Une longue attente avant de pouvoir faire interner leur fille

(20min.ch)

Un couple a dû batailler pour pouvoir placer sa fille adulte en institution alors qu’elle était en pleine phase de crise.

par Xavier Fernandez


La famille craignait pour la vie de la jeune femme. Getty Images

 

Roger* et Louise* peuvent enfin respirer tranquillement. Ils n’ont plus à craindre pour la vie de leur fille de 29 ans. Du moins, pour le moment. Cette dernière est atteinte de troubles psychiques qui réapparaissent régulièrement. «Elle a décompensé quatre fois ces cinq dernières années», se souvient Roger. Autrement dit, la plupart du temps, elle est capable de se gérer elle-même et de prendre ses propres décisions. Mais lorsque la maladie refait surface, tout peut arriver, comme la semaine dernière.

Alors qu’elle rentrait de Genève à Montreux (VD) en taxi, une crise s’est déclarée. «Elle était dans un tel état que le chauffeur, apeuré, l’a abandonnée à 3h du matin sur une aire de repos», déplore le papa. C’est la police qui l’a conduite, par après, aux urgences psychiatriques de Rennaz (VD). Mais elle a refusé de se faire soigner et a quitté l’hôpital au petit matin, seule et désorientée. Finalement, c’est un voisin des parents, à l’étranger ce jour-là, qui l’a retrouvée errant dans la rue. «Elle n’était pas assez habillée et complètement gelée. Je lui ai donné ma veste, mais c’est à peine si elle m’a reconnu», explique le bon Samaritain.

Sans perdre un instant, les parents sont rentrés en Suisse. Ils étaient toutefois loin de se douter qu’un véritable cauchemar allait commencer. «D’emblée, nous avons demandé qu’un PLAFA (ndlr: placement à des fins d’assistance) soit mis en place. Mais on a vécu l’enfer pendant une semaine, en attendant qu’une décision soit prise. Pour résumer, nous l’amenions voir des psys le jour et elle disparaissait la nuit. À nous ensuite de la retrouver. Le problème, c’est qu’elle voulait nous tenir à l’écart, ce que les médecins ont respecté. Il aura fallu qu’elle provoque un accident de voiture et qu’elle mette le feu à son appartement pour que les choses bougent. Parfois, on a le sentiment que le système manque d’humanité», regrette Roger.

Les dérives passées affectent le présent

Philippe Rey-Bellet, directeur général et médical de la Fondation de Nant, qui chapeaute l’ensemble des soins psychiatriques publics de l’Est vaudois, confirme. «Le PLAFA, c’est toujours l’ultima ratio. Après toutes les dérives, parfois dramatiques, voire contraires aux droits de l’homme, qu’a connues la psychiatrie par le passé, la politique sanitaire actuelle tend à réduire autant que faire se peut les hospitalisations forcées. Priver quelqu’un de sa liberté de mouvement, contre sa volonté, c’est une lourde responsabilité.»

Au-delà de la politique, il y a aussi des raisons médicales à cette réticence. «Un placement forcé peut avoir un effet traumatique pour le patient. Les traitements ambulatoires donnent en général de meilleurs résultats, poursuit le professeur Rey-Bellet. Mais ça peut aussi mettre en difficulté l’entourage et les familles. Ils sont impliqués dans les suivis et des problèmes relationnels peuvent apparaître. Il n’est parfois pas simple pour les proches de faire face à ça. Et c’est d’autant plus compliqué quand le patient n’accepte pas qu’on les informe directement. Mais c’est leur droit. Même fragiles, ces personnes demeurent des citoyens à part entière.»


Un cadre légal très strict

La majorité des hospitalisations psychiatriques se font avec l’accord des patients. Il s’agit d’une démarche volontaire. Seuls un médecin psychiatre ou un juge de paix peuvent décider de placer une personne contre sa volonté. Et, dans la première éventualité, le patient peut recourir contre cette décision, auprès de la justice. Mais, dans tous les cas, le patient doit représenter un danger immédiat pour lui-même ou pour les autres.


Moins d’hospitalisations, moins de lits

«Dans le canton de Vaud, à l’époque où la Santé était dirigée par Pierre-Yves Maillard, une politique destinée à faire baisser les PLAFA a été mise en place. Le fait est que le taux de placements était bien plus élevé ici que dans d’autres cantons. En parallèle, les capacités de lits hospitaliers ont singulièrement diminué, à tel point que le taux d’occupation est actuellement de 100% ou presque dans les hôpitaux», souligne Philippe Rey-Bellet.