Union sacrée au parlement pour les droits des personnes handicapées

(24heures.ch)

par Vincent Maendly

Tous les députés réclament une loi-cadre visant une réelle inclusion des personnes handicapées dans la société.

Les députés ont été unanimes mardi en plénum: il est grand temps que le Canton de Vaud se dote d’une loi-cadre sur le handicap, orientée sur le citoyen. Deux motions, l’une de l’UDC Julien Cuérel et l’autre du socialiste Arnaud Bouverat, posaient cette même requête. En commission le 18 janvier, ces textes avaient reçu le même accueil: «Le consensus est tel que seul un silence approbateur alimente la discussion générale»,lit-on dans le procès-verbal. Rare.

La Suisse a ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées(CDPH) en 2014, dix ans après l’adoption d’une loi fédérale sur «l’élimination des inégalités» qui les frappent. C’est maintenant aux Cantons de concrétiser ces intentions. «En créant une base légale pour la participation autonome de la personne handicapée à la vie en société, qui le protège contre les discriminations, résume Julien Cuérel. Cela touche de nombreux aspects: scolarité,mobilité, formation, logement,santé, soutien aux proches aidants, etc.»

C’est un changement de paradigme qui est attendu, et même réclamé par les associations. Pour l’heure, la seule loi vaudoise consacrée au handicap, la LAIH, est insuffisante, pointe Arnaud Bouverat. «Elle ne porte le terme d’intégration que dans son titre, mais ne contient pas de politique globale d’inclusion. Sur 61 articles, cinquante concernent la gestion des établissements socio-éducatifs.»

Historiquement, la loi vaudoise traduit en effet le poids politique de grosses fondations,telles qu’Eben-Hezer ou Vernand. Mais ça fait un bail que la problématique sociétale ne se résume plus aux seuls établissements socio-éducatifs et vise l’inclusion au sens plus large. Selon la convention onusienne, les personnes handicapées doivent pouvoir«vivre de façon indépendante et participer pleinement à tous les aspects de la vie».

«Dans le canton de Vaud, il y a des moyens financiers et une volonté réelle d’améliorer les choses», relève Jacques Domeniconi, responsable du bureau de politique sociale à Pro Infirmis Vaud. «Mais il manque une loi qui aille au-delà du financement des institutions pour aborder celui du choix de vie. Ainsi, si la personne veut vivre en milieu ordinaire, elle va se heurter à des difficultés administratives pour financer son besoin d’aide», illustre-t-il. Un effort doit aussi être fait dans l’universal design, via un environnement qui gomme le handicap.«Quand on adapte une rame de trains pour les personnes handicapées, ça arrange tout le monde:familles, personnes âgées… Plus on pense les aménagements en amont, plus on en réduit les coûts. C’est adapter ce qui existe qui coûte cher.»

Un délégué au handicap

La conseillère d’État Rebecca Ruiz a exprimé mardi au nom du gouvernement «la conviction partagée de devoir avancer dans ce domaine», en citant une mesure phare que pourrait contenir la future loi-cadre: la création d’une sorte de bureau pour les droits des personnes en situation de handicap, à l’image de celui qui existe pour l’intégration des étrangers.

Ce domaine-là peut servir d’inspiration, abonde Arnaud Bouverat. «Nous avons un délégué cantonal, des référents communaux,des commissions Suisses-Étranger,toute une dynamique qui fédère associations et Communes dans un même but. L’inclusion ne se décrète pas depuis Lausanne, mais devra irradier dans le canton.» « A la fin, il ne faut pas que ce soit une loi qui impose des éléments, mais qui pousse à la réflexion et informe les Communes sur les bonnes pratiques», estime Julien Cuérel.


Arnaud Bouverat,député PS «L’inclusion est un énorme défi. Elle ne se décrète pas depuis Lausanne,mais devra irradier dans le canton.»

 


Julien Cuérel,député UDC «Il ne faut pas une loi qui impose des éléments, mais qui pousse à la réflexion et informe les Communes sur les bonnes pratiques.»

 

Déjà à Fribourg et en Valais

Le mouvement est général et Vaud paraît même à la traîne.Bâle-Ville et Zurich ont déjà adopté des législations perçues comme pionnières en matière d’inclusion de personnes handicapées. En Suisse romande, Fribourg a fait le pas,mais sans créer de poste dédié à cette cause. Le Grand Conseil valaisan a adopté à l’unanimité au début du mois sa «loi sur les droits et l’inclusion des personnes en situation de handicap», créant un bureau cantonal promouvant leurs droits. Le Conseil d’État neuchâtelois a,pour sa part, présenté un projet similaire en février dernier.Le Grand Conseil vaudois a,quant à lui, voté en début d’année une initiative qu’avait déposée la Verte Léonore Porchet (entre-temps élue au National), visant à inscrire dans la Constitution vaudoise la reconnaissance de la langue des signes. L’adoption d’une loi-cadre vise à embrasser de manière décloisonnée les revendications, souvent sectorielles, des multiples associations défendant les intérêts des personnes confrontées à tel ou tel handicap.
V.MA.