L’école inclusive reste un mirage, selon des parents

(tdg.ch)

L’association Insieme dénonce la concentration des moyens sur l’enseignement spécialisé à Genève.

Par Sophie Simon


Augusto Cosatti, président d’Insieme, déclare: «Dans la loi sur l’instruction publique, il n’y a pour le moment qu’une phrase bateau qui cite l’inclusion mais qui ne pose pas de règle.» PATRICK MARTIN

 

Le droit à l’éducation inclusive, c’est-à-dire d’aller à l’école ordinaire, n’est pas respecté. C’est le constat d’Insieme Genève, une association de parents et d’amis de personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Lors d’une conférence de presse lundi, son comité a dénoncé l’exclusion des enfants souffrant d’un handicap mental, puisqu’ils sont regroupés dans des classes ou des établissements séparés, parfois loin du domicile. Il recommande donc un transfert des ressources consacrées à l’enseignement spécialisé vers des modèles d’inclusion dans les écoles ordinaires, avec un soutien adéquat.

L’ONU s’inquiète

Il s’appuie pour cela sur un rapport du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, paru ce printemps, concernant la Suisse. Au chapitre de l’éducation, ses auteurs tirent trois constats préoccupants. Premièrement, l’éducation «ségrégative concerne un grand nombre d’enfants et l’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée est appliqué de manière à orienter les enfants handicapés vers une éducation spécialisée».

Deuxièmement, «les écoles ordinaires manquent de moyens pour promouvoir l’éducation inclusive, notamment de services d’interprétation en langue des signes, d’aménagements raisonnables et d’enseignants dûment qualifiés». Troisièmement, «les élèves handicapés, en particulier les élèves ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, ont des difficultés à accéder à la formation professionnelle et à l’enseignement supérieur».

Repenser la formation

Insieme Genève demande donc, entre autres, la fermeture progressive des institutions spécialisées, l’inscription du droit à l’éducation inclusive dans la loi genevoise, et une formation à la pédagogie inclusive pour tous les enseignants.

«Il faut repenser la formation, il doit y avoir un volet handicap dans le cursus, on comprend très bien qu’un enseignant ne se sente pas prêt à gérer une trisomie 21 avec la formation actuelle, détaille le président, Augusto Cosatti. De même, dans la loi sur l’instruction publique, il n’y a pour le moment qu’une phrase bateau qui cite l’inclusion mais qui ne pose pas de règle.»

Il faudrait que les «choses bougent maintenant pour les petits, soutient pour sa part la secrétaire générale Céline Laidevant, ainsi cela ouvrira des portes quand ils atteindront l’âge du Cycle». La magistrate Anne Emery-Torracinta, qui a pourtant fait de l’école inclusive son cheval de bataille, a donc failli? «C’est vrai qu’il y a une déception, car il y avait beaucoup d’attentes, répond Augusto Cosatti. Il y a tout de même davantage de classes intégrées et un certain nombre de projets pilotes, mais à long terme, ça bloque.»

Quatre athlètes en situation de handicap qui font honneur au sport

(L’Illustré)

Grâce à eux, le sport reprend tout son sens. Pas de gros sous ni de magouille, pas de dopage ni de hooligans: rien que du bonheur. Rencontre avec quatre athlètes en situation de handicap mental, à la veille de leur grande compétition nationale à Saint-Gall.

Le «sport adapté», vous connaissez? Pour notre part, nous avouons que nous étions passés à côté de cette expression. Il s’agit de la pratique du sport par des personnes en situation de handicap mental ou psychique. Dès ce mercredi 15 juin et jusqu’au dimanche 19, ils seront 1800 à se retrouver, accompagnés de leurs coachs, de leurs familles, de leurs amis et de bénévoles à Saint-Gall, pour une nouvelle édition des National Summer Games. Quatorze sports sont au programme: basketball, boccia, bowling, football, golf, judo, athlétisme, pétanque, cyclisme, équitation, natation, voile, tennis et tennis de table. Nous avons rencontré quatre participant(e)s romand(e)s avant leur départ pour la Suisse orientale. Quatre trajectoires, quatre esprits très différents, mais une énergie et une sincérité de même nature.

