicapés sont rois

Le 3 décembre aura lieu la Journée mondiale du handicap. Nathalie* raconte comment l’école publique américaine accueille mieux son fils de 9 ans, atteint d’une maladie génétique, que l’école genevoise avant son déménagement

«A Genève, notre fils handicapé effrayait ou, du moins, dérangeait. On a toujours eu la sensation que rien n’était prévu pour lui au niveau institutionnel et qu’on dépendait du bon vouloir des personnes.Depuis cinq mois qu’on est aux États-Unis, on respire. Non seulement, l’école publique est accueillante et non jugeante, mais, en plus, elle imagine des solutions pour Nicolas*, elle vient vers nous avec des propositions. C’est le jour et la nuit!»

Nathalie* est sidérée. Après avoir souffert d’un manque de soutien dans sa ville d’origine, pourtant soucieuse du bien-être social, c’est aux États-Unis, pays de la libre entreprise, qu’elle a trouvé un accompagnement aidant pour son enfant différent, aujourd’hui âgé de 9 ans. Elle raconte ce paradoxe qui ne cesse de l’étonner. «Je ne veux pas lui jeter la pierre. Mais, lorsque j’ai voulu inscrire Nicolas à l’école, quelqu’un de haut placé au Département de l’instruction publique m’a gentiment conseillé de penser à un établissement privé…»

C’est ainsi, poursuit cette mère de famille. Lorsqu’on a un enfant qui souffre d’une maladie génétique rare, un syndrome qui attaque les tissus mous de l’organisme et rend sa mobilité très compliquée, on se retrouve souvent face à des professionnels bien intentionnés, mais extrêmement démunis.

En matière de soins, de loisirs ou de scolarité, Nathalie ne compte pas les fois où, à Genève, elle a été éconduite et priée de se débrouiller. «C’était la norme. Qu’on avait d’ailleurs intégrée. Si bien que, lorsqu’on est arrivés dans la Silicon Valley, il y a cinq mois, on imaginait recommencer ce parcours du combattant. Ce fut tout le contraire!

Depuis son premier jour à l’école publique, une brigade de spécialistes encadre Nicolas pour que son handicap pèse le moins possible sur son apprentissage.» Et Nathalie de détailler un«équipe de choc», constituée d’une technicienne en informatique, d’une psychothérapeute, d’un coordinateur et d’une chargée de l’intégration sociale dont la seule fonction, au sein de l’établissement, consiste à œuvrer au bien-être des enfants fragilisés. «Dans sa classe, ma fille de 7 ans a une camarade lilliputienne. Tout le mobilier et tous les objets – crayons, cahiers, gobelets, etc. – ont été adaptés à sa taille.

Concernant Nicolas, qui écrit très lentement vu son handicap, la technicienne en informatique a imaginé un stylo relié à son ordinateur, qui réagit aussi à sa voix. Lorsqu’il est fatigué, il peut ainsi dicter ses notes sans s’épuiser.» Ce qui épate Nathalie, ce n’est pas qu’un tel équipement existe, mais que l’école le lui propose spontanément. «Dans ma vie d’avant, j’aurais dû déployer des efforts colossaux pour que mon fils bénéficie d’un tel outil!»

Selon la Genevoise, cette diligence institutionnelle est liée aux droits civils des étudiants en situation de handicap (The Civil Rightsof Students With Disabilities) qui, depuis 1973, prévoient une totale équité de traitement pour les élèves différents. «C’est une obsession ici, observe la quadragénaire. Et ça ne concerne pas que les jeunes. Ma pharmacienne a deux moignons à la place des mains. Elle met plus de temps pour servir les clients, forcément, mais tout le monde trouve tout à fait normal qu’elle puisse travailler et personne ne se plaint. Je trouve cette tolérance très étonnante au pays de la libre concurrence.»

