La société des Sourds du Valais fête ses 75 ans

« On compte une personne sourde de naissance pour mille habitants, selon la Fédération mondiale des sourds » , souligne Stéphane Faustinelli, membre de la société des Sourds du Valais qui fête cette année ses 75 ans. S’il n’existe pas de statistiques officielles, la communauté des sourds du Valais estime que 250 personnes environ souffrent de surdité dans le canton. « C’est difficile cependant à établir avec certitude, car il y a des personnes qui naissent sourdes et d’autres qui le deviennent avec le temps, de nombreuses personnes âgées sont donc malentendantes », ajoute Stéphane Faustinelli. Un chiffre qui pourrait être plus élevé, car de nombreux Valaisans atteints de surdité se sont installés à Genève, Lucerne ou Zurich pour décrocher un travail dans les années 60. « A l’époque, il n’y avait pas de travail ici pour les personnes sourdes; elles devaient aller en chercher ailleurs. »

Progrès dans l’intégration

En septante-cinq ans, le quotidien des personnes atteintes de ce handicap a bien changé.  » C’est clair que des progrès nets ont été faits dans l’intégration, même s’il reste encore beaucoup de choses à faire » , précise Stéphane Faustinelli, en donnant l’exemple de l’absence de sous-titrage des émissions de Canal 9. « En aucun cas, nous ne voulons attirer la pitié, mais nous voulons juste être traités à égalité avec les personnes entendantes, car nous payons les mêmes taxes pour recevoir la télévision. Nous revendiquons le droit à l’information, comme tout le monde. »

Pour marquer ses 75 ans cette année, la société des Sourds du Valais ambitionne ainsi de faire découvrir le quotidien de la vie des personnes sourdes de 1939 à nos jours, dans plusieurs domaines comme l’école, la vie sportive, la vie professionnelle, la vie spirituelle et le rapport à la société. Des perles du passé inconnues de la population d’aujourd’hui.

Stéphane Faustinelli et Pascal Lambiel, le président du comité d’organisation, ont déjà commencé leurs recherches et découvert par exemple combien l’enseignement dispensé aux écoliers de l’Institut du Bouveret dans les années 30 était moraliste. « Tous les enfants sourds devaient aller y suivre les cours. Les élèves recevaient une éducation religieuse stricte; la langue des signes était interdite dans l’enseignement. Les personnes sourdes signaient donc en cachette pour communiquer entre elles hors des cours. » Les soeurs de l’école du Bouveret insistaient pour que les élèves apprennent la lecture labiale.  » Les sourds répétaient devant leur miroir avec une bougie pour avoir la conscience du souffle » , raconte Pascal Lambiel.

Comme la compréhension de l’enseignement prenait du temps, les élèves avaient beaucoup de retard par rapport aux entendants. « En plus, dans la vie de tous les jours, quand les personnes voy aient les sourds faire des gestes avec leurs mains, elles les traitaient de singes. Et dans les réunions, les sourds étaient complètement largués, la lecture labiale étant impossible » , raconte Stéphane Faustinelli.

Les années 80, l’émancipation

Les années 80 voient l’émancipation des personnes sourdes et la prise en compte de leurs besoins. Pour preuve, des formations pour interprètes en langage des signes sont lancées dès 1983.

Quand elles sortaient de l’école, les personnes sourdes trouvaient cependant du travail, mais surtout dans les travaux manuels. « Elles avaient même un avantage non négligeable pour les patrons, puisqu’elles ne parlaient pas avec les collègues pendant les heures de travail et se concentraient donc sur la tâche à effectuer « , remarque Pascal Lambiel.

Si les personnes sourdes ont beaucoup participé à des activités sportives, elles ont parfois dû surmonter plusieurs obstacles pour parvenir à leur objectif. Des obstacles parfois inattendus, comme l’absence de transports publics notamment. « On m’a raconté qu’une dame passionnée de ski voulait participer à une compétition qui se déroulait de l’autre côté de la vallée et, ne trouvant pas de transport public, elle a dû s’y rendre à pied » , souligne Pascal Lambiel.

Attention aux personnes seules

Si la participation des personnes aux activités sportives diminue quelque peu de nos jours, c’est dû à cette époque « où les rencontres sociales tendent à diminuer à cause des nouvelles technologies, mais c’est partout pareil » , explique Pascal Lambiel. D’où une attention particulière pour les personnes isolées. « Notre plus grand souci est de nous occuper des personnes âgées dans les homes où le personnel soignant ne connaît pas la langue des signes et il y a de grands problèmes de communication avec un isolement social pour le résident » , note Stéphane Faustinelli.

Pour l’association des Sourds du Valais, la surdité n’empêche, de loin, pas de vivre. Et surtout, de vivre bien. « Je me sens heureux comme je suis. J’ai une femme, deux enfants et un travail qui me plaît. Franchement, je ne vois pas ce que cela m’apporterait d’être entendant » , précise Pascal Lambiel, privé de l’ouïe depuis sa naissance. Ce Valaisan ajoute s’accepter comme il est. « Un passage essentiel pour bien vivre sa surdité au quotidien. »

Source Le Nouvelliste / Journaliste Christine Savioz

La communauté des sourds du Valais n’a plus d’aumônier.

« Ne nous oubliez pas »

Avec ces quelques mots dans le Nouvelliste, Rolande Praplan (SSV-Société des Sourds duValais) et Danielle Revaz espèrent retrouver un aumônier au plus vite en sensibilisant la population.

Les  besoins bien bien réels :

Mariages, baptêmes, accompagnement et célébration d’offices en langues des signes, autant de tâches assumées par l’aumônier. Et le remplacer par un interprète? « Impensable » , répondent les deux femmes en choeur. « Nous ne pourrions pas le payer puisque notre communauté n’a pas de revenus. En plus, le discours doit être adapté. C’est une manière différente de travailler. »

Directeur administratif du diocèse, Stéphane Vergère reconnaît que le poste est vacant: « Jusqu’ici, ce n’était pas un prêtre du diocèse mais un chanoine de la congrégation du Grand-Saint-Bernard qui l’occupait » , précise-t-il. Des chanoines touchés de plein fouet par la crise des vocations et qui ont quitté cet été le prieuré de Lens, mettant un terme aux liens qui les attachaient au secteur pastoral. Aujourd’hui, chacun se dit conscient des besoins de la communauté des sourds. « Mais avant d’être un problème de finances, c’est un problème de personnes » , insiste Stéphane Vergère. « Entre le charisme et les compétences, les candidats capables d’assumer une telle fonction ne courent pas les rues. » Pour sa part, Jean-Marie Lovey, prévôt du Grand-Saint-Bernard, voit dans cette situation un lieu où se vérifie la justesse des engagements. « L’Eglise se doit d’être proche des plus petits, des personnes en situation de handicap; il en va de sa crédibilité. Aujourd’hui, nous cherchons une solution juste pour que notre confrère, qui a accompagné les sourds jusqu’ici, puisse répondre à ce qui est d’abord un besoin pastoral.  » Les discussions sont donc en cours.

Source : Le Nouvelliste