Tania, 39 ans, joueuse de pétanque

On fait d’abord connaissance avec Tania, 39 ans, qui vit et travaille à Martigny. Son sport? La pétanque, qu’elle pratique avec des camarades sous la houlette bienveillante de Françoise et Jeanine, deux merveilleuses coachs. Arrivé sur le terrain du club, on remarque que Tania évite de regarder son interlocuteur dans les yeux et qu’elle préfère les fermer tout en répondant à nos questions avec enthousiasme et humour. La séance photo devra être écourtée assez rapidement. Car poser devant un objectif et endurer des dizaines de coups de flash, ce n’est visiblement pas son truc du tout. On propose donc de faire quelques manches de pétanque. La bonne humeur revient alors et les yeux s’ouvrent tout grands. Tania espère bien ajouter une médaille à sa collection, qu’elle détaille avec méticulosité. Les dates sont visiblement une de ses forces. Mais en pétanque, la précision de son lancer n’est pas mal non plus et sa joie de gagner la partie communicative.


Tania n’a pas l’habitude de poser devant l’objectif et d’endurer des dizaines de coups de flash. Toutefois dès qu’on lui propose de faire quelques manches de pétanque, son visage s’illumine. Son conseil pour la pétanque? «Il faut simplement se concentrer et bien respirer avant de lancer la boule». GABRIEL MONNET

 

Olivier, 38 ans, joueur de tennis

Olivier Burgener, 38 ans, est sans doute un des sportifs les plus médaillés de l’histoire du sport suisse! Cela fait plus de vingt ans que le tennisman collectionne les titres, olympiques notamment. Souffrant du syndrome de Treacher Collins, ce Sédunois n’a pas à proprement parler de handicap mental. Il conduit d’ailleurs sa voiture et travaille à la Coop. Mais cette maladie génétique implique une surdité et des traitements médicaux si lourds qu’ils ont eu des conséquences sur son développement. Grâce à ses aides auditives sophistiquées, la conversation est pourtant possible. On refait avec ce tennisman toujours souriant et qui vit chez ses parents l’histoire de sa carrière sportive et de ses grands voyages, notamment à Shanghai en 2007, dont il était revenu avec l’or olympique.


«Un de mes grands souvenirs? La cérémonie d’ouverture des Special Olympics de 2007 à Shanghai, dans un stade de 80’000 personnes» Olivier Burgener, 38 ans, tennis. GABRIEL MONNET

 


Cyril, 15 ans, spécialiste de la natation

Passons à la natation avec Cyril, 15 ans. C’est sa coach, Sarah Müller, qui nous a arrangé le rendez-vous et qui nous attend devant la piscine couverte de Nyon. La jeune enseignante spécialisée est active dans le sport adapté depuis six ans. Cyril est un de ses élèves depuis plus de quatre ans. «Il a fait beaucoup de progrès, se réjouit-elle. Mais il doit encore apprendre à mieux gérer son effort sur sa distance favorite, le 50 m. Car il a tendance à partir trop vite, n’est-ce pas, Cyril?» L’ado acquiesce en riant et en mordillant ses lunettes de natation, des lunettes qu’il a mis du temps à accepter de porter.

Cyril souffre du syndrome de Phelan-McDermid. Cela se traduit notamment par un retard général, de langage notamment, qui ne facilite pas la communication. Mais on comprend qu’il adore son sport, qu’il apprécie beaucoup sa coach et qu’il compte bien faire bonne figure à Saint-Gall.

Le père du jeune nageur est infiniment heureux que son fils ait trouvé un sport de prédilection. «Il a fait des progrès impressionnants, notamment par rapport à ses problèmes de dyspraxie. C’est très précieux aussi qu’il vive quelque chose de fort sans nous, sans sa famille, et qu’il puisse fréquenter d’autres jeunes en dehors de son école. C’est bien encore qu’il ait son sport, son activité à lui, notamment par rapport à sa sœur, qui a ses propres activités. Enfin, la compétition lui permet de s’affirmer. Il était si fier de ses médailles qu’il les a apportées à l’école, un type de démarche tout à fait inédit de sa part.»


