Des compétences «exceptionnelles»

(La Liberté)

L’entreprise formatrice Rafisa facilite l’intégration de personnes autistes dans le monde du travail.


La filiale Rafisa Informatique, à Givisiez, compte quatre collaborateurs pour une dizaine d’apprentis. Pierre-André Rouiller, formateur et responsable de la filiale, et Larissa Strasser, pédagogue sociale, forment le noyau de l’équipe. DR

 

«Nicole Rüttimann Formation»

«Mettre le potentiel souvent méconnu de personnes atteintes de troubles du spectre autistique à disposition d’autres entreprises et organisations.» Telle est la mission de la Fondation informatique et autisme, et de son entreprise formatrice Rafisa Informatique.Elle emploie des personnes atteintes du syndrome d’Asperger, leur offrant une formation complète, financée par l’assurance- invalidité (AI). Elle facilite ensuite l’accès à un emploi. Depuis la création de la maison mère, à Zurich en 2009, la demande augmente, et plusieurs filiales ont ouvert en Suisse alémanique. La première de Suisse romande vient d’éclore en 2019, à Givisiez, gérée par Pierre-André Rouiller, 53 ans, ingénieur HES en informatique et formateur.Celui-ci explique la démarche.

A quels besoins répond cette formation?

Pierre-André Rouiller: L’intégration professionnelle est encouragée dans le cadre de la loi sur l’invalidité, afin d’éviter de recourir aux rentes. D’un point de vue personnel, s’insérer dans le monde du travail est primordial pour un parcours sain et une meilleure intégration sociale.Plus la prise en charge intervient tôt, plus le succès de l’intégration professionnelle ultérieure est assuré. La fondation, qui collabore avec l’AI et l’Office fédéral des assurances sociales, vise ainsi à ouvrir l’accès au secteur des technologies de l’information aux personnes avec trouble autistique (TSA). Pour leur permettre de développer tout leur potentiel, elle leur fournit un savoir-faire pratique sur la base d’une formation complète, ainsi que des compétences sociales Elle offre une aide ciblée destinée à faciliter leur transition vers la vie professionnelle.

Qu’offrez-vous de plus qu’une entreprise standard?

A Givisiez, nous comptons une dizaine d’apprenants pour quatre collaborateurs. Larissa Strasser, pédagogue sociale, est responsable de l’accompagnement et du développement des compétences sociales. Pour ma part, je suis aussi formateur d’adultes. Nous proposons un environnement adapté, au ni-veau physique comme de l’accompagnement. Notre mission est de former et intégrer sur un premier marché du travail. Nos axes: la formation, le développement des compétences sociales et l’accompagnement individuel. Le soutien peut prendre des formes variées. Par exemple, nous apportons notre aide pour l’organisation des transports publics, qui engendrent une sur- sollicitation pour ces personnes, proposons des adaptations et des appuis scolaires, collaborons étroitement avec le réseau (psychologues, psychiatres, parents,conseillers AI, offices de la formation, écoles…).

«Il y a encore du chemin à faire pour faire accepter le rôle social de l’entreprise»
Pierre-André Rouiller

Pour intégrer le cursus, il faut être accompagné par l’AI, et être dans le spectre d’autisme sans déficience intellectuelle. Car la formation est exigeante. Elle est précédée d’une évaluation du projet professionnel et parfois d’un préapprentissage. L’AI fi-nance la formation, l’apprenti n’est pas salarié. Outre l’acquisition de la pratique professionnelle dans l’entreprise à Fribourg, il suit des cours à l’école professionnelle à Lausanne. La formation débouche, après 3 ou 4 ans, sur un certificat fédéral suisse d’informaticien ou d’opérateur en informatique.

Qu’en est-il du soutien à l’intégration pour l’emploi?

Les diplômés sont spécifiquement soutenus dans leur intégration dans le marché du travail primaire. Nous faisons,outre un accompagnement,notamment l’interface avec le futur employeur. Nous déterminons les adaptations à mettre en place. Il faut travailler sur deux axes. Sans sur adapter l’environnement, l’entreprise doit évaluer quels aménagements sont indispensables pour la personne; celle-ci doit à son tour s’adapter au reste. Les solutions peuvent parfois être simples,comme la mise à disposition d’un casque antibruit ou d’un espace isolé pour ces personnes qui ne supportent pas un open space. L’accompagnement préalable par l’AI notamment est excellent. Mais il reste un gros effort de sensibilisation à poursuivre du côté du marché du travail; notre tissu économique le permet. De nombreuses entreprises dans le canton pour-raient envisager une telle démarche…

Quelle plus-value pour une entreprise d’engager une personne atteinte d’Asperger?

Il y a encore du chemin à par-courir pour faire accepter le rôle social de l’entreprise, et la présence d’une personne avec un profil atypique. Mais une fois le pas franchi, ces personnes peuvent donner la pleine mesure de leurs capacités. Et elles possèdent souvent des compétences exceptionnelles! Compréhension rapide, pensée analytique et créative, grande concentration… Elles apportent une vision différente pour des projets novateurs. Ces qualités sont très appréciées notamment dans les technologies de l’information ou le graphisme, domaine pour lequel elles optent souvent.

Pouvez-vous déjà faire un bilan?

Il n’y a pas encore de chiffres nous concernant, notre plus«vieil» apprenti étant en 2e année. Mais en dix ans à Zurich, plus de 60% des sortants ont trouvé un pied solide dans le marché du travail. Et la proportion est passée à près de 90%pour 2019. Sur 13 en fin de formation, 10 sont au bénéfice d’un CDI et les 3 autres ont trouvé une place rapidement.Zurich compte aujourd’hui une soixantaine d’apprenants. Et la filiale créée à Winterthour en 2021 pour la décharger en a déjà une dizaine. A Givisiez, nous en avons aussi une dizaine. Et nous envisageons d’ouvrir d’autres filiales en Romandie. Par ailleurs, nous serons présents avec un stand Rafisa à Berne lors du Forum autisme les 19 et 20 novembre. Et nous prévoyons d’organiser des portes ouvertes à Givisiez dès que la situation sanitaire le permettra. »