Handicap: 1000 personnes privées de droits politiques en Valais

(Le Nouvelliste)

Alors que tous les citoyens suisses, y compris les personnes en situation de handicap mental, devraient avoir accès aux droits politiques, 1000 personnes en sont toujours privées en Valais. En cette Journée internationale du handicap, l’avocat et professeur à la HES-SO Pierre Margot-Cattin fait le point.

Par Christine Savioz


Lavey – 25 novembre 2021 – Pierre margot-Cattin, pour les droits des personnes en situation de handicap d’avoir accès à leur droits politiques. ©Héloïse Maret

 

Quatorze mille personnes en situation de handicap sont privées de leurs droits politiques en Suisse. Mille en Valais. «Il s’agit de personnes sous curatelle de portée générale. Dès que cette mesure est appliquée, il y a une privation automatique des droits civiques. Ce qui est contraire au texte de la convention de l’ONU, ratifiée par la Suisse en 2014, donnant le droit politique à tous», explique l’avocat et ethnologue Pierre Margot-Cattin. Un thème abordé lors du récent forum organisé par la Fondation Emera et la HES-SO. En cette Journée internationale du handicap, Pierre Margot-Cattin fait le point.

Qu’entend-on par droits politiques?

Chacun doit avoir le droit d’élire, de voter et d’être élu, ainsi que d’être aidé pour le processus si besoin. Il faut que les gens puissent être pleinement informés pour se forger une opinion. Ils doivent avoir accès à l’information, tant officielle que dans les médias.

Vous prônez une extension du langage facile à lire et à comprendre…

La Confédération devrait publier, pour les votations fédérales, un document avec une version normale et une autre simplifiée. On peut même imaginer que la version simplifiée convienne à tous, car souvent les textes sont compliqués. Il faudrait aussi imaginer des supports sonores et en braille.

Les personnes en situation de handicap mental peuvent-elles vraiment voter?

Une bonne partie, oui. Le risque est très faible que des gens n’ayant pas la capacité de comprendre l’enjeu votent. Une bonne partie de la population de la FOVAHM par exemple peut voter. Ces personnes ont juste besoin d’être accompagnées en amont pour se forger leur propre opinion.

N’y a-t-il pas un risque d’influence de l’accompagnant sur les personnes en situation de handicap mental?

Nous sommes tous influencés pour un vote puisqu’on forge notre opinion sur la base des opinions d’autres qui s’expriment dans une campagne. En famille aussi, on discute politique, on se forge une opinion sur la base de la comparaison de l’opinion des autres. Le risque d’influence est donc marginal. En revanche, le risque est plus important lorsqu’une personne vote par procuration.


En 2014, Pierre Margot-Cattin (au centre) et le conseiller national thurgovien Christian Lohr, également en situation de handicap, s’étaient rendus à New York lors de la signature de la Suisse à la Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées. Photo: DR

 

Maud Theler et Philippe Moerch, tous deux en chaise roulante, sont entrés cette année au Grand Conseil valaisan. La preuve d’une évolution?

Pour le Valais, oui, c’est un beau progrès. Il faut encore qu’ils soient reconnus comme parlementaires et non juste comme des représentants du handicap. Il reste cependant encore beaucoup à faire pour que des personnes en situation de handicap entrent dans un exécutif. En Suisse, aujourd’hui, seules trois personnes y sont, deux dans le canton de Vaud et une au Tessin, toutes avec des handicaps sensoriels et non qui se voient physiquement.

Il reste beaucoup à faire pour qu’une personne en situation de handicap entre dans un exécutif.

L’image de la personne sur une chaise roulante peut-elle être un obstacle à une élection dans un exécutif?

C’est encore très fort. Aujourd’hui, on tolère sans problème le politicien thurgovien Christian Lohr en fauteuil électrique au Conseil national, mais il n’a sans doute aucune chance de devenir conseiller fédéral. Là, cela n’a pas beaucoup changé. Pendant mes études de droit en 1987, j’avais eu un entretien avec mon professeur, expert pour la commission d’examen pour la carrière diplomatique. Je lui avais exprimé mon souhait de devenir diplomate. S’il a dit comprendre mon envie et que je serais sans doute excellent, il a ajouté que je n’avais aucune chance en raison de mon apparence. Car, pour représenter la Suisse, il faut donner une image revalorisante du pays.

Vous avez échoué aux élections pour l’exécutif dans votre commune de Lavey ce printemps. Votre handicap a-t-il été un obstacle de plus?

Clairement. Mes détracteurs disaient que, pour être à l’exécutif, il faut pouvoir être responsable du dicastère des forêts et aller voir les arbres malades. Ils imaginaient aussi que je ne penserais qu’aux personnes handicapées et que cela allait coûter cher à la commune. Il y avait un troisième argument sous-jacent disant que j’avais déjà assez à faire avec mon handicap au quotidien sans devoir me charger d’une telle tâche publique. Il y a encore un grand pas pour être considéré comme un candidat comme un autre.

Comment voyez-vous l’évolution des droits des personnes handicapées en Suisse?

Je suis optimiste, car les deux messages principaux de la convention – soit cette idée du handicap qui est une difficulté d’interaction dans un environnement donné et l’autre élément lié à l’autodétermination et la liberté de choix – sont en train d’être intégrés dans la plupart des politiques sociales et des nouveaux développements. Les mentalités sont en train de changer. La vieille vision de la personne handicapée qui n’est pas capable en raison d’un problème médical s’atténue peu à peu.