«C’est compliqué vos questions! Mais oui, je peux encore m’améliorer. Je démarre les courses toujours trop fort» Cyril Andenmatten, 15 ans, natation. GABRIEL MONNET

 

Olivier, 22 ans, basketteur

Notre quatrième et dernière rencontre a lieu à La Tour-de-Peilz, au stade de Bel-Air, sous un panier de basket. Pour se donner rendez-vous, nous n’avons cette fois pas eu besoin d’intermédiaire: Olivier Paccaud, 22 ans, est très autonome et s’exprime avec un vocabulaire riche, une syntaxe impeccable. A tel point qu’on lui demande quelle est sa singularité, du moins s’il est possible d’évoquer cela: «Oui, on peut tout à fait parler de mon handicap, je ne le cache pas. On m’a diagnostiqué un TSA, un trouble du spectre autistique, et je suis multi-dys. Je souffre de dyslexie, de dysorthographie, de dyscalculie et de dyspraxie.»

Le jeune homme a commencé un préapprentissage d’aide de bureau. Le basket, Olivier s’y est mis il y a quatre ans et demi. Sa mère avait vu que le Vevey Riviera Basket avait des équipes de basket adapté. «A priori, pour un jeune autiste comme moi, qui a des réticences avec les contacts physiques et qui, avec sa dyspraxie, a des problèmes pour se situer dans l’espace, cela ne semblait pas le sport idéal. Mais en fait, j’ai rapidement pu m’intégrer et cela m’a fait progresser. Je suis devenu beaucoup plus agile au niveau de la motricité fine et plus à l’aise avec les contacts physiques. Les débuts ont quand même été timides, mais maintenant, quand je suis en mode basket, je suis en confiance. Un des grands atouts de ce sport, c’est aussi de permettre aux cinq joueurs de l’équipe de varier les rôles. On passe sans cesse de l’attaque à la défense, il faut savoir maîtriser des gestes différents.»

Olivier avait déjà participé aux précédents National Games il y a quatre ans à Genève. Cette année, il part à Saint-Gall avec son équipe avec l’ambition de gagner le tournoi. Mais il se réjouit surtout de revivre ces cinq jours de compétitions festives, de communion fraternelle entre tous les acteurs du sport dit «adapté», un sport qui élève si haut l’esprit sportif qu’il confine à la philosophie. A se demander si ce n’est pas le «vrai» sport qui devrait s’adapter…


«Grâce au basket, je suis devenu beaucoup plus agile au niveau de la motricité fine et plus à l’aise avec les contacts physiques» Olivier Paccaud, 22 ans, basket. GABRIEL MONNET

 

Quand le handicap mental entre au club

(Le Temps)

INCLUSION Les National Games réunissent ce week-end à Saint-Gall 1400 athlètes avec handicap mental,dont une part croissante évoluant dans des clubs traditionnels.Leur intégration demande des efforts mais profite à tout le monde,soulignent ceux qui y travaillent.

par Lionel Pittet

Badara Top coache toutes ses équipes avec la même exigence d’ancien basketteur de haut niveau.Quand il faut crier,il crie. Quand il faut punir,il punit. Parfaits débutants ou champions en devenir,personne n’échappe aux allers-retours de terrain en sprint.Pas même les personnes en situation de handicap mental qui participent aux entraînements de basket adapté du dimanche matin.

«On me demande parfois pourquoi je suis dur avec eux, s’amuse l’entraîneur.C’est pourtant simple:je les traite comme des basketteurs.Pas comme de pauvres petits handicapés.C’est exactement ce qu’ils viennent chercher chez nous.»

Cela fait une dizaine d’années que le club de Vevey Riviera s’est officiellement ouvert à ces joueurs pas tout à fait comme les autres.Les débuts furent timides avec,pendant six mois,trois participants seulement.Depuis,le bouche-à-oreille a fait son effet: les six coachs s’occupent désormais d’une petite vingtaine de réguliers.Suffisant pour inscrire, ce week-end à Saint-Gall,deux équipes aux National Games de Special Olympics Switzerland.

107 clubs labellisés

L’instance est l’équivalent, pour lesathlètes avec handicap mental,de Swiss Olympic(sans handicap)et SwissParalympic(avec handicap physique). Ses«Jeux nationaux»ont lieu tous les deux ans,alternativement en été et en hiver,et leur treizième édition réunit,autour de quatorze disciplines,1400 sportives et sportifs. Beaucoup des participants sont encadrés par des institutions (35%)ou des structures sportives spécialisées comme PluSport(24%).Mais ils sont aussi de plus en plus nombreux à représenter des clubs ordinaires(13%).