En effet, ça surprend. D’ailleurs, est-ce qu’une école publique du quartier de Harlem aurait la même équipe de choc pour encadrer Nicolas? «Honnêtement, je ne pense pas. Vu que les écoles dépendent beaucoup des dons et du fund-raising des parents, celles de Palo Alto où nous résidons sont des Rolls Royce comparées aux écoles de régions moins dotées.» Autrement dit, la qualité de la prise en charge dépend aussi du niveau de vie. «Oui, mais il n’y a pas que l’argent, précise la quadragénaire. Le regard sur le handicap diffère aussi. Ici, il n’y a pas de fausse pudeur ou de gêne par rapport à la maladie. Quand Nicolas est arrivé dans sa classe, l’enseignant a fait venir un scientifique qui a donné un cours sur la génétique pour expliquer le syndrome dont souffre notre fils. Son cas a été illustré de manière claire, au même titre que la couleur de la peau ou la nature des cheveux d’autres camarades. Les élèves ont pu poser des questions, assouvir leur curiosité, comprendre que si Nicolas a de gros problèmes moteurs, il n’a aucun problème cognitif, etc. Depuis cette mise à plat, son handicap n’a plus jamais été un sujet. A Genève, je devais sans cesse rassurer les parents ou les enfants qui entouraient mon fils sur le fait que sa maladie n’était pas contagieuse… Appréciez le fossé!»

Mais encore. Ce qui frappe cette mère de famille, c’est l’abolition de frontières en termes d’activités. «Étant donné ce problème de tissus mous, notre fils tient difficilement debout. En outre, il ne doit pas prendre de coups, car ses organes internes sont très délicats.»

Dès lors, à Genève, Nicolas restait seul à lire à 7 ans dans la classe pendant que les autres se rendaient à la gym. A Palo Alto, les enseignants lui ont demandé quel sport il aimait et l’ont formé comme assistant du coach sur les matches de football américain. «C’est lui qui tient les statistiques, qui compte les points, qui apporte les ballons, etc. Il est fou de joie!» Idem pour les loisirs et les sorties. Le jeune garçon joue aux échecs après les cours et partira camper au printemps prochain. «Ils m’ont déjà prévenue et ça m’inquiète même un peu, sourit Nathalie, car Nicolas n’est pas autonome en matière de soins. Je peux accompagner la classe si je le souhaite, mais c’est exclu que mon fils ne se joigne pas au groupe! Ici, il existe vraiment un volontarisme positif qui pousse l’enfant différent à s’intégrer.

Y a-t-il cependant un aspect où Nicolas et sa famille ont perdu en qualité de vie? «Peut-être la profondeur des liens. Tout le monde est hyper-gentil, mais comme les gens bougent souvent à l’intérieur du pays, ils ne tissent pas de relations très sérieuses.» Cela dit, Nicolas a déjà été invité à plusieurs anniversaires sur le sol américain, ce qui ne lui était quasiment jamais arrivé en Suisse, car les parents des autres enfants craignaient sa fragilité. A Palo Alto, une fois briefés par Nathalie sur ce qui est possible ou non pour lui – Nicolas est par exemple interdit de trampoline -, les parents l’accueillent volontiers. «En fait, c’est très simple, résume Nathalie. Comme toutes les institutions prônent l’intégration, la société civile suit le mouvement.» Pareil pour la moquerie: le règlement scolaire est impitoyable en la matière. Les enseignants américains appliquent la tolérance zéro face à tout propos ou attitude discriminants. «Nicolas voit la différence, lui qui était toujours montré du doigt dans son établissement genevois. Une fois, sa petite sœur a même dû se battre avec un plus grand pour le défendre… Ici, aucune moquerie, aucun regard de travers. Le citoyen américain est tellement éduqué en matière de respect des handicapés que Nicolas ne craint plus rien.»

Mais, encore une fois, comment expliquer que les États-Unis, qui ne passent pas pour des agneaux dans le domaine social, soient si tolérants et aidants dans ce registre particulier? «Cette attention pourrait être liée au nombre de vétérans rentrés mutilés des diverses guerres que cette nation a menées, envisage Nathalie. Ils représentent un tel lobby que leurs intérêts font partie des priorités.» Le goût du risque et l’idée qu’on peut toujours s’améliorer ne contribuent-ils pas également à ce que les Américains voient grand pour les gens différents? «C’est vrai que Nicolas est stimulé positivement, mais sans jamais être forcé. Je me souviens qu’à Genève, une de ses enseignantes n’admettait pas que son écriture maladroite soit liée à son handicap. Du coup, lui qui ne pouvait pas écrire une phrase correctement recevait l’ordre d’en écrire dix comme punition! Dans l’école qu’il fréquente actuellement, on ne pourrait jamais imaginer un traitement aussi aberrant. Non, je pense vraiment que, dans le domaine du handicap et sans doute dans d’autres domaines, les États-Unis sont en avance en ce qui concerne la tolérance de la différence.»

* Prénoms d’emprunt

Source: Le Temps 01.12.2017