Quatre ans pour changer 700 arrêts

(ArcInfo)

A quatre ans de l’échéance d’application de la loi sur l’égalité pour les handicapés, seuls 41 arrêts de bus neuchâtelois sont déjà aux normes.
PAR MATTHIEU.HENGUELY@ARCINFO.CH


D’ici le 31 décembre 2023, les personnes à mobilité réduite devront pouvoir entrer simplement dans les bus des transports publics (ici, une démonstration en 2014 devant le CPLN, à Neuchâtel). ARCHIVES DAVID MARCHON

 

I1 y a du travail. Adoptée en 2004, la loi fédérale sur l’égalité pour les handicapés (LHand) donnait un dé-lai de 20 ans pour rendre accessibles les bâtiments et les transports publics. A quatre ans de l’échéance – le 31 décembre 2023 -, des questions se posent quant à la mise aux normes des arrêts de bus. Sur les 992 que comptent le canton de Neuchâtel,aujourd’hui seuls 41 permettent aux personnes en chaise roulante d’entrer à plat dans les véhicules. Près de 700 devraient être mis aux normes. Certaines communes annoncent déjà qu’elles n’arriveront pas à mener tous les chantiers demandés à temps.

Projetant de créer six nouveaux arrêts de bus, la commune de Val-de-Travers a expliqué la situation à ses élus le 25novembre dernier. Le canton vient de recenser les arrêts sur sol neuchâtelois et, surtout, de les classer dans quatre catégories: les déjà conformes, ceux à assainir absolument d’ici fin 2023 (priorité 1, près de 500 à travers le canton), ceux à assainir ensuite (priorité 2, environ 200) et ceux dont le coût d’assainissement est trop important par rapport à leur utilité (priorité 3, environ 250).

Les communes attendent le canton

La commune vallonnière est assez représentative de la situation. Sur 74 arrêts, trois sont déjà aux normes, 18 ont été catégorisés en priorité 1, 10 en priorité 2 et 43 peuvent re-ter en l’état (il s’agit avant tout d’arrêts ultra-locaux, desservant quelques fermes). Les démarches de mise aux normes n’ont pas démarré, bien qu’elles incombent à la commune pour les arrêts sur le domaine public.Jusqu’à présent,et comme dans la plupart des autres communes, Val-de-Travers n’a refait que des arrêts concernés par d’autres travaux, comme une réfection de route, attendant les instructions du canton.

«Le règlement d’application cantonal n’a pas encore été formellement adopté. Jusqu’à maintenant, les communes attendaient d’avoir les règles du jeu pour financer ces travaux.Maintenant,nous sommes pressés parce qu’il ne s’est rien passé pendant 15 ans», déplore Christian Mermet, conseiller communal chargé du développement territorial.

«Si la LHand a été adoptée en 2004, ce n’est qu’en novembre 2017 que les standards cantonaux d’aménagement ont été fixés dans un rapport méthodologique»,complète Guillaume Thorens, ingénieur communal adjoint à la Ville de Neuchâtel, qui précise que «le canton n’accorde un subventionnement que depuis juin 2019». Le Conseil d’État a en effet inscrit dans son programme d’impulsion un soutien de sept millions de francs aux communes pour accélérer ces mises en conformité. Le 20% des travaux effectués d’ici 2023 seront ainsi financés (lire l’encadré).

Du boulot à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds

Les chiffres sont impressionnants dans les deux grandes villes. Neuchâtel possède 156arrêts et doit en assainir 112 (79 en priorité 1, 33 en priorité 2, pour 20 déjà conformes). A La Chaux-de-Fonds, il faut en transformer 143 sur 178, dont 120 classés en priorité 1. «Je doute qu’on arrivera à tout mettre aux normes à fin 2023. Chaque arrêt est un projet différent. Pour certains, il suffira de refaire le trottoir, mais pour d’autres, il faudra déplacer l’arrêt», indique Pierre Schneider,ingénieur communal. Il cite l’arrêt de l’hôpital pour lequel ses services ont profondément changé les schémas de circulation.

«Nous devons réfléchir si nous faisons les études à l’interne ou si nous mandatons un bureau externe. Jusqu’à présent,nous mettions aux normes selon les opportunités, quand nous refaisions une rue. Nous devons désormais passer à quelque chose de plus systématique.» Une chose est cependant sûre. «Réaliser 40 mises aux normes par année, c’est au-delà de nos ressources. Sans compter qu’il y a tout le reste de l’entretien des routes.»

La zone piétonne pas tout de suite

La Ville de Neuchâtel a pris un petit peu d’avance. 21 arrêts feront partie de grands chantiers prévus en 2020 (12 en 2021, 9 en 2022, 20 en 2023). Une demande de crédit doit intervenir début 2020. «Nous nous sommes coordonnés avec Trans N afin de redéfinir l’emplacement de certains arrêts pour qu’ils correspondent au mieux aux besoins des usagers», explique Guillaume Thorens. Chargé de communication, Emmanuel Gehrig cite la zone de la Chaumière, où il est question de lier les arrêts de la ligne 102 à celui du funiculaire Ecluse-Plan.

Les arrêts de la zone piétonne devraient être réaménagés entre 2022 et 2023, la zone étant au cœur de nombreuses réflexions actuellement.«Il ne serait bien évidemment pas pertinent de remettre aux normes un arrêt qui devrait être reconstruit un ou deux ans plus tard», indique Guillaume Thorens.

Avec ces nombreux chantiers annoncés, la Ville de Neuchâtel «devra très probablement se passer des subventions cantonales» pour les arrêts en priorité 2, qui se réaliseront après la date butoir de 2023, remarque Emmanuel Gehrig. Tout comme la commune a dû se passer d’aide financière pour les 20 arrêts déjà mis en conformité, le Conseil d’État ayant décidé de ne pas récompenser les «bons élèves déjà aux normes».

Quelles que soient les responsabilités entre les différentes autorités,il semblerait bien que les personnes à mobilité réduite risquent de rester encore quelque temps à quai.

Un groupe au travail depuis 2017

«Le canton ayant constaté que la mise en œuvre peinait à avancer, il a décidé de donner une impulsion en soutenant les communes neuchâteloises. A cet effet, il a entamé deux démarches: d’une part, définir des standards et une priorisation, d’autre part, d’apporter son soutien financier», indique le Département du développement territorial et de l’environnement (DDTE), en réponse aux questions d’«ArcInfo».

«Un groupe de travail a été mis en place en 2017», continue le canton. Il inclut les différents partenaires concernés parla mise en conformité, à savoir les trois villes, l’Association des communes neuchâteloises, des associations des personnes à mobilité réduite et les entreprises de transport.«Son rôle a été de définir les standards d’aménagement pragmatiques et des critères de priorisation, qui constitue des outils d’aide à la décision pour les communes. Ces critères constituent une recommandation du canton, les communes restent in fine responsables de l’application de la loi fédérale. Quant à la définition des standards de mise aux normes, elle s’est avérée complexe dans tous les cantons suisses», explique le DDTE.

«Afin de stimuler la mise en œuvre et d’apporter son appui matériel, le canton a décidé de soutenir financièrement les communes. Il subventionnera ainsi pour un montant total de sept millions de francs par le biais de son programme d’impulsion. Un règlement de mise en œuvre cadrant le processus d’octroi de la subvention cantonale a été élaboré. Il sera présenté aux membres du groupe de travail en janvier et sera adopté par le Conseil d’État durant le premier trimestre 2020. Les communes peuvent cependant dès à présent faire des demandes de cofinancement. Plusieurs l’ont déjà fait», conclut le canton.