Cette tendance réjouit Gabriel Currat,responsable pour Special Olympics Switzerland de développer le sport inclusif.Depuis près de dix ans,il aide les associations sportives et autres événements populaires à mettre en place le nécessaire pour accueillir des personnes en situation de handicap mental.«L’objectif,dit-il,c’est qu’un jour,ce travail ne soit plus nécessaire.»Mais il a quelques années de coups de téléphone et de formations devant lui:dans un paysage sportif suisse riche de 19000 clubs(en2016),seuls 107 ont à ce jour obtenu le label Unified qui signale l’existence de structures vérifiées.


«Quand je veux inscrire mes jeunes à des compétitions, cela demande beaucoup de travail en amont»
Nicolas Jâggi,entraineur d’un club d’athlétisme neuchâtelois

 

«Le développement d’un environnement inclusif prend du temps,justifie Gabriel Currat. Parfois,les clubs croient qu’il s’agit juste de laisser les personnes devenir membres ou être présentes lors des événements. C’est bien sûr un début,mais nous aspirons à davantage:chacun doit véritablement pouvoir trouver sa place,participer,profiter des avantages de la vie associative,etc.»

Pour y parvenir,il n’existe pas de formule magique.«C’est la complexité et la beauté du travail,poursuit le responsable. Dans chaque cas de figure,il faut analyser ce que proposent le club et l’encadrement dont il dispose afin de déterminer ce qui est le plus adapté pour devenir inclusif.»L’idéal de Special Olympics, c’est l’entraînement qui réunit sportifs avec et sans handicap. Dans les faits,les clubs contactés proposent majoritairement des séances«à part»,tout en cherchant à construire des ponts entre les univers du sport classique et adapté.

Sur les tatamis de Meyrin,les premiers cours de judo-handicap ont été donnés dès 1994,bien avant que Special Olympics n’incite le club à une certaine porosité entre ses différentes sections. Mais la démarche a ses limites. Certains types de problèmes mentaux impliquent des comportements imprévisibles,difficiles à gérer.«Dans certains cas de trouble du spectre de l’autisme, les jeunes peuvent crier et courir partout, il faut un peu laisser faire, et ce n’est pas simple dans le cadre d’un entraînement classique,raconte le moniteur Patrick Blanchut depuis Saint-Gall,où il accompagne quatre judokas aux NationalGames.Mais il y a aussi des cas beaucoup moins lourds, avec un simple retard intellectuel, qui nécessitent simplement une attention un peu plus soutenue. Ceux-là peuvent être plus facilement intégrés à des groupes normaux.»

C’est parfois un simple effet d’inertie qui retarde la mise en place de projets,comme le remarque NicolasJâggi,entraîneur de la section dédiée aux personnes avec handicap mental au sein du CEP Cortaillod, un club d’athlétisme neuchâtelois.«Quand je veux inscrire mes jeunes à des compétitions,cela demande beaucoup de travail en amont.En général,les organisateurs sont ouverts,mais il faut beaucoup discuter pour trouver la catégorie adéquate,l’âge réel des personnes en situation de handicap ne correspondant souvent pas avec leur niveau de performances…»

Chacun à son niveau

En plein master en activités physiques adaptées à l’Université de Lausanne,il pousse aussi pour la tenue régulière d’entraînements communs avec des athlète «valides». Mais si«tout le monde trouve que c’est une bonne idée», peu ont le temps d’entreprendre les démarches nécessaires. Partout,la problématique particulière se heurte aussi au contexte défavorable de l’érosion du bénévolat.

A Vevey,les personnes en situation de handicap mental jouent au basket entre elles lors des entraînements du dimanche matin. Mais Badara Top a également imaginé une séance hebdomadaire de«développement individuel» à laquelle peuvent participer des joueurs de tous le sâges, avec et sans handicap.Chacun travaille ses fondamentaux dans le même domaine particulier -le dribble,le tir,la passe- mais à son propre niveau.

