Vaud se dirige vers une école inclusive

(Le Temps.ch)

Le Département vaudois de la formation a conçu le «Concept 360°» visant à mieux intégrer dans les classes les élèves souffrant d’une déficience intellectuelle. Le projet devrait être mis en œuvre dès 2022.

Rentrée
L’école de demain (4/5)Omniprésence du numérique,augmentation de la sédentarité,volonté de mieux intégrer les élèves à besoins spécifiques: ces évolutions métamorphosent l’enseignement. A l’heure de la rentrée, «Le Temps» se penche cette semaine sur plusieurs innovations pédagogiques. Ayant fait leurs preuves dans certains établissements, elles pourraient être étendues à d’autres et dessiner les contours de l’école de demain.

MARION MARCHETTI
Comment intégrer les élèves avec une déficience intellectuelle dans les classes romandes,tout en respectant le rythme de chacun? Au tour du canton de Vaud d’étudier la question: s’il se montre inclusif envers les élèves avec une déficience intellectuelle,c’est souvent uniquement dans les premières années du primaire. Il cherche désormais à s’orienter vers plus d’intégration à travers le «Concept 360°», dont la mise en pratique est prévue d’ici à 2022.

Ce projet vise le développement d’une pédagogie universelle, avec une plus grande collaboration entre les différents corps professionnels impliqués dans l’enseignement. Faciliter l’organisation des dispositifs nécessaires pour les élèves à besoins spécifiques doit leur permettre de suivre leur scolarisation au sein même de l’établissement. Le corps enseignant bénéficiera de soutiens pour optimiser cette intégration.

Des défis motivants

Tous les cantons romands sont confrontés à ces défis d’inclusion.«L’intégration de ces élèves dans les classes ordinaires est déjà ancrée dans les mœurs du corps enseignant valaisan et fribourgeois, deux cantons pionniers en la matière, aux niveaux primaire et secondaire», explique Rachel Sermier-Dessemontet, professeure en pédagogie spécialisée de la Haute Ecole pédagogique(HEP) vaudoise. En 2015, un plan d’action a concrétisé la volonté du canton de Genève d’intégrer les élèves à besoins particuliers. Ce projet ambitieux n’empêche pas la spécialiste de rappeler que, dans ce canton, la grande majorité des enfants avec une déficience intellectuelle continue d’étudier dans des classes ou écoles spécialisées- une situation similaire à celle de Neuchâtel et du Jura.

Au niveau national, le nombre d’enfants scolarisés à part a augmenté jusqu’en 2004, rappelle l’Office fédéral de la statistique(OFS). C’est alors qu’est entrée en vigueur la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées. Celle-ci a exigé des cantons «qu’ils encouragent l’intégration des élèves en situation de handicap dans l’école ordinaire par des formes de scolarisation adéquates, pour autant que cela soit possible et serve le bien de l’enfant», indique Romain Lanners, directeur du Centre suisse de pédagogie spécialisée.Depuis, le nombre d’élèves étudiant dans le spécialisé a diminué de 38%, soit de 50400, en 2004, à31400, en 2016.

En quoi l’intégration des élèves avec une déficience intellectuelle dans des classes ordinaires leur est-elle bénéfique? «On parle ici de déficience légère à moyenne et de personnes ayant de bonnes compétences d’apprentissage,précise Emmanuelle Seingre,vice-présidente d’Insieme, la fédération suisse des associations de parents de personnes mentalement handicapées. En principe,les parents d’un enfant souffrant de polyhandicap ne souhaitent pas l’inclure dans une école non spécialisée.»

L’inclusion dans une classe ordinaire tire ces enfants vers le haut en augmentant les exigences, l’enseignant visant des objectifs plus élevés. Les résultats des élèves ordinaires servent de motivation à l’enfant avec une déficience intellectuelle. Le projet de recherche de Rachel Sermier-Dessemontet indique des progrès significatifs en lecture et en expression écrite.

Cette même étude assure que la présence d’élèves souffrant de déficience intellectuelle n’entrave pas l’apprentissage du reste de la classe, dont les progrès s’avèrent similaires en cas d’inclusion et de non-inclusion. Quant aux coûts de l’enseignement, une analyse de Romain Lanners souligne qu’ils ne sont pas influencés par l’intégration de ces élèves.

Positif pour toute la famille

On peut redouter les moqueries des enfants ordinaires. Une crainte que Philippe Nendaz, responsable de l’enseignement spécialisé de l’État de Vaud, nuance:«Il apparaît tout à fait naturel pour un enfant de 4 à 7 ans d’en côtoyer d’autres dont la singularité nous semblerait à nous adultes comme prégnante. Lors de l’adolescence, les questions des différences, inhérentes à la construction d’une identité propre, constituent également le défi du vivre ensemble qu’il est nécessaire d’aborder avec les enfants.»L’école inclusive facilite l’intégration sociale des élèves avec une déficience intellectuelle:«L’enfant est alors connu dans son quartier. Quand ses frères et sœurs invitent des amis, leurs copains le connaissent et ne sont pas intimidés, c’est un retour positif pour toute la famille», souligne Emmanuelle Seingre.

Ces bénéfices s’obtiennent au prix de nombreux efforts. «L’intégration d’une personne est toujours le résultat d’une longue négociation, explique la vice-présidente d’Insieme. Elle nécessite que les autorités de l’établissement scolaire soient ouvertes et que le corps enseignant soit partant, cela ne va pas de soi.»

Des adaptations sont requises dans l’encadrement scolaire de l’enfant, souvent renforcé par des auxiliaires. L’étude de Rachel Sermier-Dessemontet, qui souligne les bénéfices de l’inclusion scolaire, concerne des enfants encadrés recevant six à neuf périodes de soutien spécialisé supplémentaires par semaine.Elle mentionne que les attitudes du personnel enseignant ordinaire s’avèrent plus positives après avoir expérimenté l’intégration scolaire. «Dans l’idéal,il faudrait moins d’élèves par classe», ajoute Emmanuelle Seingre. Cela faciliterait beaucoup l’inclusion des enfants à besoins particuliers.