Une belle manière de résoudre l’équation centrale:«Le plus difficile,estime Gabriel Currat de Special Olympics Switzerland, c’est de trouver la bonne méthode pour faire cohabiter des individus très différents les uns des autres, sans que personne ne s’ennuie, et sans oublier ni les plus talentueux,ni les moins bons.»

Au départ,Badara Top craignait la fameuse «méchanceté des enfants entre eux». Les moqueries.Parce que oui,il peut y avoir des situations qui prêtent à rire,reconnaît-il.Mais l’expérience lui a fait ravaler ses a priori.«Certains passent pour des petits durs mais quand ils se retrouvent à jouer avec des jeunes avec handicap,je les vois plutôt donner des conseils ou faire une passe alors qu’ils ont
l’occasion de shooter…»

Patrick Blanchut,du Judo Club Meyrin,confirme.Des sarcasmes adolescents relatifs à des problèmes d’élocution,par exemple, il en a souvent entendu. Mais très rarement sur les tatamis.«C’est vrai que dès que tout le monde pratique un même sport,on voit beaucoup plus de bienveillance, d’entraide.»

Dans ce contexte,le résultat a-t-il la moindre importance? «Pour certains,il en a une,rigole le moniteur de judo.Après un combat gagné,ils peuvent exulter d’une manière parfois un peu excessive pour notre sport.» Badara Top abonde en ce sens: «Bien sûr que le résultat compte! A chaque niveau,celui qui fait du sport veut se dépasser, progresser,battre l’adversaire qui lui a longtemps résisté.Ce qui est vrai sans handicap l’est aussi avec.»

Accès non discriminatoire aux soins intensifs revendiqué

(Pro Infirmis)

Le 14 juin 2022, le Conseil des États délibère d’une motion demandant la création d’une base légale pour les décisions de tri lors de l’accès aux soins intensifs. La motion vise notamment à ce que les personnes handicapées ne soient plus discriminées, en cas de pénurie des ressources dans les hôpitaux suisses, en raison de leur handicap.

La pandémie du Covid-19 a fait prendre conscience à l‘opinion publique des enjeux liés aux décisions de tri qui sont prises en cas de pénurie des ressources dans le secteur des soins intensifs. Une motion (22.3246) déposée par Maya Graf, conseillère aux États (Les Vert-e-s/BL) et coprésidente d‘Inclusion Handicap, charge le Conseil fédéral de créer une base légale pour les décisions de tri qui prenne en considération la situation des personnes en situation de handicap et les protège contre les discriminations.

Une base juridiquement contraignante fait défaut

Jusqu’à récemment, l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) considérait, en cas de pénurie des ressources, la dépendance de l’aide de tiers comme critère décisif pour la non admission des personnes dès 65 ans en unité de soins intensifs. Les personnes handicapées sont nombreuses à dépendre de l’aide de tiers – raison pour laquelle un tel critère a pour effet d’exclure un nombre disproportionné d’entre elles de l’accès aux soins intensifs. L’ASSM a certes d’ores et déjà adapté ses directives en réaction au postulat 20.4404 de Maya Graf et aux critiques émanant des organisations de personnes handicapées, ce qui est à saluer. Or premièrement, ces directives n’ont pas de caractère contraignant – et deuxièmement, les décisions d’une telle portée doivent faire l’objet de discussions menées dans le cadre d’un débat démocratique.

Le législateur a un devoir de protection

Actuellement, le législateur suisse ne remplit son devoir de protection contre la discrimination dans l’accès aux soins intensifs ni au sens des articles 11 et 25 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, ni au sens de l’article 8 alinéas 2 et 4 de la Constitution fédérale. C’est pourquoi Inclusion Handicap, en sa qualité de porte-parole des 1.8 mio. de personnes handicapées, demande résolument au Conseil des États de se prononcer en faveur d’un accès non discriminatoire aux soins intensifs en adoptant la motion.


Motion sur Curia Vista 22.3246

Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées

Renseignements

Matthias Kuert Killer, responsable politique et communication
matthias.kuert@inclusion-handicap.ch, 078 625 72 73

Le combat de ces citoyens malvoyants et malentendants pour exercer leurs droits politiques

(rts-ch)


Le combat de ces citoyens malvoyants et malentendants pour exercer leurs droits politiques / 19h30 / 4 min. / le 12 juin 2022

Une grande partie du système politique en Suisse reste difficile d’accès pour les personnes malvoyantes ou malentendantes. Immersion dans le combat de ces citoyens qui espèrent enfin pouvoir exercer leurs droits politiques sans barrières.

Environ 600’000 personnes malentendantes et 370’000 personnes malvoyantes vivent en Suisse. Pour elles, il est difficile d’exercer leur droit de vote ou d’éligibilité, et d’influencer les conditions cadres de la société dans laquelle ils évoluent.

Prenons le vote: les personnes aveugles, malvoyantes et atteintes de surdicécité sont tributaires d’autrui pour exercer leurs droits politiques. En Suisse, elles ont la possibilité de solliciter soit l’aide d’une personne chargée d’une fonction publique, soit celle d’une personne de confiance, pour remplir leur liste électorale ou leur bulletin de vote.

Pas de secret de vote

Un droit fondamental dont est privé Béatrice Hirt. Aveugle, c’est son mari qui s’occupe de remplir son bulletin. « Aujourd’hui, mon secret de vote n’est pas garanti », souligne-t-elle. Un droit qui est pourtant exigé par la convention de l’Organisation des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

Un nouvel outil pourrait cependant changer la donne. L’Union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA) a récemment développé une solution tactile qui leur permet de voter seuls.


Un exemple d’outil de vote tactile développé par l’UCBA. [UCBA]

 

L’outil devait avant tout être approuvé par le Parlement. Un travail dont s’est chargé Jan Rhyner, responsable de la défense des intérêts des aveugles à l’UCBA. En avril, la commission des institutions politiques du Conseil national a décidé de charger le Conseil fédéral de préparer la mise en place de solutions pour aider ces personnes à voter de façon autonome.

« Je suis très satisfait. Ça montre qu’une solution pragmatique peut être réalisée et mise en place de manière rapide, et que la situation des personnes malvoyantes en politique peut vraiment être améliorée », se réjouit-il.

Lente reconnaissance

Autre combat à Berne: la langue des signes. Il y a deux semaines, le National a accepté une motion demandant la reconnaissance des trois langues des signes suisses dans une loi fédérale. La validation de ce texte doit permettre de promouvoir l’égalité des chances des personnes sourdes dans plusieurs domaines comme l’accès à l’information, la participation politique ou la formation.

Les échanges ont été minutieusement suivis par une délégation de la Fédération suisse des sourds, et les débats traduits en langue des signes pour l’occasion. En temps normal, ces discussions sont impossibles à suivre pour les malentendants.

« Être membre d’un parti est quasiment impossible pour une personne malentendante, car les coûts des interprètes se comptent en milliers de francs. Aujourd’hui il n’y pas d’élu fédéral sourd, ni dans les parlements cantonaux », détaille André Marty, lobbyiste pour la Fédération suisse des sourds.

Peu d’élus

Vincent Guyon incarne ce combat. Élu en 2020 dans la petite commune de Rances, le Vaudois de 49 ans est le premier malentendant de Suisse à siéger dans un exécutif. Une avancée de taille pour la communauté sourde. « J’ai postulé parce que j’aimais vraiment ce village, c’était comme une déclaration d’amour. J’ai été élu au premier tour… Une victoire pour moi et pour tous les sourds de Suisse », confie-t-il.

Sourd de naissance, l’élu ne communique pas en langue des signes, mais lit sur les lèvres. Une codeuse l’aide grâce au langage parlé complété. « Quand je suis seul en tête à tête avec un partenaire tout se passe bien, j’avertis au préalable que je suis sourd et la personne est compréhensive. Mais suivre une discussion de groupe nécessite l’aide d’une codeuse », poursuit-il.

Le coût de l’interprète n’est pris que partiellement en charge par l’assurance invalidité. Le reste est à la charge de la commune.

« Je pense que les autres élus apprennent aussi quelque chose. On prend plus de temps durant les séances. C’est positif et c’est une bonne expérience pour toute l’équipe », témoigne Alcide Pisler, Syndic de Rances.

Vincent Guyon a déjà son prochain objectif: se présenter pour les élections fédérales de 2023.

Sujet TV: Céline Brichet
Adaptation web: saje